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Par ZAZA-RAMBETTE le 19 Avril 2011 à 06:02
Cette amie de maman que depuis notre enfance nous appelons
II – REDON – MORLAIX
Devant l’entrée du séminaire de la Roche de Theil stationne, à côté de la grosse Hotchkiss familiale, surmontée de matelas, la voiture de Madame F…
Séminaire de la Roche de Theil
tante Magdeleine, a suivi notre expédition jusqu’ici et accepté ma proposition de lui servir de chauffeur pour la mener à MORLAIX où elle désire se rendre.
Quelques religieux nous entourent et nous aident à déplacer nos bagages.
Ils ont très aimablement offert l’hospitalité à ma mère, dans la grande bâtisse campagnarde, désertée en partie par les élèves qui sont allés rejoindre leur famille.
Je les ai mis rapidement au courant de mes intentions.
Tandis que je boucle avec soin le sac à dos, contenant vêtements et matériel de camping, équipement habituel de nos expéditions de vacances, l’un des Pères s’approche et suggère qu’un compagnon me serait peut-être utile.
La maison, me dit-il est presque vide. La plupart des séminaristes ont été mobilités, mais il y a ici un camarade de mon frère qui a demandé à ses supérieurs l’autorisation de partir pour se joindre aux troupes qui résisteraient encore.
Ne pourrait-il pas m’accompagner ?
J’accepte aussitôt.
Quelques minutes plus tard, je me trouve en face d’un solide de mon âge. Nous nous serrons la main et il se prépare à embarquer. C’est ainsi que Roger G… devient mon compagnon d’aventures.
Maman a retrouvé ici trois de mes frères, qui avec les petits, font cercle autour d’elle, tandis que je l’embrasse une dernière fois.
Dieu sait seul quand nous nous reverrons.
Vers cinq heures du soir la petite voiture lourdement chargée quitte REDON avec ses quatre occupants.
Notre conductrice, tante Magdeleine, Roger et moi, la dernière place libre occupée par un professeur, l’abbé CHALEL, que nous ramenons chez lui à MORLAIX. Il s’agit de traverser la Bretagne.
Je ne puis encore aujourd’hui, reconstituer l’itinéraire parcouru dans cette belle soirée de Juin.
Nous prenons seulement les petits chemins de traverse, afin d’éviter les grandes routes, sur lesquelles les convois ou l’ennemi peuvent nous arrêter.
A vrai dire tout est désert !…nous avons l ‘impression d’errer dans un vaste « no man’s land ».
En traversant un village, nous nous arrêtons, pour demander notre route, à un café, à travers les glaces duquel nous avions vu des consommateurs.
Certains sortent et regardent curieusement notre équipage. Parmi eux des militaires, des territoriaux sans doutes, et un officier.
Avant de nous indiquer notre chemin, ils nous demandent si nous avons vu les allemands.
Sur notre réponse négative, il cherche à nous persuader de rester ici et de ne pas repartir.
Pourquoi risquer la mort sur les routes alors que l’armistice est demandé. Eux ont d’ailleurs jeté leurs armes.
Les ponts sont minés aux environs, pourquoi continuer ?
Véritablement cet homme au milieu de ses soldats hébétés fait une lamentable impression … Pauvre armée !…
Nous ne l’écoutons pas plus longtemps.
Malgré tout, en franchissant le pont qui suit, nous avons un léger frisson. Va-t-il vraiment sauter à notre passage, comme on vient de nous l’affirmer ? Un coup d’accélérateur … rien.
Cela confirme notre pauvre opinion ces soldats que nous avons rencontrés.
Nous poursuivons rapidement les inlassables sinuosités du chemin.
Vers une heure du matin, nous sommes à MORLAIX.
L’abbé CHALEL nous héberge. Le lendemain matin, après l’avoir accompagné à l’église, nous essayons de remettre en marche la voiture dont l’allumage ne veut plus rien savoir, lorsqu’un murmure emplit soudain la ruelle :
« Les Allemands !… »
- « Quoi ? ils sont déjà là ? Bah !… dis-je à Roger, descendons toujours avec la voiture, on verra bien. »
La foule est déjà toute dans la rue, mais à gauche du carrefour, dans un vide "respectable", on entrevoit un side-car à croix gammée, arrêté devant la poste.
Un seul soldat le garde.
Notre véhicule s’arrête au bas de la descente. Un garagiste, brave homme, promet de le réparer pour le soir même et vient le prendre en remorque.
A la maison de tante Magdeleine, où nous avons transporté notre matériel. L’endroit est plus tranquille. L’action fait alors place à la réflexion.
- « Qu’allons-nous faire, maintenant que les Allemands sont là ? », me dit Roger
- « Partir en Angleterre. Les colonies résisteront avec elle, et nous pourrons rejoindre l’Afrique du Nord. C’est le seul moyen de servir à quelque chose. Il faut rester libres, car ici, avec l’occupation, nous ne pourrons rien faire … Mais la question mérite réflexion… »
Et je l’entraîne dans une salle, où, après une courte prière, la discussion continue.
Il est bientôt de mon avis, la Manche peut être traversée à la voile sur une barque de pêche.
Cette manœuvre ne nous oblige pas à recourir à un marin. Je me suis, en effet, familiarisé avec les choses de la mer au cours de stages de pilotin de la ligue maritime et coloniale.
Notre plan est de gagner de la côte le soir même et de nous débrouiller, soit pour nous joindre à un départ de troupes, soit pour acheter un bateau à voile. Le matériel est allégé. Nous laissons
Nous laissons le superflu, double toit de la tente, appareil photo et certains autres objets.
Tante Magdeleine mise au courant de nos projets, y oppose quelques objections de principe, mais accepte de nous conduire à la côte en auto.
L’après-midi, je fais des achats indispensables en ville.
Il y a très peu d’Allemands, suscitant une intense curiosité.
Je passe chez l’horloger devant lequel se trouve un attroupement provoqué par la présence de trois allemands assis en train de marchander la plus grosse pendule de la boutique.
Ils ont l’air paisible de touristes en villégiature et fument tranquillement.
Le départ a lieu vers six heures du soir.
Sortis de la ville en voiture sans être inquiétés, nous sommes sur la côte une heure plus tard et faisons nos adieux à tante qui nous remet un billet de dix livres anglaises et nous souhaite bonne chance
A DEMAIN POUR LA SUITE
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