• Le lièvre et la tortue

    Le liévre et la tortue - 2 versions très différentes

     Ren ne sert de courir ; il faut partir à point.
    Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage.

    - « Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
    Sitôt que moi ce but. »

    - « Sitôt ? Etes-vous sage ?»
    Repartit l'animal léger.
    Ma commère, il vous faut purger
    Avec quatre grains d'ellébore. »


    - « Sage ou non, je parie encore. »

    Ainsi fut fait : et de tous deux
    On mit près du but les enjeux :
    Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
    Ni de quel juge l'on convint.

    Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ;
    J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint
    Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux Calendes,
    Et leur fait arpenter les landes.
    Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
    Pour dormir, et pour écouter
    D'où vient le vent, il laisse la Tortue
    Aller son train de Sénateur.
    Elle part, elle s'évertue ;
    Elle se hâte avec lenteur.
    Lui cependant méprise une telle victoire,
    Tient la gageure à peu de gloire,
    Croit qu'il y va de son honneur
    De partir tard. Il broute, il se repose,
    Il s'amuse à toute autre chose
    Qu'à la gageure. A la fin quand il vit
    Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
    Il partit comme un trait; mais les élans qu'il fit
    Furent vains : la Tortue arriva la première.

    - « Eh bien ! » lui cria-t-elle, « n'avais-je pas raison ?
    De quoi vous sert votre vitesse ?
    Moi, l'emporter ! et que serait-ce
    Si vous portiez une maison ? »

    Extrait du Livre VI de Jean de La Fontaine

    Le liévre et la tortue - 2 versions très différentes

     Sous une autre forme plus argotique

    Le liévre et la tortue - 2 versions très différentes

    Rien ne sert de trisser faut s'arracher à point!
    Le lièvre et la tortue en savent quelque chose
    Cette dernière dit au lièvre:

    - « Si tu l'oses, veux-tu faire la course ? Tu ne me battras point
    J'atteindrai le poteau qu'tu aperçois là-bas
    Avant que tes bacchantes en aient frôlé le bois »

    - « Il faut te faire soigner », dit l'autre fanfaron,
    « Et n'aurais-tu pas une araignée dans l'plafond ? »

    - « Une araignée ou pas je parierai encore, »
    Dit la tortue pensant qu'le vantad avait tort.

    Jouant un camembert contre dix-huit carottes
    La tortue entreprit de descendre la côté.
    Avoir se dandiner cette vieille fêlée, 

    Le lièvre se poilait du haut de la colline.
    Il aurait tout loisir de voir à la télé
    Les films de Charlot et ceux de Marilyn,
    Il matait tranquillement «Tarzan à Bornéo »
    Quand la tortue fonçant à dix-huit mètres à l'heure
    Avec des crampes aux cuisses approchait du poteau.

    Le prétentiard alors partit à cent à l'heure.
    Il était cependant trop tard, c'était perdu
    Et la tortue déjà lui réclamait son dû
    Honteux de s'être fait berner tel un mille-pattes
    Il admit qu'la tortue l'emportait haut-la-patte !

    Moralité:
    Si t'as envie, bonhomme, d'êtr' le premier partout
    Y'a pas qu'les moltegommes, y faut avoir du chou !

    Pierre Perret en Argot


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