Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d’étude
Première partie (suite)
Chapitre premier (suite)
Dans lequel le lecteur fait connaissance
Avec quelques hommes d’épée pauvres
Mais malhonnêtes
De la fumée, des odeurs fortes, un bruit infernal, voilà tout d’abord ce que l’on voit, ce que l’on sent, ce que l’on entend en pénétrant dans la grande salle qui occupe presque tout le rez-de-chaussée de l’hôtellerie.
Peu à peu, l’œil s’habitue et finit par distinguer tant bien que mal un tableau qui aurait fait bondir de joie Callot, s’il avait été donné à ce grand artiste peintre de revenir un instant sur la terre et de pouvoir le contempler.
Si les visages de tous les malfaiteurs présentaient un étrange air de famille, il n’en était pas de même de leurs costumes.
Les uns étaient somptueusement habillés de soie et de velours, les autres se drapaient de haillons sans forme, suivant les caprices de la fortune qui souriait aux uns et refusait aux autres ses faveurs.
Parmi les seigneurs les mieux mis, on pouvait remarquer un grand garçon, maigre et noir de poil.
Son nez busqué lui donnait une ressemblance avec les oiseaux de proie et il n’aurait pas manqué d’une certaine beauté s’il n’eût louché outrageusement, ce qui gâtait tout à fait l’expression de sa physionomie.
Il était vêtu d’un habit de velours vert tout passementé d’argent, d’une veste de soie blanche brodée au plumetis et d’une culotte de même nuance et de même étoffe que l’habit.
Ce galant personnage avait le nom d’Hippolyte Mistouflet, c’était le maître de céans.
Il s’était associé avec sa sœur Galaxaure Mistouflet pour l’exploitation du Grand Triboulet, mais en dehors de cette profession, chacun des deux associés possédaient plusieurs autres métiers dont l’exercice augmentait d’autant les revenus de la communauté.
C’est ainsi qu’Hippolyte se chargeait, moyennant une honnête rétribution, de faire disparaître les importuns qui se glissent au sein des familles pour y apporter le trouble et la désunion.
Pour deux pistoles, il rossait les gens impertinents avec lesquels on ne voulait pas se commettre.
Il possédait une merveilleuse habilité au pharaon et au biribi. Le passe-dix n’avait pas de secrets pour lui et, dans l’intimité, il se faisait un vrai plaisir de vous nommer par leur nom ou leur valeur toutes les cartes d’un jeu qu’il tenait derrière son dos.
A l’époque de la foire Saint Laurent, Hippolyte faisait peau neuve et jouait les amoureux au théâtre de Frangipane.
Cet ingénieux esprit avait toujours été porté vers l’art dramatique et si le théâtre n’avait pas alors été dans le marasme, il aurait volontiers changé son épée contre le manteau de Crispin.
Sa sœur tirait les cartes, lisait dans le marc de café et soignait les maux de dents au moyen de l’élixir de Bengale rapporté de l’Inde par un rajah qui avait perdu son royaume à la suite d’une désastreuse partie d’échecs.
Comme on le voit, ce frère et cette sœur étroitement unis descendaient le cours de la vie doucement appuyés l’un sur l’autre, ne tendant la main à personne et ne devant leur modeste aisance qu’aux seules ressources de leur féconde imagination.
A côté d’Hyppolyte Mistouflet se carrait une sorte d’hercule qui répondait au doux nom de Rosencœur.
Il était dépenaillé et son feutre déchiqueté comme un vieux drapeau témoignait des grands coups donnés et reçus par son propriétaire.
A DEMAIN POUR LA SUITE