• Les Aventures de Monsieur Tam-Kik

    Les Aventures de Monsieur Tam-Kik - 4ème partie

     

     D’après Ernest du Laurens de la Barre

     Quatrième partie

    Tam-Kik, quoiqu’il n’eût guère de cheveux sur la tête, les sentit pourtant se dresser de peur, surtout quand il entendit Ragear lui dire :

    — "Fais que ça soit cuit dans cinq minutes, et à point."

    Cinq minutes pour cuire un homme !… Ah ! il y avait un fier feu dans la cheminée, qu’on en rissolait à dix pas.

    — "Faut que ça soit bien cuit dans cinq minutes", répéta le monstre, en saisissant la broche d’une patte et Thurio de l’autre.

    — "Heuh ! diable rouge !" murmura Tam hors de lui.

    Tout à coup il sentit un frétillement dans sa poche, et entendit une petite voix qui disait :

     — "Ouvre vite, ouvre-moi vite la cage…", chuchotte la mouche bleue

    Les Aventures de Monsieur Tam-Kik - 4ème partie

    Brrr, voilà la mouche bleue en route. D’abord elle va droit à Ragear qui cherchait le bon bout pour embrocher Jalm, et lui enfonce son dard dans les deux yeux. Ragear, fou de douleur et de colère, laisse tomber la broche et pousse des hurlements terribles.

    Butor arrive à ce vacarme, et la mouche allant à sa rencontre, lui fait subir le même traitement qu’à son compagnon.

    Restait le Rounfl, dont la fureur ne connaissait plus de bornes.

    — "Ici, ici, tas de brigands, que je vous éreinte à coups de gaffe… Dire qu’ils me font attendre mon souper et qu’ils sont à se battre au lieu de faire leur besogne. Ah ! les monstres, comme je vais les dauber ! Et ce gueux de cuisinier. Va, c’est moi qui vais te démolir. Oui, je vais t’avaler tout cru, pour t’apprendre à troubler mon ménage."

    C’était comique de voir se démener un Rounflsi gros, si pesant qu’il ne pouvait quitter son fauteuil.

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     — "Rounflec’h, ogre méchant, attends un peu, mon chéri, tu seras servi tout à l’heure. On va te chauffer un bouillon nouveau. Gros glouton ! Hurle tant que tu voudras, appelle tes dogues, peine perdue, mon vieux. Tes dogues enragés sont déjà rendus si loin dans la forêt que l’on n’entend plus d’ici leurs hurlements. A ton tour, affreux baron du diable !"

    Alors, la mouche bleue fait entendre son vron vron dans la salle, et va taquiner l’ogre, en le piquant sur son nez dégoûtant.

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     Il avait l’air d’un moulin à vent avec ses grands bras qu’il agitait furieusement pour l'abattre. Mais la mouche volait plus vite que ses bras, et quand elle eut bien tourmenté ce fils du diable, elle lui creva les yeux en un instant.

    Le Rounfl, à bout de forces et de respirations, se mit à souffler comme un tonnerre. Il se leva en trébuchant de son fauteuil, fit deux ou trois tours sur lui-même et tomba enfin la tête la première sur les roches, où il demeura comme un bœuf assommé.

    Tam-Kik délivra Thurio de sa triste position.

    Thurio, il est vrai, était un peu roussi, mais Tam lui frotta la figure et la tête — car tous ses cheveux étaient grillés — avec un morceau de suif ou de lard, et il ne s’en trouva pas plus mal.

    — "Ça sent l’ogre mort par là", dit Tam-Kik à son compagnon. "Il est temps de filer d’ici, qu’en pensez-vous ?"
    — "Ma foi, je n’en pense rien", répondit Thurio, qui avait son idée, et ne songeait même pas à remercier son sauveur.
    — "Comme vous voudrez, l’ami, bonsoir, bonsoir."

    Pauvre Tam ! il allait oublier sa mouche bleue, tant il était affairé. Mais la mouche ne l’oubliait pas, car elle vint aussitôt bourdonner à ses oreilles, et rentra d’elle-même dans la petite cage.

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    Tam-Kik reprit possession de son trésor et sortit de la maison du Rounfl sans causer davantage.

    Dès qu’il fut parti, Thurio se mit en quête d’un autre trésor, car il savait par la lecture des histoires de ce temps-là, que les ogres ont toujours dans leur cave deux ou trois tonnes remplies d’or.

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    Finalement et pour son malheur, faut croire qu’il en fit une bonne provision, ou qu’il avait les poches gonflées et la démarche pesante en sortant du manoir. Etait-ce l’or ou le gwin-ar-dan (vin de feu) ? Les deux peut-être.

    Fin de la quatrième partie

     

     

     

     


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