• Le président ROSSEVELT était bien conscient de la gravité, pour nous, de cette loi, aussi parvint-il — par un tour de force psychologique intérieur — à faire voter par le Congrès, dés le 4 novembre 1939, la loi « Cash and Carry », ce que l’on peut traduire par « payez comptant et transportez par vos propres moyens » s’agissant de matériel de guerre dans le sens le plus général du terme.

     

    C’était, en fait, une première entorse —et de taille — à la neutralité classique, en notre faveur, puisque seules parmi les belligérants en cause, à ce moment-là, en Europe, la France et la Grande-Bretagne disposaient de dollars ou de « réserves d’or », donc pouvaient payer « cash », et avaient la maîtrise de la mer leur permettant de transporter à travers l’Atlantique tous tonnages de matériel de guerre ainsi acquis... à « prix d’or ».

     

    Mais, il était évident que, la guerre se prolongeant, la Grande-Bretagne, restée seule en ligne après juin 1940, avait vu ses réserves d’or et de dollars s’épuiser rapidement et c’est alors qu’en mars 1941, le président ROOSEVELT avait fait voter par le Congrès une nouvelle loi dite « lend-lease », c’est-à-dire prêt-bail, qui permettait, en pratique, la « cession gratuite » de matériel de guerre à la Grande-Bretagne — et, plus tard, aux autres alliés des Etats-Unis — sous réserve de restitution —de ce qui n’aurait pas été détruit ou consommé — à la fin de la guerre.

    Nos réserves d’or en mauvaise posture

     

    D’où la réponse que me faisait le représentant de la Banque de France, à bord du « Montcalm », au début de mars 1946.

    — Alors! lui fis-je remarquer, puisqu’il nous faut payer de nouveau, en utilisant les réserves d’or que nous avons pu conserver, pourquoi ne laissons-nous pas — comme il était prévu initialement — une « provision » à nos créanciers d’Outre Atlantique étant donné que nous passons prés de chez eux ?

    — Le gros de notre cargaison, m’expliqua M. PEJAUD, étant composé de pièces et de médailles d’or de toutes sortes —y compris de dollars-or qui, d’après la loi monétaire américaine, sont comptés à la valeur du dollar-papier — la direction de la Banque, pour éviter toutes contestations sur les taux d’or fin et les cours de ces différentes pièces et médailles, a décidé de faire ramener tout ce chargement à Paris où pièces et médailles seront remises à la Monnaie qui les transformera en lingots ayant les dimensions, le poids et le taux d’or fin prévus par les règlements internationaux et, par suite, ne pouvant prêter à aucune discussion.

     

    Il était bien évident que ce qui restait de nos « réserves d’or » allait fondre à vue d’œil devant le brasier de nos besoins, alors que nous n’avions pratiquement rien à offrir en échange, comme produits d’exportation.

    Autrement dit l’Europe entière, dévastée et ruinée par la guerre, se trouvait, en 1946, dans une situation comparable à celle de la Grande-Bretagne en 1941 et, comme alors, seuls les Etats-Unis pouvaient l’aider..., ce qu’ils firent à nouveau, sous la forme du fameux " Plan Marshall ", dès 1947.

     

    Contre-amiral (CR) LEPOTIER


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