Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude.
Tellement lu et manipulé par des mains enfantines
Chapitre II
Ou il est question d’un chaudron, de vingt pendus,
D’un coup de pistolet et de trente-six mille coups de bâtons
On vient de lire l’aventure arrivée à M. des Haudriettes, au moment du départ pour la chasse.
Nous le retrouvons dans sa chambre, deux heures après cette malencontreuse purgation administrée à Anaxibie et qui a eu des suites déplorables.
M. des Haudriettes après une course effrénée de plus d’une heure a pu enfin ramener au château la monture soulagée et plus calme.
M. des Haudriettes est triste.
M. des Haudriettes, enfoncé dans un énorme fauteuil semble en proie à de sombres pensées.
Pepe Pippo, debout devant lui, considère son maître avec une douloureuse sympathie.
Enfin, M. des Haudriettes relève la tête.
- Pepe, mon ami, dit-il à son fidèle serviteur, il nous faut retourner à Paris au plus vite.
- Eh bien, Mousou le baron, répond l’ingénieux valet, ne sommes-nous pas bien dans ce beau château où le vin est si vieux et la table si généreuse ?
- Pepe, j’ai remarqué déjà avec douleur que de jour en jour, vous vous attachez davantage aux joies matérielles de l’existence.
- Eh bien, Monsou le baron, sans parler victuailles, n’éprouvez-vous pas un grand bonheur à vivre ainsi à côté de votre bien-aimé neveu qui est bien le plus charmant garçon qu’on puisse voir.
- Ne me parle pas de lui, dit le baron, qui se leva et marcha quelques instants dans la chambre en proie à une vive agitation.
Puis il revint se rasseoir.
Il y eut entre les deux hommes un long silence. Ce fut le baron qui le rompit.
- Pepe, interrogea-t-il ?
- Mousou le baron…
- Ont-ils été tous pendus ?
- Qui donc ?
- Eh !… les voleurs … les bandits.
- Ah ! nos amis, voulez-vous dire ?
- Oui.
- Je ne sais pas.
- Il faudrait savoir.
- C’est possible. Mais quel intérêt avez-vous ?
- Quand on est mort, on ne parle pas, Pippo.
- C’est vrai, mon bon maître, vous avez raison. Il faut s’assurer si tous ces coquins ont péri.
- Comment faire ?
- Il suffit d’aller les reconnaître.
- Mais ils sont enterrés.
- Non, ils sont pendus.
- Tous ?
- Même ceux qui ont été tués dans le combat ?
- Même ceux-là.
- Pourquoi a-t-on pendu ces pauvres défunts Pippo ?
- Pour épouvanter les bandits qui pourraient passer par là et leur prouver ainsi clairement que l’air de ces bois n’est pas salutaire aux coupeurs de bourse.
- Eh bien, Pepe, dit le baron en se levant résolument, je veux voir ces pendus, et s’il n’en manque pas un au gibet, je sera tranquille.
- A votre aise, Mousou le baron.
L’oncle de René prit le chapeau et la canne que lui tendait son valet, se coiffa de l’un, s’arma de l’autre et ouvrit la porte.
Un bruit se fit entendre.
Un cri terrible y répondit.
Pepe Pippo s’élança.
Il aperçu son maître au beau milieu du corridor, assis sur son derrière, coiffé d’une sorte de chaudron et tout ruisselant d’eau.
L’italien dégagea vivement son maître et le remit sur ses pieds.
Le baron, tout dégouttant, se plaignait bruyamment et soutenait qu’il était mort.
- Tu le vois Pippo, il faut rentrer à Paris, mon garçon… Ah ! … quelle aventure … mon sang coule … je suis assassiné !
Tout en épongeant son maître, qui était rentré dans sa chambre, l’ingénieux valet avait toutes les peines du monde à retenir une grosse envie de rire.
Enfin, au bout d’une demi-heure, M. des Haudriettes ou le baron César, comme il vous plaira de l’appeler, se trouvait complètement séché, changé et un peu remis de sa frayeur.
- Comment cet accident a-t-il pu m’arriver, Pippo ?
- Je n’y comprends rien, Mousou le baron, c’est bien extraordinaire.
- N’importe ! je veux aller où tu sais, Pippo. Partons donc, seulement cette fois passe devant, je ne voudrais pas être arrosé deux fois.
L’ingénieux valet fit la grimace, mais se dirigea pourtant vers la sortie.
Armé d’un gros gourdin, il poussa brusquement la porte qui s’ouvrit toute grande.
Rien ne tomba.
Alors, bravement, l’Italien se risqua dans le corridor. Il n’y remarqua rien d’anormal.
- Venez, venez , Mousou le baron.
L’oncle de René s’élança à son tour.
Une fois sorti de sa chambre, il regarda autour de lui avec attention.
- Où donc est le chaudron, Pippo ?
L’ingénieux valet regarda à son tour.
- Il est parti, Mousou le baron.
- C’est bien inconcevable. Il n’a pas pu s’en aller tout seul.
- C’est peut-être le vent, hasarda Pippo.
- Ce doit être le vent, conclut le baron.
Et tous deux s’éloignèrent dans le corridor, sans remarquer dans un enfoncement obscur, une silhouette de garçonnet que le rire faisait osciller.
Pour la seconde fois, Félicien Mirabiche faisait payer cher au baron le coup de pied du matin.
M. de la Poulinière et Pepe Pippo s’en vont maintenant tout le long de la belle avenue bordée de chênes qui conduisait au château.
Quand Pepe Pippo fut arrivé à son extrémité, il s’orienta, puis, tournant brusquement à droite, il s’engagea dans un chemin de traverse qui le mena directement à un large plateau qui dominait la vallée.
A DEMAIN POUR LA SUITE