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    Extraits des Contes Populaires de Basse Bretagne





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    Selaouit, mar hoc’h eus c’hoant,
    Hag e clevfot eur gaozic coant,
    Ha na eus en-hi netra gaou,
    Met, marteze, eur gir pe daou.

     

    Écoutez, si vous voulez,
    Et vous entendrez un joli conte,
    Dans lequel il n’y a pas de mensonges,
    Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.

     


    Il y avait, une fois, un jeune penher (héritier, fils unique), riche, nommé Riwall.

    Son père avait quatorze juments, et son plus grand plaisir était de les monter, tantôt l’une, tantôt l’autre, et d’accompagner les valets qui les conduisaient au pâturage.


    Quand il eut douze ans, on l’envoya à l’école, en ville, et il regretta beaucoup ses jeux et ses courses en liberté sur les juments de son père.


    Au bout d’un an, il revint en congé à la maison, et son premier soin, en arrivant, fut de demander des nouvelles des juments.
    — « Je pense qu’elles vont bien », lui dit son père, « car je ne les ai pas visitées, depuis assez longtemps. »


    Il courut à la prairie où elles étaient et y vit treize juments qui paissaient, et, auprès de chacune d’elles, une belle pouliche, qui gambadait et folâtrait, puis une quatorzième jument avec un poulain tout chétif et qui paraissait malade.


    Il s’approcha de ce dernier et se mit à le caresser et à lui gratter le front.


    Le poulain lui dit, dans le langage des hommes :
    — « Tuez les treize pouliches et me laissez en vie, afin que je puisse téter, seul, les quatorze juments et acquérir ainsi la force de quatorze chevaux. »
    — « Comment ! » répondit Riwall, étonné, « vous parlez donc ? »
    — « Oui, je parle comme vous ; mais, voulez-vous faire ce que je vous demande ? »
    — « Tuer treize belles pouliches pour un méchant poulain qui ne vaudra jamais grand’chose, sans doute ; non, je ne ferai pas cela. »
    — « Je vous le répète, faites ce que je vous demande, et vous n’aurez pas à vous en repentir, plus tard, »
    — « Je ne le ferai pas ; il faudrait avoir perdu la tête pour agir de la sorte. »


    Et Riwall s’en retourna là-dessus à la maison.


    Mais, toute la nuit qui suivit, il ne fit que songer aux paroles du poulain. Le lendemain, il se rendit encore à la prairie où se trouvaient les quatorze juments avec leurs pouliches, et le poulain chétif lui renouvela sa demande, et de même le troisième jour, si bien qu’il se dit en lui-même :
    — « Ceci est bien extraordinaire, et je ferais peut-être bien d’obéir et de suivre le conseil du poulain ?… »


    Enfin, il se décida à tuer les treize pouliches.


    Mais, son congé expira, et il retourna à l’école.


    Il revint encore à la maison au bout d’une année, et courut, dès en arrivant, à la prairie où étaient les juments avec leurs poulains.

    Les quatorze juments avaient encore poulinés. Le poulain, resté seul n’avait profité en rien, alors que les quatorze nouvelles pouliches étaient magnifiques.

    Le poulain accourut à Riwall, dès qu’il l’aperçut, et lui dit encore :
    — « Tuez ces quatorze pouliches aussi, pour que je reste encore seul à téter les quatorze juments. »
    — « Doucement ! » répondit Riwall ; » j’ai été assez sot pour vous obéir, une première fois, mais, vous ne me prendrez pas une seconde, d’autant plus que vous n’avez profité en rien pour avoir tété les quatorze juments, pendant toute une année. »
    — « Je vous le répète », reprit le poulain, « fixités ce que je vous dis, et vous n’aurez pas lieu de le regretter. »


    Riwall finit par céder, et il tua encore les quatorze pouliches, puis il retourna de nouveau à l’école, pendant un an.


    Quand il revint en congé pour la troisième fois, les quatorze juments avaient de nouveau pouliné, quatorze belles pouliches, et le méchant poulain n’avait toujours profité en rien.

    Riwall alla à lui, d’assez mauvaise humeur, et lui dit :
    — « Jamais je n’ai vu pareille chose ! Comment ! Tu têtes seul, pendant deux ans consécutifs, quatorze juments, et tu restes chétif et malingre comme te voilà ! Qu’est-ce que cela veut dire ? »
    — « Je vous demande de tuer encore une fois les quatorze pouliches », répondit le poulain.
    — « Te moques-tu de moi, ou me prends-tu pour un imbécile ? »
    — « Je ne me moque pas de vous et je ne vous prends pas pour un imbécile ; ce sera la dernière fois ; faites comme je vous dis, et vous n’aurez pas lieu de le regretter, je vous le répète. »


    Après avoir longtemps hésité, Riwall finit par tuer encore les quatorze pouliches.


    Puis il retourna à l’école, et revint au bout d’un an, mais pour rester à la maison, à présent, ses études étant terminées.

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE


     


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