Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude.
Tellement lu et manipulé par des mains enfantines
Chapitre IV
De quelle façon M. des Haudriettes et son
Fidèle Valet Pepe Pippo
Quittèrent le château de Mousseuse
M. des Haudriettes sommeillait paisiblement dans sa chambre en attendant le déjeuner.
Il était seul, l’honnête Pepe Pippo devant être sans doute en train de voler quelques poulardes aux cuisines.
Il ronflait avec force et solennité quand la porte s’ouvrit tout doucement, tout doucement, et la tête futée de Félicien Mirabiche apparut.
Une feuille du parquet craqua.
Le rusé gamin s’arrêta, puis repris bientôt sa marche en constatant que M. des Haudriettes ronflait toujours.
Arrivé derrière le fauteuil, il souleva délicatement de chapeau que M. des Haudriettes avait sur la tête, glissa quelque chose dans la perruque et s’en alla aussi heureusement qu’il était entré.
Félicien Mirabiche se dirigea alors vers l’appartement de M. de Pimprenelle.
Il cogna à la porte.
- Entrez, dit une voix dolente.
Félicien entra.
- Bonjour, monsieur Pimprenelle, dit-il d’une voix aimable.
Le précepteur qui tenait à sa particule se retourna vexé.
Il faut dire qu’il était commodément installé devant sa toilette, enfoncé dans un grand fauteuil à oreilles.
- Pourquoi ne m’appelles-tu pas par mon nom, petit drôle ?
- Vous ne vous appelez plus Pimprenelle ? demanda avec une adorable naîveté le petit valet.
- Non, je ne m’appelle pas ainsi, fi rageusement l’ami des muses.
- Comment donc que vous vous appelez. C’est y de la Sauge, de Topinambour ou du Poireau ?
- Je vais te châtier, insolent.
M. de Pimprenelle fit un bond dans son fauteuil et se trouva debout, mais il retin un cri, fit une affreuse grimace et retomba assis.
- Oh ! Seriez-vous malade ? demanda Mirabiche avec une sollicitude feinte.
- Pas du tout, pas du tout, se hâta de répondre M. de Pimprenelle, j’ai… j’ai… un lumbago.
- Qu’est-ce que c’est que ça ?
- Une sorte de courbature… j’ai attrapé cela dans un courant d’air.
- Ne serait-ce pas plutôt les coups de bâton ?
- Ah ! Misérable ! Comment sais-tu mon infortune ?
- Ne m’avez-vous pas raconté vous-même dans le bois, que vous aviez été rossé par les voleurs ?
- Ah ! oui, c’est vrai, dit M. de Pimprenelle en respirant, car il avait craint que Félicien n’eût eu connaissance de sa dernière mésaventure.
- Avec tout ça, continua obstinément le gamin, vous ne m’avez pas encore dit votre nouveau nom.
- Il n’y a pas de nouveau nom, petit polisson, il y a mon nom : M. de Pimprenelle.
- C’est bon, c’est bon.
- A présent, dis-moi ce que tu me veux, car tu viens sans doute m’apporter quelque message, ainsi que faisait Iris, la fidèle Iris.
- Je ne sais pas ce que faisait Iris, mais je viens vous dire que monsieur le duc voudrait vous parler.
- Je vais y aller, Félicien, je vais courir où mon devoir m’appelle.
Tandis que M. de Pimprenelle finissait sa toilette, Mirabiche furetait dans la chambre.
Tout à coup, il tomba en arrêt.
- Oh ! le bel habit, s’écria-t-il en joignant les mains.
- C’est mon nouvel habit, Félicien, dit le précepteur flatté de l’enthousiasme du petit valet, n’est-ce pas qu’il est galant ?
- Admirable, monsieur, admirable.
Le rusé gamin le maniait en tous sens. Enfin, il le remit sur le fauteuil et se dirigea vers la porte.
- Vous n’avez rien à faire dire à monsieur le duc ? demanda-t-il avant de sortir.
- Mais si, mais si. Dis-lui que dans un instant je suis à lui.
- Parfait. Au revoir, M. de Pimprenelle.
Et il sortit en éclatant de rire.
Une demi-heure après, tout le monde se trouvait réuni dans le salon en attendant le déjeuner.
Jean était de plus en plus sombre et les beaux yeux d’Alliette étaient rougis.
Quant à la comtesse Ernestine, elle pestait plus furieusement que jamais et l’absence de René augmentait encore ses inquiétudes.
M. des Haudriettes fit son entrée.
Il était rose et souriant, ce qui agaça la douairière.
Arrivé sur le seuil du salon, il s’inclina et tira son chapeau, qu’il jeta sous son bras avec une désinvolture toute juvénile.
Un cri de stupeur échappa à l’assistance.
Sept ou huit gros hannetons qui venaient de s’envoler de la perruque de M. des Haudriettes formaient autour de sa tête une auréole bourdonnante.
Surpris d’un pareil accueil, M. le baron César restait en place conservant son sourire.
Malgré les préoccupations et les tristesses du moment, Jean, Alliette et la comtesse partirent d’un énorme éclat de rire.
- Mais qu’y a-t-il ? demanda le baron qui ne souriait plus.
- Il y a, mon cher monsieur, dit M. de Primprenelle qui entrait à ce moment, que vous êtes semblable au divin Orphée. Il charmait les oiseaux, vous apprivoisez les hannetons !
- Comment, les hannetons !
- Mais parfaitement, voyez plutôt.
Et, prenant M. des Haudriettes par la main, il le conduisit devant une glace.
- Mais c’est horrible, hurla le baron. Ils ne me quittent pas !
- C’est qu’ils sont captifs, cher monsieur, il sont enchaînés à votre perruque comme l’infortuné Andromède à son rocher.
Quand on eut bien ri, on délivra le baron César qui, cramoisi, jurait qu’il couperait les oreilles à l’auteur de cette mauvaise farce.
Mais l’hilarité reprit de plus belle devant cette menace.
M. de Pimprenelle riait tellement qu’il pleurait comme une Madeleine.
Il avait la figure inondée de pleurs.
Entre deux accès, il prit son mouchoir et s’essuya le visage.
Il n’y eut qu’un cri dans le salon.
A DEMAIN POUR LA SUITE