• Le Corps-Sans-Âme (suite)

    Un nouveau conte de Basse Bretagne


    Kement-ma holl oa d’ann amer


    Ma staote war ho c’hlud ar ier.


     

    Tout ceci se passait du temps


    Où, sur leur perchoir, pissaient les poules.

     

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    — « Hélas ! Oui, car il y a juste un an que vous êtes ici.

     

    Demain aussi, on célébrera dans votre pays l’anniversaire de votre mort, car on vous y croit mort. Écoutez donc bien ce qu’il vous faudra faire 

     

    Quand le géant arrivera, demain matin (et n’oubliez pas surtout de me remettre l’épingle dans la tête et de m’introduire dans ma cage), il ira aussitôt visiter ses oiseaux, et ceux-ci à sa vue se mettront à chanter et à fredonner, à qui mieux mieux.

     

    En les voyant si joyeux et si dispos, il vous témoignera son contentement, et, pour vous récompenser, il vous conduira dans son écurie et là il vous dira de choisir le cheval qui vous plaira le plus.

     

    Il y a là de beaux chevaux, vous le savez bien, blancs, noirs, alezans, bleus-pommelés…… mais, ne choisissez aucun de ceux-là, gardez-vous-en bien. Demandez le petit cheval noir, si maigre et de si triste mine, qui est derrière la porte, et à qui vous avez administré, le lendemain de votre arrivée ici, une si bonne volée de coups de bâton.

     

    Il vous dira que vous êtes un sot de choisir une pareille rosse. Mais, ne l’écoutez pas et persistez à dire que vous voulez celui-là, car, comme je vous l’ai déjà dit, c’est mon frère. 


    Alors, il vous conduira au coffre où sont les pistolets, qui étaient si rouilles, quand il partit, et qui sont à présent si luisants et si brillants, parce que je vous ai enseigné la manière de les fourbir.

     

    Il vous dira encore de choisir un pistolet de là. Il y en a un, plus simple et moins beau que les autres, avec une petite tache de rouille, presque imperceptible.

     

    Vous prendrez celui-là, malgré toutes les instances du magicien pour vous en faire prendre un autre, plus beau. C’est là ma femme de chambre.


    Enfin, il vous conduira alors dans la chambre aux oiseaux et vous dira encore d’en choisir un parmi les plus beaux et ceux qui chantent le mieux.

     

    C’est moi qu’il vous faudra prendre, et fermer l’oreille à tous ses conseils et à ses instances pour vous en faire prendre quelque autre, plus beau.


    Dès que vous me tiendrez, vous me retirerez l’épingle de la tête, afin que je revienne à ma forme humaine, et aussitôt vous tirerez, avec votre pistolet, sur une tête de cuivre qui est au-dessus de la porte de la salle.

     

    Le château s’écroulera à l’instant sur le magicien, avec un vacarme épouvantable, et il sera écrasé sous les ruines, sans qu’il vous arrive de mal.


    Tous ceux qu’il retient ici enchantés, sous différentes formes, seront alors délivrés, et reviendront à leurs formes premières, et s’en iront, chacun de son côté, après vous avoir remercié.


    Un beau carrosse descendra, au même moment, du ciel, et nous y monterons, vous, mon frère, ma femme de chambre et moi, et, en peu de temps, il nous portera, à travers les airs, au palais de votre père.


    Quand nous y arriverons, tous vos parents et les principaux du royaume seront réunis, se disposant à se rendre à l’église pour assister à une messe solennelle célébrée à votre intention. Car ils vous croient tous mort, depuis un an.


    En vous voyant, la joie et le bonheur succéderont à la tristesse et au deuil général.


    Tous vos parents et vos amis voudront vous embrasser, et moi aussi.

    Mais, gardez-vous bien de vous laisser embrasser par aucune femme, car aussitôt, je serais enlevée par le Corps-sans-âme, et vous ne me reverriez plus jamais !

     

    Faites exactement tout ce que je viens de vous dire, ou nous sommes perdus à tout jamais l’un pour l’autre. »


    — « Je le ferai », répondit le prince. Soyez sans inquiétude à ce sujet. »


    Bref, et pour ne pas me répéter (Les conteurs qui aiment à se donner carrière (rét iro, en breton) et à insister sur les moindres détails, pour allonger leurs récits et faire durer le plaisir de leur auditoire, reprennent par le menu et longuement toutes les recommandations de ce genre ; je ne les imiterai pas,) tout arriva comme avait dit la princesse.


    Le prince aussi accomplit de point en point toutes ses recommandations, si bien que, le lendemain, avant midi, ils descendaient tous les quatre au milieu de la cour du palais du roi de France, au moment où le cortège, en grand deuil, se disposait à se rendre à l’église.


    Jugez de l’étonnement que produisit une apparition si inattendue !

     

    — « Que signifie ceci ? » Se demandait-on.


    Puis, on courut au prince, pour l’embrasser.


    Il se laissait volontiers embrasser par les hommes ; mais, il repoussait les femmes et les jeunes filles, ce qui les mécontentait beaucoup.


    Une jeune cousine s’approcha de lui, par derrière, lui sauta au cou et lui déroba un baiser.


    Hélas ! C’était assez. Un beau carrosse descendit aussitôt du ciel, le Corps-sans-âme, qui s’y trouvait, en sortit son bras droit, saisit la princesse, la plaça à ses côtés, puis, le carrosse s’éleva en l’air, si haut, si haut, qu’on ne le vit bientôt plus.


    Personne ne savait ce que cela signifiait, si ce n’est le prince, qui ne le savait que trop bien, hélas !


    Il se mit à se désoler, pleurant, criant, s’arrachant les cheveux.


    C’est en vain qu’on essayait de le consoler, il n’écoutait personne.


    Il fit ses adieux à ses parents et à ses amis, qui s’empressaient autour de lui et leur dit qu’il ne cesserait de marcher, ni le jour, ni la nuit, jusqu’à ce qu’il eût retrouvé la princesse sa fiancée.


    Ce fut en vain que son père et sa mère le supplièrent de rester avec eux, s’attachant à ses habits et lui disant qu’ils mourraient de douleur, s’il les abandonnait, dans leur vieillesse.


    Ils lui promettaient de le marier à la plus belle princesse que l’on trouverait au monde, et de lui céder aussitôt le trône. Mais, il ne les écoutait seulement pas, et il partit.


    Il marchait, il marchait, au hasard, nuit et jour, demandant à tous ceux qu’il rencontrait des nouvelles du Corps-sans-âme.


    Personne ne connaissait le Corps-sans-âme, ni ne pouvait lui donner aucune bonne réponse.


    Un jour, il fut surpris par la nuit, dans un grand bois, où il s’était égaré, et le voilà bien embarrassé et bien inquiet, car ce bois était rempli de bêtes fauves.


    Il grimpa sur un arbre et aperçut une faible lumière, au loin.


    Il descendit, quelque peu rassuré, et se dirigea vers cette lumière.


    Il se trouva, au bout de quelque temps d’une marche assez pénible, à travers le bois, devant une petite hutte construite de branchages, de fougères et de feuillages.


    Par une fente de la porte, il vit un vieillard, à la barbe longue et blanche, qui priait, à genoux devant un crucifix.


    — « C’est un ermite ! » Se dit-il en lui-même.


    Il poussa la porte mal close, qui céda facilement, et il dit :


    — « Bonsoir, mon père. »
    — « Bonsoir, mon fils », répondit le vieillard. « En quoi puis-je vous être utile ? »
    — « Auriez-vous la bonté de m’accorder l’hospitalité, pour la nuit ? »
    — « Hélas ! Mon pauvre enfant, un ermite, d’ordinaire, n’est pas riche : entrez néanmoins dans ma cabane et vous n’aurez ni mieux ni pis que moi, quelques herbes et quelques racines pour nourriture, et la terre nue pour lit. »
    — « Nul ne peut donner que ce qu’il a, mon père, et je vous remercie. »


    Et il entra dans la hutte de l’ermite et lui conta ses aventures.


    — « Hélas ! Mon pauvre enfant », lui dit alors le solitaire, « il y a bien longtemps que je suis ici, à faire pénitence, et jamais je n’ai entendu parler du Corps-sans-âme, et je ne puis vous dire où il demeure, ni quel chemin vous devez prendre pour le trouver.

     

    Mais, voici une serviette que je vous donne et qui pourra vous être utile. Elle m’a rendu de grands services, dans ma jeunesse .

     

    A présent, je n’en ai plus besoin.

     

    Quand vous aurez faim ou soif, en quelque endroit que vous vous trouviez, vous n’aurez qu’à la déployer, l’étendre sur une table, ou même à terre, et dire :

    « Serviette, fais ton devoir ! »

    Et aussitôt, il se trouvera dessus à boire et à manger, de tout ce que vous désirerez.

     

    Puis, dans une autre forêt, qu’il vous faudra traverser, plus loin, vous trouverez un autre ermite, qui est plus vieux et plus savant que moi, et peut-être celui-là pourra-t-il vous donner quelque bon conseil pour vous aider à trouver ce que vous cherchez. »
    — « Je vous remercie, mon père, et que Dieu vous bénisse et exauce vos prières. »


    Le lendemain matin, le prince fit ses adieux à l’ermite, et se remit en route.

     

    Il eut bientôt faim, et, tirant de sa poche la serviette que lui avait donnée le solitaire, il la déploya, retendit sur le gazon, au pied d’un vieux chêne, et dit :
    « Serviette, fais ton devoir ! »

     

    Et, à sa grande satisfaction, un excellent repas lui fut servi à l’instant, par enchantement.


    Après avoir mangé et bu, autant que cela lui faisait plaisir, il replia avec soin sa serviette, la remit dans sa poche, et continua sa route.

     

    A DEMAIN POUR LA SUITE

     

     

    « Des nouvelles de ma famille cygne...!!!Blagounettes du mardi...!!!!! »

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  • Commentaires

    21
    pat
    Mardi 5 Octobre 2010 à 05:26
    pat

    beau et triste ce compte j'adore  belle journee  bisous

    20
    Mardi 5 Octobre 2010 à 05:17

    Un petit coucou rapide pour te remercier de ta fidélité pendant mon absence.
    Bon mardi et à demain ! Bisoux.



    19
    Mardi 5 Octobre 2010 à 01:00
    siratus

    Sourire

    Il y a aussi un ermite chez toi, Zaza !

    Gros bisous. Douce nuit

    18
    Lundi 4 Octobre 2010 à 22:25
    francine

    j'ai hâte de lire la suite!! bonne soirée gros bisous

    17
    Lundi 4 Octobre 2010 à 22:04
    sucre d'orge

    P'tit coucou du jour...Bisous....

    16
    Lundi 4 Octobre 2010 à 21:26
    Ramu

    Vraiment trop belle cette histoire!J'attends la suite.Bonne nuit,Zaza.

    15
    Lundi 4 Octobre 2010 à 20:54
    Patrick - l'autunois

    Je suis ébahi par la quantité de contes que tu connais. Une vrai pro !!!! Passes une bonne soirée et @+ Amicalement. Patrick.

    14
    Lundi 4 Octobre 2010 à 20:29
    p'tite fée nougat

    le baiser semblait inévitable!!!! vivement demain pour la suite

    13
    Lundi 4 Octobre 2010 à 20:01
    fanfanElles sont trè

    Ils sont mignons les cygnes!

    Oh! moi qui croyais qu'ils allaient se marier et avoir beaucoup d'enfants!Cç c'est pas de chance!!

    Le suspense continue !

    Bisous et bonne soirée

    12
    FLB
    Lundi 4 Octobre 2010 à 19:28
    FLB

    C 'est récurent, le "coup" de la serviette ? Ca figurait aussi dans ton conte précedent !

    Bises et bonne soirée sur ton ile !

     

    11
    Lundi 4 Octobre 2010 à 17:56
    catcent

    Un tres tres beau conte. À demain ZAZA

    Bisou à vous deux.  bye

    10
    Lundi 4 Octobre 2010 à 16:36
    peintrefiguratif (ra

    je veux une serviette comme celle ci je n'aurais plus à faire de course et me creuser la tête pour me faire à manger

    bonne journée bisous

    9
    Lundi 4 Octobre 2010 à 15:50
    Nettoue

    Ceci est le troisième commentaires ils fichent tous le camps pendant que j'écris. Donc je t'en mettrais plus long demain bises ma Zaza

    8
    Lundi 4 Octobre 2010 à 15:38
    Nettoue

    C'est un conte... nourrissant, jusqu'à présent ! Moi, je n'ai jamais rencontré de telles sqerviettes !

    A demain donc pour la suite

    Bisousss ma Zaza

    7
    Lundi 4 Octobre 2010 à 14:32
    SONYA 972

    ce n'était pas de sa faute le baiser de la cousine

    parfois on se dit que le destin peut être tragique

    mais ne perdons pas courage pour ce prince

    à demain ma Zaza

    6
    Lundi 4 Octobre 2010 à 14:30
    Anne Bilou

    bonjour zaza

    un peu comme dans le monde actuel ce conte

    le plus triste et le plus démunis se révèlent souvent plus "intérressant "

    et le monde est plus que désanchanté mais à nous d'essayer de le faire chanter le plus

    beau des hymnes

    tout gros bisous passe une bonne après midi

    5
    Lundi 4 Octobre 2010 à 13:51
    moqueplet

    rocambolesque ton histoire...que de rebondissements, bel après mdi

    4
    Lundi 4 Octobre 2010 à 09:17
    Monelle

    Un conte à la fois beau et triste, comme le sont souvent les contes !!!

    Bon début de semaine - gros bisous

    Monelle

    3
    Lundi 4 Octobre 2010 à 09:05
    Marie-Christine

    Je me revois petite fille lisant les contes et légendes , et n'arrivant pas à fermer le livre car j'étais prise par l'histoire , j'entends encore ma mère me crier " éteins la lumière c'est l'heure de dormir "et me voilà là à te dire mais la fin c'est pour quand ??? bonne semaine Zaza biz  

    2
    Lundi 4 Octobre 2010 à 08:28
    auframi

    Pratique cette serviette, elle serait bien utile à bon nombre de gens cet hivers....

    Belle journée   "

     

    1
    Lundi 4 Octobre 2010 à 07:22
    Reinette

    une histoire qui me rappelle les contes et légendes que je lisais avec gourmandise autrefois

    je reviendrai demain pour la suite.

    merci et bonne journée

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