Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude.
Tellement lu et manipulé par des mains enfantines
Chapitre III
Ou Morena disparaît tandis que
Larseneur réapparait
Alliette de Vallarmis
avait installé sa nouvelle amie, Morena, sa petite sœur; ainsi qu’elle se plaisait à l’appeler, dans une jolie chambre contiguë à la sienne.
Les fenêtres s’ouvraient, presque le plain-pied sur la terrasse et, de son lit, la petite bohémienne pouvait reposer ses regards sur la grande pelouse semée de la blancheur de statues, qui se déroulait comme un tapis d’émeraude jusqu’aux premiers arbres du grand parc.
Il était bien près de minuit et Morena ne dormait pas.
Etendue dans son grand lit blanc, la jeune fille songeait, le coude enfoncé dans les oreillers, le front appuyé sur la main.
Maintenant, seule, n’étant plus étourdie par le bruit inaccoutumé qui l’empêchait de réfléchir un seul instant durant le jour, elle se demandait si tous ces évènements étaient bien réels.
Elle craignait à toute minute de s’éveiller, le beau rêve enfoui, dans le caveau effrayant du Grand Triboulet, où elle avant tant pleuré.
Pourtant sa raison lui disait bien que toutes ses misères finies, qu’elle vivrait désormais heureuse et choyée auprès de cette Alliette si bonne et si tendre, à côté de ce René qu’elle avait aimé avant de le connaître, et de ce Jean dont le seul nom prononcé lui mettait du rouge aux joues et elle doutait encore….
C’est que c’était si bon d’entendre de douces paroles, de contempler de beaux et purs visages, d’avoir quelqu’un à aimer, qu’elle pensait qu’elle mourrait s’il lui fallait quitter tout cela !
Morena ne dormait pas encore.
Elle avait demandé à la fille de chambre de lui laisser les rideaux ouverts afin de voir le grand ciel criblé d’étoiles et les arbres dont les cimes s’argentaient aux caresses de la lune.
Enfin, ses longues paupières battirent, un délicieux engourdissement l’envahit toute entière, elle balbutia les noms d’Alliette, de René et de Jean.
Et ce dut dans le sommeil qu’elle continua son rêve.
Pauvre Morena !
Il y avait une heure qu’elle reposait ainsi, quand une ombre, surgit tout à coup, se dressa derrière les vitres de l’une des fenêtres.
C’était la silhouette d’un homme.
Dans le silence de la nuit on aurait pu entendre le petit grincement d’un diamant sur le verre.
Quelques minutes après, il y avait dans le carreau une ouverture par laquelle l’home passa le bras.
Puis une main fit jouer sans bruit l’espagnolette et la fenêtre s’ouvrit.
L’homme sauta dans la chambre.
Aux lueurs de la lune, on aurait pu voir qu’il portait une sorte de masque sur le visage.
Une fois sur le parquet, il s’arrêta, retenant son souffle, tendant le cou pour écouter.
Rassuré par le profond silence, il glissa jusqu’au lit, puis ses mains s’abattirent sur le délicieux visage de Morena dont le corps charmant se tordit comme une liane.
Mais pas un cri ne sortit des lèvres de la jeune fille.
Un large bâillon lui couvrait la couche et une partie de la figure.
L’homme alors prenant Morena dans ses bras, l’enveloppa d’un grand manteau qu’il trouva sur une chaise et franchit la fenêtre d’un seul bond.
Sur la terrasse, il s’arrêta une minute pour s’orienter puis il reprit sa course.
Il descendit précipitamment les marches de marbre, traversa en biais la pelouse et s’enfonça dans les massifs qui la bordait.
Au bout de quelques pas, il s’arrêta.
Devant lui, il y avait un cheval tout sellé qu’il détacha.
Il sauta en selle, mit ma pauvre Morena en travers des arçons et piqua des deux.
Quelques minutes encore, on entendit un galop furieux qui s’éloignait dans la nuit.
Puis le bruit s’éteignit.
Le lendemain matin, tout était en rumeurs à Mousseuse.
Les filles de chambre, en pénétrant dans l’appartement de Morena, avait poussé des cris qui avaient ameuté tout le château en découvrant le lit vide et le carreau coupé.
Alliette fondait en larmes.
René, à tout hasard, avait fait seller un cheval et était parti tout seul fouiller la forêt.
Jean, pâle et fiévreux ne disait rien, mais on voyait qu’il souffrait horriblement.
Quant à la comtesse douairière, ses jurons pétaradaient comme une mousquetade dans tout le château.
Justement, au coin d’un corridor, elle se rencontra nez à nez avec M. des Haudriettes que tout ce bruit inquiétait fort.
- Qu’y a-t-il, madame ? demanda le baron.
- Il y a monsieur, qu’il se passe des choses épouvantables ici, ventrebleu ! Mon château n’est plus l’asile du Bon Repos et l’Hôtellerie de la Douce Amitié, c’est actuellement un repaire de voleurs, de bandits, d’assassins, sang et mort !
- Que voulez-vous dire, madame ? balbutia M. des Haudriettes qui croyait qu’on parlait de lui.
- Je veux dire, monsieur, que cette Morena, cette petite moricaude qui est revenue avec mes neveux, je commençais à l’aimer tout plein, cette petite païenne, eh bien, monsieur, cette petite fille a été enlevée…
- Enlevée !
- Oui, monsieur. Ah ! tête et ventre ! que le coquin qui a fait le coup ne tombe pas sous ma main, car je le ferais rouer avec tant de ménagements qu’il mettrait plus de deux jours à rendre l’âme ! Je suis comme ça, moi, ventre saint-gris ! très douce, très bonne, mais terrible aux méchants ! Voilà, monsieur.
Et elle s’éloigna, jurant toujours, tandis que M. des Haudriettes demeurait immobile au milieu du corridor.
Nous avons dit que René s’était lancé à la poursuite du ravisseur de Morena.
Après avoir retrouvé les traces du bandit sur le sable de la terrasse et de l’allée, notre héros les perdit au moment où l’homme masqué avait passé le gazon.
Mais Kertaillan ne se découragea pas.
Il fit le tour de la pelouse et remarqua enfin les pas d’un cheval qui s’éloignant en direction des bois.
Seulement avant d’atteindre la forêt, il fallait traverser le parc, et le parc était clos d’une solide muraille.
Au petit galop, René gagna le mur d’enceinte et le suivit dans toute sa longueur.
Soudain, il retint un cri. Devant lui, s’ouvrait une large brèche.
Il se pencha et reconnut avec joie les traces toutes fraîches.
Il franchit à son tour le passage et se trouva dans la forêt.
Mais au bout de cent toises, il allait à l’aventure ne retrouvant plus nul indice qui pût le guider.
A DEMAIN POUR LA SUITE