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    III. – LE DIBEN  

     

    (Port de PRIMEL-PLOUGASNOU)

     


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    La nuit tombe, l’auto a disparu, une brise fraîche nous fait frissonner.

     

    Impression bizarre et exaltante : l’aventure commence.


    Après un silence, nous nous concertons laconiquement et décidons de camper sur le bord de la falaise en un coin isolé, au milieu des genêts.

     

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    Nous nous glissons dans nos sacs de couchage.

     

    Un avion Dornier qui vole bas passe le crépuscule en longeant la côte, serait-ce pour patrouiller ? La fatigue finit à la longue par vaincre ces pensées qui tournent sans but.


    Tôt dans le matin, la rosée et la lumière nous réveillent. Nous faisons des projets en nous habillant.

     

    Il faut mettre nos affaires à l’abri et rechercher et ensuite rechercher un moyen de partir.


    Une maison de douaniers abandonnée répond à notre premier désir.

     

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    Le hasard des rencontres nous permet d’ébaucher la solution du deuxième problème.

     

    En effet, Roger a proposé d’aller consulter le curé de PLOUGASNOU, le bourg voisin. Après une longue marche dans l’air matinal, nous trouvons enfin sa maison.


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    Il paraît assez effrayé de nos projets et ne nous donne aucun renseignement.

     

    Nous redescendons en discutant à haute voix lorsque nous dépassons deux femmes dont l’une porte l’uniforme de la Croix Rouge et nous interpelle :


    - « Pardon, Messieurs, sauriez-vous par hasard où l’on pourrait se procurer un bateau ? »


    Cela répond si directement à nos pensées que nous nous regardons interloqués.


    - « Nous sommes en train de nous poser la même question, » fais-je.

    - « Nous croyions en effet vous entendre à ce sujet », dit la plus âgée, « et c’est pour cela que nous vous en parlons. Ma nièce, -elle désigne l’infirmière-  désire passer en Angleterre, sans doute vous aussi ? »

     

    La conversation qui suit nous permet de faire plus ample connaissance.

     

    Ces deux personnes possèdent une villa au Diben et l’infirmière croit se soustraire à la menace des Allemands et, à la fois, pouvoir se rendre utile en se rendant en Angleterre.


    Ce projet nous paraît un peu chimérique, surtout pour une femme. Mais elle semble y tenir. Nous sommes donc quatre à la recherche d’un bateau et nous décidons de poursuivre séparément les recherches.

     

    Elles nous invitent à déjeuner dans leur villa.


    Nos démarches de la matinée n’ont aucun résultat. Il semble que personne ne sache s’il y a un bateau à vendre dans ce diable de pays et malgré tout, il faut aborder prudemment la question.


    Serons-nous obligés d’exécuter un coup

     

    de main nocturne sur une des barques du port ?...


    Quant au déjeuner prévu, ce fut une bien curieuse réception. A la villa où nous sommes invités, logent aussi le père et la mère de l’infirmière.

     

    Ces derniers nous reçoivent très froidement avec un air gêné et nous offrent un brouet plutôt clair.


    La conversation est bizarre, monosyllabique. Nous n’y comprenons absolument rien. Quant à l’infirmière, elle semble ne pouvoir nous donner aucune explication.

     

    Après ce plat unique, le repas est fini.


    Sans attendre notre reste, Roger et moi, excédés, nous nous levons et prenons congés, fort froidement nous aussi, puis courons à notre maison de douaniers casser une bonne croûte, en nous demandant si par hasard, nous ne sommes pas tombés chez des fous.


    Mais pourquoi perdre notre temps sur cette énigme ?


    Nous repartons sur la route longeant la côte et interrogeons les quelques rares paysans ou marins rencontrés.

     

    Ils se grattent la tête d’un air indécis, semblent chercher à deviner le but de notre démarche, mais ne posent aucune questions indiscrète. Leurs efforts sont cependant infructueux.


    Après trois ou quatre de ces délicates conversations, nous commençons à désespérer, lorsque nous voyons sur le bord du chemin deux ouvriers agricoles et nous décidons de les aborder.


    - « Hé !.. il y a bien l’père CREACH », dit l’un d’eux, « le fermier qui habite là-bas, j’crois, qui vent vendre sa vieille barque … »


    Nous les remercions chaudement et courons à l’adresse indiquée. C’est un vieux « rusé chafouin » que nous trouvons.

     

    Oui, il possède bien un bateau en bon état à vendre. Les agrès sont là et il nous les fait voir, puis il nous emmène sur la plage contempler une coque assez décrépite, mais cependant apte à flotter.

     

    Il lui faudrait huit jours pour mettre sa barque en état. Son prix est de deux mille francs.


    Nous discutons longuement le coup devant des verres de cidre et Roger, qui était un breton, m’explique les expressions patoises du vieux qui décrit longuement les qualités de sont matériel.


    Enfin, je coupe brusquement la conversation  par une proposition qui le fait sursauter :


    - «  Si vous pouvez-vous nous donner el bateau demain, complètement gréé, en état de prendre la mer, et nous faire sortir du port, je vous le paie cinq cents francs de plus. »


    Il réfléchit sans poser aucune question sur le motif de ma demande et acquisse à conditions que nous passions la journée du lendemain à l’aider à gréer la barque et qu’il n’en garantira pas l’étanchéité parfaite. Elle aurait besoin d’un bon calfatage. Nous pourrons ainsi sortir à la marée du soir.


    Le marché se conclut, les arrhes sont versées et nous remontons à notre masure douanière.


    A l’arrivée, nous avons la surprise de trouver notre infirmière.

     

    Enfin le mystère de midi va être élucidé. Nous l’interrogeons sans aménité , mais volubile, elle nous explique que ses parents nous ont pris pour des parachutistes Allemands …. Et se confond en excuses.


    Elle est convaincue (et c’est assez heureux) de notre bonne foi, mais ne veut plus nous accompagner, ce que nous jugeons fort sage vu les conditions aventurées de l’expédition.


    C’est ainsi que, dés l’aube du lendemain, nous nous mettons au travail. A midi, le bateau a fière allure et le soir à 16 heures, l’eau vient le baigner, tout gréé et déjà chargé de notre matériel.

     

    C’est notre bateau, le « SAINT YVES ». Je me sens déjà l’âme d’un capitaine.

     

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    Une heure plus tard, il appareille, piloté pas le vieux Breton, et accompagnée de notre amie, l’infirmière, qui en a été nommée la marraine.

     

    J’ai été prudent de fixer dans le marché la sortie du port, car la passe en est difficile, surtout avec ce fort vent debout.

     

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    Le vieux me donne bientôt la barre et nous quitte sur son « you-you ». Il ramène notre passagère.


    Bonne chance !…

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE


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