• La Princesse Troïol

     

    Un nouveau conte de basse Bretagne

    Troïol : Ce mot doit être une altération de Tro-heol, et signifie littéralement Tourne-sol.

    Rèd ê ma ouefac’h


    Penaoz eur veach.


    Il y a de cela bien longtemps,


    Quand les poules avaient des dents

     

    Chevre.jpg

     

    Un jeune seigneur, ayant perdu son père et sa mère, demeurait avec sa marâtre.


    Celle-ci, comme il arrive trop souvent, n’aimait pas le fils que son mari avait eu d’une première femme, et elle lui rendait la vie dure.

     

    L’enfant, parvenu à l’âge de quinze ou seize ans, quitta un jour sa marâtre et partit, à l’aventure. Il se nommait Fanch.


    Et le voilà parti devant sa tête, (comme on dit chez nous, en Basse Bretagne).


    Il va, il va. Il loge dans les fermes, où la nuit le surprend.

     

    Parfois même, il couche à la belle étoile. Mais, quoi qu’il en soit, il ne regrette pas la maison de sa marâtre.


    Un jour, vers le coucher du soleil, il se trouva devant un beau château.


    La porte de la cour était ouverte, et il entra. Il ne vit personne. Il aperçut une autre porte ouverte, et il entra encore et se trouva dans une cuisine. Personne encore.


    Mais, un instant après, une chèvre arriva. La chèvre lui fit signe de la suivre.


    Il la suivit et se trouva dans un beau jardin. La chèvre, alors, lui parla de la sorte :
    — « Si vous voulez rester ici, il ne vous manquera rien, seulement, il vous faudra passer trois nuits dans une chambre que je vous montrerai. »
    — « Comment, ici les bêtes parlent donc ? » demanda le jeune homme, étonné.
    — « Je n’ai pas été toujours sous la forme que vous me voyez présentement », répondit la chèvre . « Je suis retenue ici sous un charme, et tous mes parents sont comme moi, mais sous d’autres formes. Si vous voulez faire exactement tout ce que je vous dirai, vous me délivrerez, moi et tous les miens, et, plus tard, vous n’aurez pas lieu de vous en repentir. »
    — « Dites-moi ce qu’il me faudra faire, pour vous délivrer, et, si je le puis, je le ferai. »
    — « Vous n’aurez rien autre chose à faire que coucher trois nuits de suite dans une chambre du château, et ne pas prononcer un seul mot, ni même pousser une plainte, quoi que vous puissiez voir ou entendre, et quoi que l’on puisse vous faire. »
    — « Je veux toujours essayer ».


    Quand l’heure de souper fut venue, on servit à manger et à boire à Fanch, dans une belle salle. Mais, ce qui l’étonna le plus, c’est qu’il ne voyait que deux mains, qui posaient les plats sur la table, et pas de corps !


    Quand il eut mangé et bu son content, une main prit encore un chandelier avec une lumière, et lui fit signe de la suivre.


    Il suivit la main et la lumière, et on le conduisit dans une chambre où il y avait un lit.


    La main déposa la lumière sur une table, et puis disparut, et pas un mot.


    Fanch n’était pas peureux ; pourtant, tout cela lui paraissait bien singulier.


    Il se coucha, et s’endormit sans tarder.


    Vers minuit, il entendit un grand bruit, dans sa chambre, qui le réveilla.
    — « Jouons aux boules », disaient des voix.
    — « Non, jouons à un autre jeu », disaient d’autres voix.


    Il regardait de son mieux, et ne voyait rien.
    — « Bah ! Bah ! » dit une voix,
    « occupons-nous d’abord de celui qui est là, dans le lit. »
    — « Il y a donc quelqu’un dans le lit ? »
    — «  Certainement, venez voir. »


    Et ils tirèrent le pauvre Fanch hors du lit et se le jetèrent de l’un à l’autre, comme une balle.


    Mais, ils avaient beau faire, Fanch ne soufflait mot et faisait toujours semblant de dormir.
    — « Il ne se réveillera donc pas ? » dit une voix.
    — « Attends, attends », dit une autre voix, « je saurai bien le réveiller, moi. »


    Et il le lança si violemment contre la muraille, qu’il s’y colla comme une pomme cuite. Puis, ils s’en allèrent, en riant bruyamment.


    Aussitôt, entra dans la chambre la chèvre que Fanch avait vue en arrivant au château ; mais, sa tête était celle d’une belle femme.
    — « Pauvre garçon ! » dit-elle, « comme tu as souffert ! »


    Et elle se mit à le frotter avec un onguent qu’elle avait, et à mesure qu’elle frottait, la vie revenait dans son corps, si bien qu’il finit par se retrouver aussi vivant et aussi bien portant que jamais.
    — « Tout s’est bien passé, pour cette fois », lui dit alors la chèvre-femme. « Mais, la nuit prochaine, l’épreuve sera plus pénible. Gardez toujours le silence le plus absolu, quoi qu’il puisse vous arriver, et, plus tard, vous en serez récompensé. »
    — « Je ferai mon possible », répondit Fanch.

     

    Et la chèvre partit.


    Fanch déjeuna et dîna bien, toujours servi par des mains sans corps. Il passa la journée à se promener par le château et les jardins, sans voir personne, et, après le souper, la même main saisit un chandelier et le conduisit à la même chambre.


    Cette fois, il se cacha sous le matelas du lit.
    — « Peut-être ne me trouveront-ils pas ici », se disait-il en lui-même.


    Vers minuit, il entendit encore le même vacarme que la nuit précédente.
    — « Je sens l’odeur de chrétien ! » dit une voix.
    — « Et d’où diable ? » dit une autre voix. « Tu vois bien qu’il n’y a personne dans le lit ; joue donc, et ne nous parle plus de chrétien. »


    Et il se mirent à jouer aux cartes. Mais, soudain, la même voix cria encore :
    — « Je vous le répète, camarades, je sens l’odeur de chrétien ! »


    Et il défit le lit et découvrit le pauvre Fanch.
    — « Quand je vous le disais ! Comment, tu vis encore, ver de terre ? Attends, nous allons en finir avec toi ! »


    Et ils l’écartelèrent ; puis, ils partirent, en riant bruyamment.


    Aussitôt la chèvre arriva encore dans la chambre, et, cette fois, elle était femme jusqu’à la ceinture.
    —  « Ah ! Pauvre garçon », dit-elle, « dans quel état je te retrouve ! »

    Elle rapprocha les membres les uns des autres, et se mit à les frotter avec son onguent.

     

    Et peu à peu, les membres se rejoignaient, le corps se reconstituait, et bientôt il se retrouva complet et plein de vie.
    — «  La troisième nuit », lui dit alors la femme-chèvre, « sera la plus terrible. Mais, armez-vous de courage, et, si vous la passez aussi heureusement que les deux autres, vos peines seront finies, et les miennes aussi, ainsi que celles de tous ceux qui sont retenus ici avec moi. »
    — « Je ne pense pas qu’il puisse m’arriver pis que d’être tué, comme je l’ai été déjà, deux fois », répondit Fanch.


    La troisième nuit, pour abréger, il se rendit encore à la même chambre, après souper, et se cacha, cette fois, sous le lit.


    Vers minuit, arrivèrent les mêmes personnages ; et ils se remirent à jouer.
    — « Je sens encore l’odeur de chrétien ! » dit soudain une voix. « Est-ce que ce ver de terre ne serait pas encore mort ? »


    Et ils défirent le lit ; mais, ils n’y trouvèrent rien. Ils regardèrent alors dessous :
    — « Le voici ! Le voici ! »


    Et on le retira, par les pieds, de dessous le lit.
    — « Il faut en finir avec lui, cette fois ! » Se dirent-ils. « Qu’en ferons-nous ? »
    — « Il faut le cuire, et puis le manger. »
    — « C’est cela ! » Crièrent-ils tous à la fois.


    On fit un grand feu dans la cheminée, on mit le pauvre Fanch tout nu, on le suspendit au-dessus du feu, et, quand il fut bien rôti, ils le mangèrent, jusqu’au dernier morceau, même les os.


    Quand le festin fut terminé, ils s’en allèrent, et aussitôt une femme très belle entra dans la chambre, une princesse magnifique, et rien de la chèvre, cette fois.
    — « Hélas ! » dit-elle, « j’ai grand’peur qu’ils n’en aient pas laissé le moindre morceau. »

     

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE DE CE CONTE DE BASSE-BRETAGNE

     

     

     

     

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  • Commentaires

    23
    Mercredi 22 Septembre 2010 à 08:34
    p'tite fée nougat

    vite vite la suite!

    22
    Mercredi 22 Septembre 2010 à 00:35
    FRANCOISE

    Il en reste bien un tout petit petit morceau, du pauvre garçon,  non ? Bonne nuit et bises. FRANCOISE

    21
    Mercredi 22 Septembre 2010 à 00:16
    SONYA

    la leçon à en tirer

    la confiance aveugle tue

    très beau texte  à méditer

    gros bisous 

    20
    Mardi 21 Septembre 2010 à 23:06
    siratus

    J'aime bien les histoires quand les poules avaient des dents  ;)

    Mais où sont les os du pauvre Fanch ?

    Gros bisous, Zaza. Douce nuit

    19
    Mardi 21 Septembre 2010 à 22:57
    mel-and-tof

     

    Bonsoir ma Zaza chérie

    Ah cette fois il est mal barré ,je ne sais pas comment la princesse va faire pour le retrouver

    Suite au prochain numéro

    A demain

    Je te souhaite ma douce amie une excellente soirée et une bonne nuit de repos  

    Gros bisous  Méline

     

    18
    Mardi 21 Septembre 2010 à 22:03
    Ramu

    Eh ben,le pauvre!J'aurais pas imaginé une fin pareille!Bisous,ma Zaza et merci pour l'histoire!

    17
    Mardi 21 Septembre 2010 à 21:29
    francine

    Bonsoir, je te remercie! quelle histoire, le pauvre, il s'est fait avoir; je te souhaite une bonne soirée bisous

    16
    Mardi 21 Septembre 2010 à 20:31
    Anne d'Amico

    NON!!! tu exagères!!! J'attends la fin avec impatience! vilaine vaï!!

    Puisque c'est comme ça..... pas de bisous!!

    15
    Mardi 21 Septembre 2010 à 19:16
    Madame x

    GRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRR!!!!!!!!!!!c'est pas la fin...? il n'en reste plus un morceau!!!!à demain alors!!!

     

    14
    Mardi 21 Septembre 2010 à 18:53
    peintrefiguratif (ra

    eh bien drôle d'histoire tes fantôme sont cannibales bonne soirée bisous

    13
    Mardi 21 Septembre 2010 à 18:34
    Nettoue

    mais c'est terrifiant ! Seulement ces peur là j'aime bien ! Et puis je ne sais pas comme est la demoiselle mais la chevrette est sexy.

    Bisoussss ma Zaza

    12
    Mardi 21 Septembre 2010 à 17:49
    moqueplet

    ah si tous les animaux pouvaient causer......on serait bien surpris de savoir ce quils pensent de nous.....belle fin de journée

    11
    Mardi 21 Septembre 2010 à 17:25
    catcent

    Magnifique encore cette fois ton conte.

    Bisou ZAZA bonne soirée bye

    10
    Mardi 21 Septembre 2010 à 15:56
    dany  sailly

    Mais il ne fait pas bon de rentrer ainsi dans un chateau , moi qui suis curieuse je vais hesiter !!!!!!! gros biquous

     

    9
    Mardi 21 Septembre 2010 à 13:47
    micha

    revenue!!!!

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    8
    FLB
    Mardi 21 Septembre 2010 à 12:49
    FLB

    Rien que ça, et son gémir !

    Ben tiens....

    D'un autre coté, s'il est Breton, ça peut aisément se comprendre, on est pas des chochottes non plus !

    Bises, hâte de voir la suite !

     

    7
    Mardi 21 Septembre 2010 à 12:33
    Anne Bilou

    bonjour zaza

    plus qu'intrigeant ce conte ...il en a déjà bien vu pour un début

    tout gros bisous passe une bonne après midi

    6
    Mardi 21 Septembre 2010 à 09:46
    sucre d'orge

    P'tit coucou du jour.....Bisous...

    5
    Mardi 21 Septembre 2010 à 09:33
    Monelle

    Ton conte tiens en haleine et il vaut mieux le lire le matin ....

    Vivement demain ! en attendant bonne journée à toi

                            

    4
    Mardi 21 Septembre 2010 à 08:43
    marine-over

    ah mince je croyais lire la fin du roman ,tu nous fait languir ,le pauvre ...bonne journée bisous

    3
    Mardi 21 Septembre 2010 à 08:10
    Anne et Cat

    C'est un joli conte que je ne connaissais pas... j'ai hâte d'avoir la suite ! J'adore la Bretagne. J'ai habité plus de 10 ans à Rennes et maintenant, nous sommes à Nantes.

    Merci et bonne journée.

    2
    Mardi 21 Septembre 2010 à 07:38
    auframi

    Il ne faut jamais croire les chèvres !!!!

    Belle journée et à demain.    "

     

    1
    Mardi 21 Septembre 2010 à 07:15
    Reinette

    se servir des autres pour arriver à ses fins.

    c'était déjà ainsi autrefois et cela n'a pas changé.

    une belle histoire quand même que j'ai lu avec plaisir.

    bonne journée

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