Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude.
Tellement lu et manipulé par des mains enfantines
Chapitre II (fin)
Ou il est question d’un chaudron, de vingt pendus,
D’un coup de pistolet et de trente-six mille coups de bâtons
Il faut avouer sans discussion que le masque dont Cantaloube s’était couvert le visage ne donnait pas au jeune homme une physionomie très rassurante et qu’ainsi la terreur du percepteur de Jean se trouvait justifiée.
- Pas tant de discours, dit la Colombe qui soulevait sans façon Pimprenelle par les épaules.
En deux minutes, l’ami infortuné des dieux fut debout, tremblant de froid et de peur.
- Toute peine mérite salaire, ricana alors la Colombe, qu’allez-vous me donner, mon gentilhomme ?
M. de Pimprenelle fouilla dans sa poche, en tira une bourse rondelette et offrit gracieusement un petit écu au redoutable bandit qui se mit à rire.
- C’est la bourse qu’il me faut, dit-il.
- Alors vous êtes un voleur, bégaya Pimprenelle.
- Parbleu ! dit Cantaloube, en éclatant de rire.
- Vous n’aurez pas ma bourse, dit Pimprenelle que l’avarice rendait résolu.
- Mais si, mon brave homme, et c’est même vous qui me l’offrirez.
- Jamais !
- Eh bien nous allons voir.
Ce disant, la Colombe avait saisi le malheureux précepteur par son habit et lui caressait rudement l’échine avec sa trique.
Pimprenelle poussait des cris à fendre l’âme la plus endurcie.
Cantaloube s’arrêta :
- La bourse ? demanda-t-il laconiquement.
- Jamais ! râla Pimprenelle.
Le bâton se releva implacable.
Pendant cinq minutes, Pimprenelle se laissa rosser. Enfin vaincu par la douleur, il jeta sa bourse aux pieds de son bourreau.
- Merci, Monsieur, Dieu vous accorde de longs jours, dit poliment la Colombe en empochant les économies de Pimprenelle.
Puis il salua avec courtoisie et s’éloigna en chantonnant un refrain de régiment.
Quand Pimprenelle le vit partir, emportant sa bourse, il poussa un cri plus douloureux que tous ceux qui étaient sortis de sa poitrine depuis un quart d’heure.
- Ah ! bandit ! brigand ! larron ! clamait-il, je te vous aux divinités infernales ! Que Minos, Eaque et Rhadamanthe soient sans pitié pour toi ! Que Charron te refuse le passage du Styx afin que, âme éternellement errante, tu sois en proie aux Furies, filles de Saturne !
Epuisé par ces imprécations, M. de Pimprenelle se laissa aller sur l’herbe où il demeura haletant.
Il finit par regagner Mousseuse péniblement.
Cantaloube ne s’était même pas retourné.
M. le baron de la Poulinière et son valet Pepe Pippo avaient couru sans s’arrêter jusqu’à l’allée de chênes qui conduisait à Mousseuse.
Quand ils furent en vue du château, il prirent une allure plus tranquille afin de ne pas éveiller l’attention, franchirent la cour sans dire mot à qui que ce soit , et ne se sentirent en sûreté que lorsqu’ils eurent donné deux tours de clé à la grosse serrure de la chambre du baron.
Alors M. de la Poulinière se laissa tomber dans son fauteuil et murmura d’une voix étranglée :
- Crois-tu qu’il soir mort, Pippo ?
- Ah ! Mousou le baron, j’en suis persuadé. Vous avez entendu, comme moi, le cri qu’il a poussé ! Et puis, n’avez-vous pas tiré à bout portant ? Il doit avoir dans le ventre toute la charge, la balle, la poudre et la bourre.
- Dieu t’entende, Pippo, soupira le baron sans s’apercevoir de l’horrible blasphème qu’il venait de proférer.
- Il ne reste plus que Pfyffer d’Altishoffen, insinua l’ingénieux valet.
- Oh ! celui-là, ce ne sera pas long, je te réponds. Maintenant causons de nos affaires.
Pepe Pippo, sans attendre l’autorisation de son maître s’installa dans une bonne chaise rembourrée et à dossier complaisant.
- Je ne te cacherai pas, ami Pippo, commença le baron, que toutes ces aventures ne m’ont pas fait perdre de vie le but que je me propose depuis si lontgemps.
- Vous voulez parler de votre neveu ? demanda l’Italien
- Justement, Pepe, cet enfant me gêne de plus en plus Cette amitié qu’il a faite avec le petit duc de Vallarmis peut déjouer tous mes plans qui seraient déjà anéantis si une bienheureuse balle n’avait pas couché pour longtemps au fond de quelque fossé ce vieux fou de Larseneur.
- On n’a pas retrouvé son corps, objecta l’Italien.
- Bah ! il est tombé dans quelques taillis où il s’est traîné. On le retrouvera, l’hiver venu. Laissons donc en repos et paix à son âme ! Ce qu’il faut maintenant, c’est que René disparaisse le plus vite possible. Je vais retourner à Paris, revoir cette devineresse, cette Galantaure, que tu m’as indiquée…
- Galaxaure, rectifia Pepep Pippo remarquant que son maître ne le regardait pas, se permit de sourire.
- Ah ! ce René, continua le baron, comme je le hais !
- Il est si riche, dit tranquillement l’ingénieux valet.
La conversation continua.
Tout à coup, les trompes éclatèrent en fanfares joyeuses sous les fenêtres du baron.
C’était la chasse qui revenait.
En tête, René maniant un superbe cheval alezan attirait tous les regards par sa bonne grâce et son beau visage si fier et si pur.
Il souriait, heureux de vivre…
Le baron s’était levé.
A travers le carreau, il regardait le jeune homme.
La face papelarde du misérable avait prix une expression ignoble d’envie et de cruauté.
Il étendit le doigt, sons gros doigt rouge et carré dans la direction de Kertaillan et murmura avec une expression si horrible que Pepe Pippo lui-même en frissonna :
- Tu mourras bientôt, mon beau neveu
A DEMAIN POUR LA SUITE