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Le Château de Cristal (fin)
Le Château De Cristal (fin)
Kement-man oa d’ann amzer
Ma ho devoa dennt ar ier.
Ceci se passait du temps
Où les poules avaient des dents.
Le lendemain matin, au moment où le mari d’Yvonne s’apprêtait à partir.
Yvon lui dit :
— « Beau-frère, j’ai envie de vous accompagner, aujourd’hui, dans votre tournée, pour voir du pays, et prendre l’air ? »
— « Je le veux bien, beau-frère, mais, à la condition que vous ferez tout comme je vous dirai. »
— « Je vous promets, beau-frère, de vous obéir en toute chose. »
— « Ecoutez-moi bien, alors : il faudra, d’abord, ne toucher à rien et ne parler qu’à moi seul, quoi que vous voyiez ou entendiez.3
— « Je vous promets de ne toucher à rien et de ne parler qu’à vous seul. »
— « C’est bien ; partons, alors. »
Et ils partirent de compagnie du Château de Cristal.
Ils suivirent d’abord un sentier étroit, où ils ne pouvaient marcher tous les deux de front.
Le mari d’Yvonne marchait devant, et Yvon le suivait de près.
Ils arrivèrent ainsi à une grande plaine sablonneuse, aride et brûlée.
Et, pourtant, il y avait là des bœufs et des vaches gras et luisants, qui ruminaient tranquillement couchés sur le sable et qui paraissaient heureux.
Cela étonna fort Yvon ; mais, il ne dit mot, pourtant.
Plus loin, ils arrivèrent à une autre plaine où l’herbe était abondante, haute et grasse, et, pourtant, il y avait là des vaches et des bœufs maigres et décharnés, et ils se battaient et beuglaient à faire pitié.
Yvon trouva tout cela bien étrange encore, et il demanda à son beau-frère :
— « Que signifie donc ceci, beau-frère ? Jamais je n’ai vu pareille chose : des vaches et des bœufs de bonne mine et luisants de graisse, là où il n’y a que du sable et des pierres, tandis que, dans cette belle prairie, où ils sont dans l’herbe jusqu’au ventre, vaches et bœufs sont d’une maigreur à faire pitié, et paraissent près de mourir de faim. »
— « Voici ce que cela signifie, beau-frère. Les vaches et les bœufs gras et luisants, dans la plaine aride et sablonneuse, ce sont les pauvres qui, contents de leur sort et de la condition que Dieu leur a faite, ne convoitent pas le bien d’autrui. Les vaches et les bœufs maigres, dans la prairie où ils ont de l’herbe jusqu’au ventre, et qui se battent continuellement et paraissent près de mourir de faim, ce sont les riches, qui ne sont jamais satisfaits de ce qu’ils ont et cherchent toujours à amasser du bien, aux dépens des autres, se querellant et se battant constamment. »
Plus loin, ils virent, au bord d’une rivière, deux arbres qui s’entrechoquaient et se battaient avec tant d’acharnement qu’il en jaillissait au loin des fragments d’écorce et des éclats de bois.
Yvon avait un bâton à la main, et, quand il fut près des deux arbres, il interposa son bâton entre les deux combattants, en leur disant :
— « Qu’avez-vous donc à vous maltraiter de la sorte ? Cessez de vous faire du mal, et vivez en paix. »
A peine eut-il prononcé ces paroles, qu’il fut étonné de voir les deux arbres se changer en deux hommes, mari et femme, qui lui parlèrent ainsi :
— « Notre bénédiction sur vous ! Voici trois cents ans passés que nous nous battions ainsi, avec acharnement, et personne n’avait pitié de nous, ni ne daignait nous adresser la parole. Nous sommes deux époux qui nous disputions et nous battions constamment, quand nous étions sur la terre, et, pour notre punition, Dieu nous avait condamnés à continuer de nous battre encore ici, jusqu’à ce que quelque âme charitable eût pitié de nous, et nous adressât une bonne parole. Vous avez mis fin à notre supplice, en agissant et en parlant comme vous l’avez fait, et nous allons, à présent, au paradis, où nous espérons vous revoir, un jour. »
Et les deux époux disparurent aussitôt.
Alors Yvon entendit un vacarme épouvantable, des cris, des imprécations, des hurlements, des grincements de dents, des bruits de chaînes…
C’était à glacer le sang dans les veines.
— « Que signifie ceci ? » demanda-t-il à son beau-frère.
— « Ici, nous sommes à l’entrée de l’enfer. Mais, nous ne pouvons pas aller plus loin ensemble, car vous m’avez désobéi. Je vous avais bien recommandé de ne toucher et de n’adresser la parole à nul autre que moi, durant notre voyage, et vous avez parlé et touché aux deux arbres qui se battaient, au bord de la rivière. Retournez auprès de votre sœur, et moi, je vais continuer ma route. Je rentrerai à mon heure ordinaire, et alors, je vous mettrai sur le bon chemin pour retourner chez vous. »
Et Yvon s’en retourna au Château de Cristal, seul et tout confus, pendant que son beau-frère continuait sa route.
Quand sa sœur le vit revenir :
— « Te voilà déjà de retour, mon frère chéri ? » Lui dit-elle.
— « Oui, ma sœur chérie », répondit-il, tout triste.
— « Et tu reviens seul ? »
— « Oui, je reviens seul. »
— « Tu auras, sans doute, désobéi en quelque chose à mon mari ? »
— « Oui, j’ai parlé et touché à deux arbres qui se battaient avec acharnement, au bord d’une rivière, et alors ton mari m’a dit qu’il fallait m’en retourner au château. »
— « Et, comme cela, tu ne sais pas où il va ? »
— « Non, je ne sais pas où il va. »
Vers le soir, le mari d’Yvonne rentra, à son heure habituelle, et dit à Yvon :
— « Vous m’avez désobéi, beau-frère. Vous avez parlé et touché, malgré ma recommandation et malgré votre promesse de n’en rien faire, et, à présent, il vous faut retourner encore un peu dans votre pays, pour voir vos parents . Vous reviendrez ici, sans tarder, et ce sera alors pour toujours. »
Yvon fit ses adieux à sa sœur.
Son beau-frère le mit alors sur le bon chemin pour s’en retourner dans son pays, et lui dit :
— « Allez, à présent, sans crainte, et au revoir, car vous reviendrez, sans tarder. »
Yvon chemine par la route où l’a mis son beau-frère, un peu triste de s’en retourner ainsi, et rien ne vient le contrarier, durant son voyage.
Ce qui l’a étonné le plus, c’est qu’il n’a ni faim, ni soif, ni envie de dormir.
A force de marcher, sans jamais s’arrêter, ni de jour ni de nuit, - car il ne se fatiguait pas non plus, - il arrive enfin dans son pays.
Il se rend à l’endroit où il s’attend à retrouver la maison de son père, et est bien étonné d’y trouver une prairie avec des hêtres et des chênes fort vieux.
— « C’est pourtant ici, ou je me trompe fort », se disait-il.
Il entre dans une maison, non loin de là, et demande où demeure Iouenn Dagorn, son père.
— « Iouenn Dagorn ?… Il n’y a personne de ce nom par ici », lui répond-on.
Cependant un vieillard, qui était assis au foyer, dit :
— « J’ai entendu mon grand-père parler d’un Iouenn Dagorn. Mais, il y a bien longtemps qu’il est mort, et ses enfants et les enfants de ses enfants sont également tous morts, et il n’y a plus de Dagorn dans le pays. »
Le pauvre Yvon fut on ne peut plus étonné de tout ce qu’il entendait, et, comme il ne connaissait plus personne|dans le pays et que personne ne le connaissait, il se dit qu’il n’avait plus rien à y faire, et que le mieux était de suivre ses parents où ils étaient allés.
Il se rendit donc au cimetière et vit là leurs tombes, dont quelques-unes dataient déjà de trois cents ans.
Alors, il entra dans l’église, y pria du fond de son cœur, puis mourut sur la place, et alla, sans doute, rejoindre sa sœur, au Château de Cristal
Conté par Louis Le Braz,
tisserand, à Prat (Côtes-du-Nord), novembre 1873.
Tags : …, », frere, yvon, beau
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Commentaires
Madame Zaza cette fin ne me plaît pas du toutttttttttttttttttttt, je suis pleine de questionnementsssssssssssssssssss je reste sur ma faim. bon je vais voir tes autres articles...lol...
Oh... C'es triste ! Pourtant, s'il a désobéi, c'était pour la bonne cause...
Enfin, ce n'est qu'un conte et sans doute est-il plus heureux mort que vivant dans un monde qui n'est plus le sien.
Passe une belle soirée, Zaza. Bisous.
Soit j'ai pris du retard, soit tu as beaucoup publié, j'ai tout récupéré : le Purgatoire, les blagounettes, et ta balade en bateau. Bises. Bon dimanche. FRANCOISE
J'aime bien ton blog , je pense que je vais trainer un peu plus mon deux grosses fesses sur tes pages :)
Au fait : je me suis aperçu que ton blog cartonne mais que tu n'a rempli aucun tag (c'est à dire dans tes paramètres Options globales, genre 'vie, littérature, journal intime, musique...) donc tu n'apparais pas dans les annuaires des blogs parce que sinon pas de doute tu serais à chaque fois dans les tous premiers résultats !
Peut être est ce un choix personnel, donc mon conseil est totalement subjectif...
bonne soirée à vous :)
Ma Zaza merci pour cette nouvelle histoire,merci pour cette jolie carte de je viens de découvrir en rentrant du travail (je termine à 20h30,le temps de rentrer il est 21 heures),merci pour la recette.tu es un amour,je mets un peu de distance avec les blogs car j'ai beaucoup de travail,un coup de fatigue et les journées passent trop vite alors il faut faire des choix..............les dimanches et lundis je travaille toujours la nuit de 20h30 à 6 heures du matin et c'est dur comme horaire,j'ai besoin de repos plus que pendant les vacances.Voilà ma douce Zaza,tu sais presque tout.....
Douce soirée et mille mercis.
c'est vraiment stupide ce qui s'est passé
pourtant il a fait du bien Yvon
c'est à ne rien comprendre
peux tu me l'expliquer ??
gros bisous
bosnoir,,triste fin, enfin, tout dépend de quelle façon on considère la chose! bonne soirée bisous
Bof, voilà qui est tout tarabiscoté, ma Zaza, je préfère presque Cendrillon. Alors ce beau seigneur a emmené cette femme pour la faire mourir et vivre au paradis ?
Rhâaalala, la drôle d'histoire
Bisous et clic
Zaza
Bonjour ma Zaza chérie
Oh elle finit mal cette histoire ,je croyais que les comptes finissaient toujours bien !!!Je te souhaite une excellente journée
Gros bisous Méline
Bonjour.
Il est très beau ce conte et c'est un vrai plaisir de le lire.
J'ai moi même prépré quelques billets avec un conte.
C'est toi qui sera tenue en haleine.
BISES et à bientôt.
C'est avec une météo pluvieuse que je viens te souhaiter une bonne journée de samedi, bisous
bonjour zaza
ce conte est rempli de leçons de vie !
j'ai vraiment adoré
tout gros bisous passe un bon samedi
J'essaye de remettre les éléments en place pour comprendre la fin de ce conte, mais c'est difficile !
Qui est donc ce prince, qui va tous les jours en enfer ?
Le "voyage" vers le chateau serait-il le purgatoire, car visiblement, le corps est mort, ne ressentant ni faim ou soif, et ni fatique, il s'agit donc forcément du "voyage" de l'esprit ?
Je ne vois que ça, mais tu as peut être d'autres explications, j'en suis certain même !
Bon week end, bises à vous deux, et caresses aux quadripèdes !
ah je me doutais ,mais je n'osais le dire , (le paradis etl'enfer )mais ça m'est venu à l'idée quand il voyait des lumières en tous cas une belle histoire je trouve .bonne journée bisous
Bien triste ce conte.... et ça me rappelle une légende de chez moi, le Drac. Tiens, je la raconterai un jour. Quoiqu'il en soit, tous nos contes et légendes sont riches d'enseignements!
Bisous Zaza!
Coucou ! j'avais bien deviné !!!! encore merci pour ce conte qui finit malgré tout en douceur !!!
Très bon W.E. à toi - gros bisous
oh.... je ne m y attendais pas du tout !!!!la morale est surprenante merci à toi Zaza
bises
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aller, gros bisous sous le ciel du nord triste et pluvieux aujourd'hui !!!!!