Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude.
Où l’on rapporte le gracieux en entretien
De Madame Galaxaure Mistouflet
Avec Monsieur des Haudriettes
Et son valet, l’ingénieux Pepe Pippo
Nous avons laissé, tout au début de cette histoire, deux personnages, à manteaux et lanterne, commençant à gravir des degrés de l’escalier de l’hôtellerie du Grand Triboulet.
On se rappelle que ces deux visiteurs avaient été introduits dans la-dite hôtellerie par une étrange personne habillée en femme.
Nous retrouvons maintenant M. des Haudriettes et son valet Pepe Pippo dans l’appartement de Mme Galaxaure Mistouflet.
La personne à jupe et à moustaches disparut.
Avant d’aller plus loin, il importe d’esquisser trois portraits qui feront tout de suite connaître et apprécier les trois personnages que les circonstances viennent de réunir, et que nous retrouverons bien souvent au cours de cette émouvante, héroïque et véridique histoire.
Soyons galant et commençons par Madame Galaxaure.
Des yeux tout petits, mais d’une étonnante vivacité, serraient de fort près un nez crochu qui tentait vainement depuis la naissance de la dame de rejoindre un menton qui lui faisait d’éternelles avances.
Entre ces deux amis malheureux, se plaçait une bouche mince, pâle, sans lèvres.
La devineresse était vêtue d’une longue robe noire lamée d’argent et portait sur la tête une sorte de capuchon qui enveloppait d’ombre et de mystère tous les traits rébarbatifs que nous venons de décrire.
Des manches très amples de sa robe, sortaient de longues mains, osseuses et parcheminées.
Mme Galaxaure ne s’était pas levée pour recevoir ses deux serviteurs.
Elle était restée enfoncée tout au fond d’un immense fauteuil en bois noir sur le haut dossier duquel se tenait une pie à l’œil farceur.
Après le portrait de la propriétaire du lieu, passons à la description de l’appartement.
C’était une grande pièce, assez haute, toute tendue de noir. Une lampe de bronze à sept becs l’éclairait.
Au plafond, étaient accrochés des crocodiles et des serpents.
Sur les murs, on voyait des miroirs d’acier, des tableaux couverts de caractère hébraïques, des têtes de loups, des instruments de mathématique.
Dans le fond de la pièce, on remarquait une sorte de table de marbre noir, où étincelaient des couteaux de toutes formes.
Un grand fourneau lui faisait face, tout encombré de cornues, d’alambics, d’éprouvettes.
Le long des murs étaient empilés des momies, des liasses de parchemins, des bouquins poudreux.
D’un coup d’œil, M. des Haudriettes avait tout vu, la femme et le cabinet magique.
Cet examen rapide lui avait causé une certaine appréhension.
M. des Haudriettes pouvait avoir cinquante ans.
Il était de moyenne stature et assez corpulent.
Sa face, ronde et soigneusement rasée, aurait été insignifiante sans l’expression craintive et cruelle, fuyante et perverse de ses deux yeux gris qu’on était tout étonné de trouver plantés au milieu de ce placide visage.
Son valet Pepe Pippo ne bénéficiait pas d’un pareil étonnement.
Rien qu’en le voyant, on le classait immédiatement dans la catégorie des coquins.
Et si quelqu’un vous eût accusé de trop de précipitation dans vos jugements, vous auriez fait remarquer le front étroit, les pommettes saillantes, les yeux faux, la bouche vicieuse, le nez canaille du personnage qui malgré d’abondants cheveux noirs et soyeux, n’avait qu’une très lointaine ressemblance avec les chérubins que l’on admire dans les tableaux du divin Bartholomé Esteban Murillo.
Nous avons dit qu’à peine entré, M. des Haudriettes aurait bien voulu s’en aller, mais le regard perçant de Mme Galaxaure le glaçait jusqu’au fond du cœur et le clouait à sa place.
Un silence pesant régna pendant quelque temps entre les trois personnages.
Enfin, n’y tenant plus, M. des Haudriettes bégaya, pour dire quelque chose :
- Bonsoir, Madame
- Que voulez-vous profanes ? dit alors la pythonisse d’une voix étrange qui semblait lointaine.
- Connaître l’avenir, murmura M. des Haudriettes qui perdait contenance.
- Pourquoi dissimuler la vérité, je lis dans ton cœur comme en un livre ouvert.
- Je vous assure, Madame……
- Tais-toi ! Tu viens pour rechercher quelqu’un de ton sang que tu as perdu.
- Oh ! murmura l’infortuné, comment savez-vous ?…
- Pourquoi aussi prendre un faux nom pour venir chez moi ?
- Epouvantable ! Epouvantable ! On ne peut rien vous cacher.
Alors, Mme Galaxaure se leva.
Les jambes de M. des Haudriettes tremblaient si fort qu’il aurait souhaité s’asseoir par terre.
- Est-ce donc pour rien profane, dit de son effrayante voix, la devineresse, que j’ai découvert les secrets du grand Hermès, que j’ai pénétré les mystères des prêtre de Thèbes et de Memphis ! Est-donc pour rien que j’ai pâli sur les œuvres de Zozome, de Jaffar et Rhazès ! Est-ce donc pour rien que j’ai recueilli toute la science de Lansberg, d’Angelle Catto, d’Albert le Grand, de Bacon, d’Arnold de Villanova, de Raymond Lulle, de Basile Valentin, de Paracelse, de Lbarieus !
M. des Haudriettes serait tombé si Pepe Pippo ne l’eût soutenu.
- Donc, profane, ne parle pas, continua Mme Galaxaure, je sais ce que tu veux, je sais ce que tu penses. Il ne sera pas dit que tu auras consulté en vain Galaxaure la magicienne. Pour te prouver tout d’abord que rien ne m’échappe, je vais de te faire lire le nom de celui que tu cherches.
M. des Haudriettes, à bout de force, s’assit irrespectueusement sur une momie qui ne protesta point.
A ce moment, Galaxaure Mistouflet ayant saisi une baguette de cuivre toucha le bord du fourneau en prononçant la formule suivante :
- Tanarb ari Magog Hertês syami cosoun, paril udra myrsen alco sirnis, nab origo dellel adour singh !
Aussitôt une flamme rouge s’élança, un sifflement retentit et une épaisse fumée bleuâtre se répandit par toute la chambre.
M. des Haudriettes éternua.
Pepe Pippo Toussa.
A DEMAIN POUR LA SUITE