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Le Chat Noir - 6ème partie
Dans la série des contes de basse-Bretagne
LE CHAT NOIR
Sixième partie
Selaouit holl, mar hoc’h eus c’hoant,
Setu aman eur gaozic koant,
Ha na eus en-hi netra gaou,
Mès, marteze, eur gir pe daou.
Écoutez, si vous voulez,
Voici un joli petit conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonge,
Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.
Rio fut bien étonné et bien effrayé aussi de ce qu’il entendait.Il n’en remercia pas moins le Chat, et remplit son bissac de ce qu’il put trouver de meilleur, et lui dit de revenir, quand ses provisions seraient épuisées.
Le Chat retourna alors dans son île, auprès de sa mère.
Quant à Rio, il réfléchit beaucoup à ce qu’il avait entendu, et il songea même à refuser l’invitation à la partie de chasse, au château de sa maîtresse.
Il y alla pourtant, se disant qu’il serait bien sot de se rendre aux menaces d’un Chat, et que, sans doute, il était halluciné et avait rêvé tout cela, tant il lui paraissait étrange et surnaturel qu’un Chat pût parler et raisonner ainsi.
Tous les honneurs de la journée furent pour lui, et il abattit une quantité prodigieuse de gibier de toute sorte.
Le repas fut magnifique, le soir, et la châtelaine ne tarit pas de compliments et de gracieusetés de toute sorte à son adresse.
On lui porta aussi force santés, de sorte que, lorsque l’heure fut venue d’aller se coucher, les têtes étaient un peu échauffées, et l’on parlait beaucoup et fort.
Rio monta à sa chambre, avec le compagnon de lit que la châtelaine elle-même lui désigna, et qui n’était pas de ceux qui avaient bu le moins.
Aussi, se mit-il promptement au lit, et, quelques minutes après, il ronflait comme un tuyau d’orgue.
Rio se coucha aussi, sur le devant du lit, et faillit s’endormir aussitôt.
Heureusement qu’il se rappela à temps les recommandations du chat.
Il changea de place avec son compagnon de lit, sans l’éveiller (il dormait comme un rocher), le tira sur le devant, prit sa place du côté du mur, puis il souffla la lumière, et feignit de dormir et de ronfler aussi.
Tôt après, il entendit ouvrir la porte de la chambre, avec précaution, et il vit la châtelaine, sa maîtresse, entrer et s’avancer vers le lit, sur la pointe du pied, tenant d’une main un chandelier, et de l’autre un grand coutelas de chasse.
Quand elle fut contre le lit, sans hésiter un seul instant, elle trancha la tête au dormeur qui était sur le devant, pensant que c’était Rio, la laissa rouler sur le plancher et la poussa du pied, en s’en allant, et ferma la porte, à double tour.
Voilà Rio fort embarrassé, comme bien vous pensez.
Il songea à s’enfuir, par une fenêtre, par la porte, ou par telle autre issue qu’il trouverait.
Mais, les fenêtres étaient garnies de grosses barres de fer, entre lesquelles il lui était impossible de passer, et la porte était fermée à clef.
Il lui fallut donc passer la nuit avec un cadavre décapité et baigné dans son sang.
Grande était son inquiétude, au sujet de ce qui se passerait le lendemain, et il se disait en lui-même :
— "Si le Chat noir ne vient pas encore à mon secours, je suis perdu, et il ne me servira de rien d’avoir sauvé ma tête, cette nuit, car sûrement cette diablesse de femme ne manquera pas de m’accuser d’avoir assassiné cet homme !"
Le lendemain matin, le soleil était levé depuis longtemps et tout le monde était sur pied, dans le château, et Rio et son compagnon de lit ne descendaient pas.
Au moment de se mettre à table, pour déjeûner, la châtelaine, feignant d’en ignorer la cause, demanda de leurs nouvelles, et on lui répondit que personne ne les avait vus, depuis la veille.
— "Les paresseux !" dit-elle. "Allons les chercher, dans leur chambre, et nous informer auprès d’eux de la manière dont ils ont passé la nuit ; ils sont peut-être indisposés ?"
Et elle monta à leur chambre, suivie d’une demi-douzaine de chasseurs.
Quand elle ouvrit la porte et qu’elle reconnut son erreur, en voyant Rio debout, attendant qu’on vînt lui ouvrir, et la tête de l’autre noyée dans son sang, et son corps étendu à côté, elle poussa un cri sauvage et faillit s’évanouir.
Mais, maîtrisant sa douleur et ne perdant pas de, vue sa vengeance :
— "Ah ! le misérable !" s’écria-t-elle; "il a assassiné, en traître, son compagnon de lit ? Qu’on le garrotte, qu’on le jette en prison, et, demain matin, il périra sur l’échafaud !"
Des domestiques furent appelés, et le pauvre Rio fut garrotté, maltraité et jeté au fond d’une basse-fosse, pour de là être conduit à la mort, le lendemain matin.
Un échafaud fut dressé, au milieu de la cour du château, et le lendemain matin, à dix heures, on tira Rio de sa prison et on l’y fit monter. Le bourreau l'attendait.
La châtelaine était à son balcon, entourée de ses convives de la veille, et toutes les fenêtres étaient garnies de spectateurs.
En promenant ses yeux de tous côtés, d’un air désespéré, Rio aperçut le Chat noir sur un toit, et aussitôt une lueur d’espoir éclaira son visage, et, se tournant vers l’animal, il dit :
— "Puisque je n’ai plus rien à espérer des hommes, si du moins ce Chat noir, que je vois là-haut, voulait bien me venir en aide et faire connaître la vérité, je ne mourrais pas encore aujourd’hui !"
Aussitôt tous les regards se tournèrent vers le Chat.
Celui-ci sauta alors sur l'échafaud, auprès de Rio, et parla ainsi au bourreau, qui, sa hache sur l’épaule, n’attendait que le signal pour frapper :— "Holà ! mon ami, arrête ! Ce n’est pas cet homme, qui est innocent, qu’il faut frapper, mais, bien la vraie coupable, celle qui a commis le crime, et la voilà !..."
Et il désigna la châtelaine, qui était à son balcon, parée comme pour une fête et entourée de ses galants.
Elle pâlit, poussa un cri et s’évanouit.
Jugez de l’étonnement de tous les assistants !
Rio descendit alors de l’échafaud, et on y fit monter la châtelaine, qui fut décapitée à sa place, malgré ses cris et ses prières, car personne n’osa la défendre ni parler en sa faveur, tant on avait peur du Chat noir !
Quand tout fut terminé, Rio s’en retourna chez lui, heureux de pouvoir s’en tirer ainsi, et le Chat noir rentra aussi dans son île.
Fin la sixième partie
Tags : —, chat, rio, noir, seigneur
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Commentaires
Bonsoir Zaza. Passionante histoire. On va faire des cauchemards cette nuit. LOL. Je pense que tu vas bien et je vais te souhaiter de passer une bonne et douce nuit. Amicalement Antoine.
@ Aimé jc : Il n'y a pas de raison... Ce n'est qu'un conte "abradadabreiz" Bises et bonne soirée.
Les têtes valsaient en ce temps là...
Une histoire fort bien imagée à couper le soufle...
Vais-je dormir ce soir ?... LOL
Passe une douce soirée mon amie Zaza
@moquelet : Mignonne, ce sont des moments douloureux mais il faut s'accorcher. Je suis heureuse qu'il soit rentré auprès de toi. Et je sais que tu fais tout ce que tu peux. De gros bisous. ZAZA
merci pour ton petit mot, il est rentré, je suis allée le chercher cet après midi, il a fait une occlusion intestinale, est-ce dû à son cancer, son chirurgien lui a dit que ça pouvait arriver à tout le monde.....depuis quelques années il déguste....mais il y en a tellement d'autres, tu as eu ta dose aussi.....encore merci et douce fin de journée
@ Line sourire : Eh oui, Line.. jmis se fier au fmme, elles peuvent être le meilleur ou le pire.....!!!! Bises et bonne soirée
Jamais se fier aux femmes , ton histoire est édifiante (rires)
bisous
je comprends ta réflexion sur ma nouvelle
Bigre, les images ... j'ai eu du mal à les regarder, et maintenant je regarde aussi Pépita d'un autre oeil !!!!
Merci pour ce conte ZAZA et vivement la suite ...
Gros bisous
@papyserge : C'était comme cela dans les contes "abracadabreiz". Les méchants et les méchantes, couic, couic...!!!! Bises
On coupait vite les têtes en ces temps là.... brr brr... Diabolique mais je sais que ça va bien finir n'est-ce pas ?? Bisous ma belle
@ : Monica et la mer : Une histoire "abracadabreiz"...!!! Ici le soleil tente une percée.. pas gangé, mais il fait doux. Ma porte fenêtre reste ouverte pour permettres aux zanimaux de sortir sans problème. Bises et bonne journée.
17Monica et la merMardi 9 Octobre 2012 à 11:33quelle histoire
a pas dormir la nuit loll
les chats noirs sont toujours bêtes de contes
merci Zaza
bises et journée grise ici malgré 17 degrés c est trés humide
kénavo
@ Quichottine :Mais non ma Quichottine ne t'excuses pas. Tu vois il s'agit de deux livres que j'ai relus récemment, et je me suis laissée bercée pas ces contes "abracadabriez"... Le plus difficile à part les retranscrire, c'est de les illustrer avec des photos qui collent à la situation. Dans tous les cas je m'amuse bien. Bises et bon mardi.
@Eliane : Les images ne sont que l'illustration des prédictions du chat. Bises et bon mardi.
Palpitant !
Je ne vois pas d'autre mot pour qualifier ton conte, je suis navrée que ça fasse double emploi avec d'autres.
Bisous et douce journée. A demain.
Sourires ...j'en attendais pas moins de notre chat ...mais quelle epoque !!!
Sourires
Bises zaza
Bonjour Zaza, je n'ai fais que de regarder les images, et déja cela m'a fait un peu froid dans le dos,....a bientôt, Bisous@ moquelet : A ce point...!!!!! C'est vrai qu'illustrées, les annonces du chat prennent une autre dimension. Bises et bon mardi.
Ouf! heureusement que le Chat était là! Ce conte est palpitant, vivement demain pour la suite!
Gros bisous ma Zaza!
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@tiot : Bien entendu, il avait raison ....!!!! Bises et bon mercredi.