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Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)
Dans la série des contes
de basse-Bretagne
Yann ha Yannig
Deuxième partie
Yann Kerbrinic et Yannig Kerboule’ch, mari et femme, faisaient le plus beau couple du monde, selon un vieux dicton (Jann ha Jannet, braoa daou den a vale).
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A midi, la veuve arriva de la messe, accompagnée de Yann Kerboule’h.
— « Le diner est-il prêt ? » demanda-t-elle aussitôt.
— « Oui, tout est prêt », répondit Yannig.
— « Vous avez mis tout ce qu’il fallait (Péadra) dans la marmite. »
— « J’ai mis Péadra dans la marmite. »
— « Voyons si votre soupe est bonne. »
Et chacun des trois prit son écuelle et la vida lestement : la soupe fut trouvée excellente.
La vieille s’occupa alors de retirer elle-même la viande de la marmite.
— « Jésus ! » s’écria-t-elle, en trouvant le chien dans la marmite, « qu’est-ce que cela ? »
— « Eh bien ! Ma mère, c’est Péadra, que vous m’aviez bien recommandé de mettre dans la marmite. »
— « Péadra ? Mon pauvre petit chien ? »
— « Certainement; ne me l’aviez-vous pas dit ?... »
— « Comment, malheureuse, sotte, imbécile, tête éventée !... Je t’ai dit de mettre dans la marmite tout ce qui était nécessaire pour faire de bon bouillon, c’est-à-dire du sel, du poivre, des choux, des carottes, des navets et du lard, et tu y mets le chien !... »
— « Dam ! Ma mère, est-ce que je savais cela, moi ?... »
— « Allons ! Allons !... Tu ne seras jamais bonne à rien, vois-tu ! »
Yann regardait les deux femmes, et ne disait rien.
Un autre que lui eût été suffisamment édifié sur l’intelligence de la fille, par ce qui venait de se passer ; mais, il était amoureux de Yannig, et l’amour est aveugle, dit-on.
Le repas terminé, ce qui ne fut pas bien long, la vieille envoya sa fille puiser de l’eau fraîche, à la fontaine.
Yannig partit avec la cruche. Elle l’avait remplie d’eau fraîche et claire et s’apprêtait à la poser sur sa tête, pour s’en retourner à la maison, lorsqu’elle fut tout à coup arrêtée par cette pensée :
— « Si je me marie, et je me marierai, et que j’aie des enfants, et j’en aurai, comment ferai-je pour leur trouver des noms, car je vois que tous les noms sont déjà pris par les autres ? »
Et elle passa en revue les noms de baptême, et n’en trouva aucun qui ne fût porté par quelqu’un de la paroisse : Yvon, Jean, François, Pierre, Marc, Jacques, Stéphan, Arthur, Alain, Goulven, Glaoud, Kaourentin, Guillaume, Hervé, Tudual, Grallon, Marie, Anne, Yvonne, Soïzic, Monic, Marc'harit, Marianna, Yannig, Berc’hed, Katel, Glaouda, Tina, Izabel, Hénora, Franccza, Genoefa, etc., tous étaient pris. Et la voilà bien peinée.
— « Jésus, mon Dieu ! S’écria-t-elle, mes enfants resteront donc sans noms, et, par conséquent, ne seront pas baptisés !... »
Et elle se mit à pleurer dru, et s’oublia près de la fontaine, assise sur une pierre et la tête sur ses genoux.
Cependant, la mère, inquiète de voir que sa fille ne revenait pas, se mit à sa recherche :
— « Yannig ! Yannig ! Que fais-tu donc là si longtemps, Reviens, vite ? Voilà plus d’une heure que tu es là. »
— « Ah ! Vous ne savez pas, mère », s’écria Yannig.
— « Quoi donc, ma fille ? »
— « Quel malheur, mon Dieu ! »
— « Quoi donc ? Que t’est-il arrivé ? »
— « Vous n’avez pas songé à une chose, mère ? »
— « Qu’est-ce que c’est donc ? Dis vite. »
— « C’est que si je me marie, et je le ferai, et que j’aie des enfants, et j’en aurai, il ne restera plus de noms à leur donner, puisque tous sont déjà pris par les autres. »
La bonne femme, qui n’était guère plus fine que sa fille, resta d’abord immobile, bouche béante, et ne trouva rien à répondre. Puis elles passèrent en revue tous les noms de baptême et constatèrent avec douleur qu’en effet tous étaient pris :
— « Comment faire, mon Dieu ! Et que c’est malheureux !... »
Et les voilà de pleurer toutes les deux, et de se désoler sur ce malheur irréparable.
Cependant, Yann, resté seul à la maison, et impatientant de voir que la mère ne revenait pas plus que la fille, se mit aussi à leur recherche, et, ayant appris le sujet de leurs larmes et de leur désolation, il se dit en lui-même, en haussant les épaules :
— « Décidément, la mère et la fille se valent ; elles sont bêtes comme deux sabots, et ce que j'ai de mieux à faire, c’est de les planter là, et de chercher fortune ailleurs ; car, certainement, je n’aurai pas de peine à trouver mieux. »
Et il partit, sans autre forme de compliments.
A quelque distance de là, comme il passait devant une ferme, il aperçut, sur une aire à battre, une jeune fille armée d’une fourche de fer à dents très espacées.
— « Voici », pensa-t-il, « une jolie fille qui ferait bien mon affaire; si je pouvais tenir ce gentil oiseau dans ma cage !... »
Et il entra dans l’aire.
— « Que faites-vous donc là de la sorte, la jolie fille aux cheveux blonds, avec votre fourche de fer ? »
— « Ma mère », répondit-elle, « m’a recommanda de monter sur le grenier ces pois qu’elle a exposés au soleil pour sécher. Depuis midi, je suis là avec ma fourche à essayer de les monter sur le grenier, comme j’ai vu faire pour le foin, et je n’ai pu encore en monter un seul, et pourtant le soleil est sur le point de se coucher. »
— « Ce n’est pas comme cela qu’il faut s’y prendre, mon petit cœur. Approchez ici votre panier, nous allons y mettre les pois avec nos mains, et ainsi nous aurons bien vite fait de le monter au grenier. »
— « Non, non », répondit la jeune fille, « ma mère m’a dit de les monter au grenier avec une fourche de fer, et ma mère n’est pas une sotte, savez-vous ? »
— « Eh bien ! Mon enfant, travaillez bien, alors avec votre fourche, car je crains bien que le soleil ne se couche avant que vos pois soient sur le grenier ; en attendant, mes compliments à votre mère et adieu. »
Et Yann s’en alla en se disant :
— « Ce ne sera pas celle-ci qui me fera regretter Yannig : elle est bien gentille, pourtant. »
Un peu plus loin, il arriva près d'un village, où il vit beaucoup de monde assemblé autour d’une maison.
Il y en avait aussi sur le toit et jusque sur la cheminée, et ces derniers paraissaient tirer sur une corde et la laisser descendre alternativement dans la cheminée, comme font des ramoneurs.
Yann s’approcha d’une jeune fille grande, et bien découplée, aux cheveux noirs, aux yeux bleu océan, comme il en aurait désiré pour être sa moitié de ménage, et lui adressant la parole :
— « Dites-moi, je vous prie, mon petit cœur, ce que font ces gens ? M’est avis qu’ils ramonent a cheminée. »
La jeune fille, détournant la tête, le regarda par-dessus son épaule, d’un air de dédain, et lui lit :
— « Vous êtes encore un malin, vous ! De quel pays venez-vous donc, pour parler de la sorte ? Comment ne voyez-vous pas, imbécile que vous êtes, qu’on est à panser le cheval de mon père ? »
— « A panser le cheval de votre père ? Je vous avoue que je ne comprends pas bien comment... »
— « Eh bien ! Mon pauvre homme », répondit une petite vieille, qui se trouvait à côté de la jeune fille (c’était sa mère),
« notre cheval timonier est tombé, il y a quelques jours, dans la rivière et a été entraîné par le courant sous la roue du moulin, où il a reçu plusieurs blessures graves. Le rebouteux, un homme renommé dans tout le pays, pour sa science, a ordonné de frotter ses plaies avec de la suie de cheminée, et c’est ce que l’on fait en ce moment, comme vous le voyez. N’entendez-vous pas les plaintes de la pauvre bête ? »
Et, en effet, ces gens, se tenant partie sur la pierre du foyer, dans l’intérieur de la maison, en partie sur le sommet de la cheminée, faisaient monter et descendre alternativement le cheval, au moyen de cordes, pour mettre ses plaies en contact avec la suie.
— « Mais, ma brave femme », répondit Yann émerveillé de tant de simplicité et de sottise, « ne pensez-vous pas qu’il eût été plus commode et moins dangereux pour la bête de prendre un peu de suie dans la cheminée, au moyen d’une échelle et d’en frotter ses plaies, dans l’écurie. »
— « N’écoutez pas cet imbécile, mère », dit la jeune fille, d’un ton arrogant, « c’est moi qui a conseillé de faire ainsi, et je soutiens qu’il n’y avait rien de mieux à faire. »
Yann préféra se taire et s’en alla, en maugréant.
Fin de la deuxième partie
Tags : —, yann, », bien, fille
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Commentaires
Un conte sacrément malicieux et des jeunes filles aux neurones bien développés...
Mais on en sourit!
Excellente journée, gros bisous
Cendrine
Hummm, à voir le coté feminin, il serait mieux de s'exiler ailleur :-)
Bisous ZAZA bonne soirée et à demain Bye
Bonsoir Zaza. Tu as de l'imagination Zaza. J'attends la troisième partie. Je vais te souhaiter de passer une excellente soirée. Amicalement Antoine.
@geo : Pur jus mon geo, quoiqu'ayant été conçue, étant née à FOURQUEUX... cela ne s'invente pas...!!!!! Bises et bonne soirée
@Aimé jc : Conte facétieux de tradition orale de basse bretagne... mes ancêtres ne manquaient pas d'imginaton. Passe une très bonne soirée mon ami. Bises
Yannick et son âme soeur toute une histoire me semble-t-il !
Ce passage de l'âne, je l'ai particulièrement bien apprécié, il fallait quand même avoir une bonne imagination... Et je ne parle pas du chien en plus !
En fait de gourdes il yen a partout, heureusement d'ailleurs, comment saurait-on sinon que les autres ne le sont pas ! LOL
Passe une bonne soirée avec ce Ronchon, qui en a de la chance d'avoir été choisi par une sacrée Bretonne !
Amitiés sincères
@Hourra : Il s'agit d'un conte facétieux de tradition orale... et puis il ne faut pas oublier que nous sommes au pays de Bécassine... Bises et bonne soirée ma Justine.
Ben dis donc, le Yannick n'a pas de chance de trouver l'âme soeur.. N'y aurait-il que des "cruches" en Basse- Bretagne ma zaza ?
Le coup de l'âne qui monte et descend, fallait trouver ! et le chien dans la soupe , il faut vraiment être "zinzin"... (Sans méchanceté de ma part, n'est-ce-pas, Zaza ! )
Bises et à demain pour la suite.
Va-t-il trouver chaussure à son pied ?@FLEURDEROCAILLE : Je te fais confiance sur ce coup là. Dam, tu parles d'un nom toi : Kerbrinic.... il ne peut trouver que des moules avec un nom pareil....!!!! Bises
oh vin dieu la belle église, tu parles d'une cruche la Yannig et les autres, c'est pas gagné pour Yann, mais que fait Nolween dans cette histoire ! la jument de Michaux..lol !
j'ai hâte de lire la suite, si çà continue, va rester "vieux gars" ! je lis avec l'accent, c'est hilarant
Bises zaza @++
c'est vraiment très sympa à lire, je retombe en enfance...et ça fait du bien...bon We Miss...
27Monica et la merSamedi 3 Novembre 2012 à 10:54un bon conte je me régale loll
j ai hate de voir la meilleure loll
bon samedi pour toi
nous avons un peu d e soleil aprés de bonnes averses
bises Zaza
@ Framboise44 : Ce Yann Kerbrinic a le chic pour se dégoter des perles de sottises, mais avec un nom comme Kerbrinic.. aussi....!!!!
eh bien j'ai lu la première partie, atroce pour ce petit chien
la deuxième partie est pas mieux eh bien c'est le pays dessots que tu nous contes
bisous
@rosedesneiges : Hier, le flux était quelque peu perturbé..!!! Profite bien de la "gamine" et fêtez cet évènement dignement. Je lèverai mon verre ce midi à sa santé. Bises et bon samedi
bonjour ZAZA
Depuis 2 jours impossible d'ouvrir ton blog ,mon ordi plante à chaque fois et vite ce matin j'en profite pour te remercier de tes gentils mails.je reviendrais lire ton conte car je veux bien avoir le temps pour l'apprécier et ce samedi est un grand jour pour notre fille.Je te souhaite un bon weekend ,demain je pense que l'on va dormir après avoir fait la fête
gros bisous
rosedesneiges
@moquelet : Une expression de chez nous, ce qui sous entend que les sabots sont encore liés...!!! Bises et bon samedi
@Anne d'Amico : Plus il progresse dans sa quête ert plus ces demoiselles sont courges...!!!! Bises et bon samedi
Je me demande bien s'il trouvera une fille à son goût...
Curieux conte, toutefois.
Bisous et douce journée.
Un conte qui pique la curiosité. On a envie de connaître la suite. J'aime bien la liste des prénom. @+
je ne savais pas que l'on pouvait être bête comme deux sabots.....une expression qui m'a amusée....douce journée
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@Cendrine Joyau : Il ne faut pas oublier que nous sommes au pays de Bécassine..!!!! Bises