•  
     
    Chroniques Roscovites avant le décret du 14/12/1789




     

    Baigné par la mer, formant presque une péninsule qui s'avançait dans la Manche sur un demi-cercle d'environ deux lieues, en comptant les anses et les sinuosités de ses rivages, du fort Bloscon à Perc'haridy et de cet endroit à Kerfiziec, s'étendait Roscoff.


     

    Au nord, séparée par un bras de mer spacieux et profond s'étirait l'île de Batz. Et vers l'est, un gros îlot inhabité, Tisasuzon, bornait son horizon.


    Roscoff est une petite ville située à l'extrémité occidentale de la province de Bretagne.

     

    Presque tous gens adonnés à la mer dès leur enfance et qui acquéraient de bonne heure une expérience consommée, soit dans la manœuvre, soit dans la conduite des navires sur une côte souvent orageuse et parsemée d'écueils.

     

    Roscoff et Batz possédaient des rades abritées et commodes, constamment fréquentées par des bâtiments marchands qui y trouvaient un asile assuré contre les tempêtes. Celle de l'île surtout était renommée à cause de sa bonté et de la facilité qu'on y avait d'y rentrer en tout temps et de tout vent par l'une des deux passes, celle de l'est ou celle de l'ouest.

     

    Ainsi, quand la brise refusait d'un bout, on pouvait entrer ou sortir de l'autre facilement. Par de tels avantages, cette rade était précieuse pour la navigation.

     

    De l'église ou de la rue des Perles, vers le port, étaient d'anciennes maisons d'armateurs, ceux qui avaient fait la renommée de la cité. Maisons aux façades ornées de gargouilles, maisons aux lucarnes saillantes, aux entrées de cave à fleur de rue.


     





     

     

     

     

     

     

     

     

    Gens de mer et négociants affectionnaient cet endroit; lieu de rencontre, lieu de toutes les conversations, lieu des discussions animées, lieu des "on-dit", creuset de toutes les rumeurs.



    Par-dessus la place et de ses abords montait un bruit confus de grincements de roues, de fers à chevaux sur les pavés, de jurons des charretiers, de roulement de tonneaux, de cris des portefaix ; et sourd, lancinant, cadencé, celui des marteaux des tonneliers.

     

    Indifférents à l'activité fébrile qui régnait aux alentours, des vieux, adossés au mur du môle, à l'abri du vent, restaient là de longs moments, silencieux, ne se lassant jamais des maisons aux murailles battues par les flots, dominées par le clocher de Notre dame de Croas Batz savourant leur Roscoff.



    C'est de l'angle de la place et de la rue de la Grève, la rue Noat, qu'il fallait découvrir le port sur fond de chapelle Sainte-Barbe, assise sur son tertre et fort Bloscon.

     

    Dans le bassin fermé par un quai de cent soixante toises de longueur et de vingt pieds de large, une trentaine de barques ou de navires, coque contre coque, se trouvaient. Quelques autres mouillaient sous Carreck ar Vill.



    Des bâtiments français ou étrangers vomissaient des sacs de sel, du charbon de terre, des barriques de vin ou d'eaux-de-vie ; des merrains, ces bois de chêne fendus en menues planches qui servaient à la fabrication des tonneaux dont certains négociants avaient grand besoin pour leur commerce de fraude.

     

    Des vaisseaux "interlopes", vaisseaux marchands qui faisaient la contrebande vers l'Angleterre, paix ou guerre peu leur importait, avalaient des quantités énormes de thé, d'esprit de vin et autres boissons.

     

    Les " smuggler ", ces bateaux contrebandiers que le petit peuple du quai avait baptisé " smogleurs ", préféraient ce port à ceux de Jersey et de Guernesey pour ses facilités d'y entrer et d'y sortir, ce qui était fort précieux pour le genre d'activité à laquelle ils se livraient. Ils avaient permis à différentes maisons de commerce, dont plusieurs britanniques, florissantes par ce trafic, de s'établir à Roscoff.

     

    Ces " smogleurs ", lougres et autres embarcations à voiles trapézoïdales - gréées à bourcet - souvent armés pour se défendre contre la douane, trouvaient chez un négociant roscovite ravitaillement, canons, mousquets, obusiers, pierriers et munitions.

     

    Pour les Roscovites, leur port était l'un des plus beaux et des plus commodes qu'il y avait dans la Manche. Il semblait que la nature s'était plu à lui accorder cette heureuse situation dont ses voisins étaient jaloux.

    En effet, dans un quart d'heure de temps, un bâtiment quelconque venant du large avec un bon vent et à marée haute, pouvait être à quai ; comme quittant celui-ci, il pouvait être en pleine mer dans le même temps, brise et flot favorables.

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE

     


    11 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique