Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude.
Tellement lu et manipulé par des mains enfantines
Chapitre II (suite)
Ou il est question d’un chaudron, de vingt pendus,
D’un coup de pistolet et de trente-six mille coups de bâtons
Le baron tira son mouchoir, se le mit sous le nez et d’approcha des pendus.
Une bande de corbeaux s’envola en croassant.
Pepe Pippo fit un grand signe de croix et marmotta une prière.
Quand les deux hommes furent au pied du premier châtaignier-gibet, il commencèrent leur lugubre inspection.
Les bandits étaient dans un triste état.
Pourtant, ils étaient encore reconnaissables.
En forme d’oraison funèbre, Pepe Pippo saluait de son nom chacun des défunts.
- Te voilà, pauvre Rosencœur, nous ne boirons plus de vin de Beaune à la Pomme d’Amour, et toi, Cyrille Chopinet, tu ne me gagneras plus mes pistoles au biribi, et vous autres fines épées et bonnes fourchettes, Bardouille, Ckaquebise, Matapin, Garagnoles, et toi enfin, bel Hipollyte Mistouflet, aimé des dames.
Pepe Pippo passa au second châtaignier et continua ses panégyriques.
Quand il eu nommé tous les bandits les un après les autres :
- Qui manque-t-il ? demanda le baron
- D’abord Pfyffer d’Altsishoffen répondi l’ingénieux valet.
- Qui est celui-là ?
- Un Allemand que votre neveu a si mal accommodé d’un coup de rapière qu’il en pensa trépasser. Je vous ai conté l’histoire.
- Je me rappelle. Où est-il ?
- Il se soigne à Paris, au Grand Triboulet.
- C’est bon, tu verras qu’il ne reviendra pas de son coup d’épé, Pippo, murmura sournoisement le baron avec un singulier sourire.
Pepe Pippo sourit également.
Ils étaient hideux ces deux sourires.
Le baron reprit :
- Qui manque encore ?
- La Colombe, dit Pippo presque à voix basse.
- Cantaloube ?
- Oui, Mousou le baron.
- Diable ! fit M. de la Poulinière devenu rêveur.
Les deux hommes restèrent un moment sans parler.
Enfin le baron reprit.
- C’est qu’il sait tout !… Mais peut-être est-il mort dans quelque coin.
- Peste ! Monsieur le baron, dit une voix railleuse, comme vous m’enterrez vite ! Par ma potence, je suis vivant et bien vivant.
M. le baron César Hervier Lechat Poulain de la Poulinière sentit ses cheveux qui se hérissaient sur son crâne pendant que sa langue collait, glacée, au palais.
Pepe Pippo était tombé à genoux.
Les buissons s’écartèrent et Cantaloube, dit la Colombe, apparut plus rose, plus frais, plus jeune que jamais.
- Ah ! vous me croyiez défunt, continua-t-il d’un air jovial, que non pas ! Le ciel me protège et la meilleure preuve c’est de vous rencontrez sur mon chemin, juste à point pour m’assister dans l’extrême besoin où je me trouve, un peu par votre faute, monsieur le baron.
M. de la Poulinière se remettait peu à peu.
- Avouez-le, continua la Colombe de sa voix de jeune demoiselle, avouez-le, sans votre maudite envie de vous défaire du petit Kertaillan, je ne serais pas ici et tous ces braves ne seraient pas là-haut. Allons, monsieur le baron, un bon mouvement, donnez votre bourse à cette pauvre Colombe.
- Mon ami, je vais vous donner ce que j’ai sur moi, dit le baron César d’un air patelin. Il fouilla dans la poche de sa veste, en tira brusquement un petit pistolet et fit feu sur la Colombe qui tomba à la renverse en poussant un grand cri.
Le baron s’enfuit à toutes jambes.
Pepe Pippo galopait sur ses talons.
Quand le bruit de leur course effarée se fut perdu dans l’éloignement, la Colombe se releva lestement et éclata de rire.
- Imbécile, dit-il, en regardant du côté où avait disparu M. de la Poulinière, imbécile qui ne t’est pas aperçu que je me laissais tomber avant que tu eusses eu le temps de presser la gâchette ! Mais n’importe ! Nous avons désormais un petit compte à régler, monsieur le baron… et nous le réglerons !
Là-dessus, Cantaloube dit la Colombe, après avoir tiré un grand coup de chapeau à ses camarades défunts, s’éloigna à grands pas à travers bois en s’appuyant sur un scion de chêne qu’il avait coupé pour aider sa marche.
Il marchait depuis longtemps déjà, quand soudain, il s’arrêta et se dissimula brusquement derrière une touffe de ronces.
Il avait entendu parler.
Une voix s’élevait dans le silence de la forêt.
- O Mercure, patron des voyageurs, secourez un infortuné mortel ! Je vous offrirai en holocauste un coq et quatre béliers couronnés de fleurs, si vous me sauvez de cette horrible situation.
Cantaloube ne voulut pas en entendre d’avantage. Cette voix dolente ne pouvait appartenir qu’à un individu peu redoutable.
Il quitta son abri et s’avança dans la direction du bruit.
Bientôt, il aperçut, se débattant dans une petite mare pleine de vase, un personnage qui n’était autre que notre ami Pimprenelle.
Aussitôt Cantaloube prit de sa poche un morceau d’étoffe brune percée de deux trous dont il se couvrit le visage et se mit à crier :
- Qui donc appelle !
- Par ici, Mortel ou dieu qui venez à point m’arracher à la mort, par ici, je suis un pauvre voyageur. Je me suis laissé choir de mon coursier. De même Hippolyte renversé de son char…
- Allons, aidez-vous un peu, dit Cantaloube en franchissant les buissons qui l’avaient caché jusqu’alors.
- Grand Jupiter, maître du tonnerre, quel est ce monstre qui s’avance vers moi !
A DEMAIN POUR LA SUITE