• Extraits des Contes Populaires de Basse Bretagne 


     (SUITE)


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    Selaouit, mar hoc’h eus c’hoant,
    Hag e clevfot eur gaozic coant,
    Ha na eus en-hi netra gaou,
    Met, marteze, eur gir pe daou.

    Écoutez, si vous voulez,
    Et vous entendrez un joli conte,
    Dans lequel il n’y a pas de mensonges,
    Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.

     

     

    Il courut, dès en arrivant, à la prairie où étaient les quatorze juments, et il les vit qui paissaient tranquillement, sans pouliches autour d’elles, cette fois.

    Le poulain de trois ans était seul avec elles, mais, aussi malingre et aussi chétif que jamais.

    A cette vue, Riwall entra dans une grande colère, et coupa un bâton dans la haie et en frappa à tour de bras la méchante bête.
    — « Holà ! Mon maître, » dit le poulain, « cessez de me frapper, je vous ‘prie, et écoutez-moi ; faites exactement ce que je vais vous dire, et vous verrez ce qui arrivera. Allez à la maison, prenez à l’écurie une bride, une selle et une étrille, et apportez-les ici. »

    Riwall alla à la maison et revint bientôt avec une bride, une selle et une étrille.
    — « A présent, » reprit le poulain, « mettez-moi la bride en tête, et la selle sur le dos… Bien !… Maintenant, prenez l’étrille et étrillez-moi fortement. »

    Et Riwall se mit à étriller le poulain, qui, à chaque coup d’étrille, croissait, croissait, tant et si bien que, pour continuer, « l’étrilleur » fut obligé de monter sur un talus.

     Quand le poulain eut atteint la grandeur de trois chevaux ordinaires, il dit :
    — « Assez. Montez à présent sur mon dos, et nous allons voyager. »

    Et ils partirent.

    Vous pouvez juger de la joie de Riwall de se voir juché sur un animal semblable ; jamais on n’avait vu son pareil, et l’on s’extasiait partout, sur leur passage. Ils vont tout droit à Rennes.

    Le roi de Petite Bretagne avait neuf chevaux, qui étaient tous malades, depuis quelque temps, et personne ne pouvait trouver de remède à leur mal, si bien qu’il en était fort contrarié.

    Le cheval de Riwall dit à son maître :
    — « Je sais bien, moi, ce qu’il faudrait faire pour guérir les chevaux du roi. Allez le trouver, et dites-lui que vous, vous faites fort de les guérir, moyennant cent livres d’avoine qu’il vous donnera, pour chacun d’eux.

    Quand on vous aura livré l’avoine, vous me l’apporterez, puis vous prendrez un fort bâton et en battrez les chevaux malades, jusqu’à ce qu’ils soient tout couverts d’écume.

    Vous recueillerez cette écume dans un vase et m’en frotterez, et ainsi ma force s’accroîtra encore de toute celle qu’auront perdue les chevaux du roi.

    Riwall va trouver le roi, et lui parle ainsi :
    — « Bonjour, sire. »
    — « Bonjour, brave homme. »
    — « J’ai appris, sire, que vos chevaux sont malades, et je viens vous proposer de vous les guérir. »
    — « Si vous faites cela, je vous en récompenserai généreusement. »
    — « Donnez-moi seulement cent livres d’avoine par cheval, et je ne demande pas autre chose. »
    — « S’il ne vous faut que cela, il sera facile de vous contenter. »

    Et le roi donna l’ordre à son premier valet d’écurie de lui livrer sur-le-champ neuf cents livres d’avoine.

    Riwall les porta à son cheval et retourna alors à l’écurie royale, où il se mit à battre les chevaux à tour de bras, avec un bâton de chêne vert qu’il avait lui-même coupé dans un bois.

    Il les battit tant et tant qu’ils furent bientôt couverts d’écume.

    Il recueillit cette écume dans un pot et en frotta son cheval, dont les forces s’en trouvèrent augmentées considérablement, et les chevaux du roi furent aussi guéris.

    La fille du roi était sorcière, et, quand elle vit cela, elle dit à son père :
    — « Vous croyez avoir de beaux chevaux, mon père, mais, si vous voyiez le Cheval du Monde, vous penseriez autrement. Vos chevaux ne sont que des rosses, à côté de celui-là, et, jusqu’à ce que vous le possédiez dans votre écurie, vous ne devriez jamais en parler. »
    — « Oui, mais comment se procurer cette merveille, ma fille ! »
    — « L’homme qui vous a guéri vos chevaux peut aussi vous procurer le Cheval du Monde, si vous le lui ordonnez. »

    Le roi fit appeler Riwall, et lui dit :
    — « Je désire avoir le Cheval du Monde dans mes écuries, et je vous ordonne de me le procurer. »
    — « Et comment pourrais-je vous le procurer, sire, puisque je ne suis ni magicien ni sorcier ? »
    — « Il faut que vous me le procuriez, ou il n’y a que la mort pour vous. »

    Riwall s’en revint vers son cheval, la tête baissée et tout triste.
    — « Que vous est-il arrivé, mon maître, lui demanda le cheval, pour être si triste ? »
    — « Hélas ! Je suis perdu, car je ne pourrai jamais faire ce que me demande le roi, sous peine de mort. »
    — « Que vous demande le roi, mon maître ? »
    — « De lui amener le Cheval du Monde dans ses écuries. »
    — « C’est chose difficile, mais non impossible pourtant, et, si vous faites exactement comme je vous dirai, nous pourrons, à nous deux, nous tirer de cette épreuve à notre honneur.

    Allez de nouveau trouver le roi et dites-lui que, pour réussir dans votre entreprise, il faut qu’il me fasse ferrer de quatre fers de cinq cents livres chacun, avec dix clous dans chaque fer, et que, de plus, il vous fournisse quatre-vingt-dix-neuf peaux de bœufs, dont vous me garnirez le corps, afin d’amortir les coups du Cheval du Monde. … »


    Vous me briderez, sellerez
    Et les clous examinerez
    C’hui ma vrido hag a dibro,
    A dalc’ho compt cuz ann tacho.  

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE


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