Alpha du Centaure et son environnement
La seule chose qui était sûre c’est que je n’étais pas venue avec ce ras de cou.
Mais comme je suis d’un naturel curieux et du genre plutôt ouvert à toute énigme qui n’a pas d’explication cartésienne, je l’ai glissé dans la poche de ma veste de tailleur. Je réglai mon café à Henri et pris tranquillement la direction du bureau dans le 14ème arrondissement.
J’aurais pu choisir de continuer à flâner dans les rues de la capitale jusqu’à l’heure du déjeuner car mon boss ne m’avait jamais importuné avec les horaires de la maison. Le seul horaire qu’il connaissait c’était celui du bouclage du soir avant la mise à l’impression.
Seulement ce jour-là, j’étais attirée, comme aimantée par le courrier que je n’allais pas tarder à découvrir posé à l’angle supérieur gauche de mon bureau.
Anne, mon assistante ne manquait jamais de le déposer au même endroit. Ces gestes machinaux répétés à maintes reprises avaient fini par constituer un rituel immuable.
Je franchis la porte du journal et pénétrais dans le hall d’entrée. Je m’arrêtais un court instant pour saluer Doudou, le vigile,
qui siégeait sur le rez-de-chaussée de l’immeuble.
Rien, ni personne n’aurait pu franchir la porte dans un sens ou dans l’autre sans échapper au regard de Doudou.
Je ne saurais vous dire qu’elle âge il avait. Je l’avais toujours connu à cette place et il me semble que je l’avais toujours connu aussi vieux qu’aujourd’hui. Il semblait vivre en dehors du temps. Cela m’intriguait parfois. Il m’était déjà arrivé, le soir, seule, dans mon petit 2 pièces de la rue Léon Buffon
dans le 15ème arrondissement, de penser que le surnaturel que je chassais tant et tant aux confins de la capitale se trouvait peut-être tout simplement toujours les jours sous mes yeux en la personne de Doudou.
J’avais pris l’escalier pour me rendre à mon bureau au troisième. Je prenais toujours l’escalier et ceci depuis qu’un ascenseur m’ait joué un jour un tour incroyable. Mais ceci, ceci est une autre histoire que je vous conterai peut-être aussi un peu plus tard.
J’avais trouvé mon courrier bien rangé… comme d’habitude. Je n’avais pas croisé Anne en arrivant mais cela ne me surprenait guère.
Elle me connaissait mieux que personne, mieux que moi-même peut-être et elle avait pris l’habitude de s’éclipser à mon arrivée sachant combien j' aimais ne pas être dérangée avant d’avoir ouvert le courrier.
Dans un mouvement que j’aurais presque pu cataloguer de perpétuel, j’avais pris le paquet d’une main et de l’autre je faisais glisser une à une les lettres en faisant passer la première derrière les autres.
Parfois mon sixième sens me poussait à en ranger une de côté pour la garder pour la fin. Cela m’arrivait une à deux fois par mois et avait souvent été le point de départ de rencontres bien insolites.
Mais ce matin-là, je fus déçue. Toutes les lettres avaient fait le tour du paquet sans qu’aucune d’entre-elles ne me paraisse digne d’intérêt, d’ailleurs, une fois ouvertes, elles furent toutes sans intérêt.
Je désespérais.
L’insolite me fuyait depuis trop longtemps et l’inaction me pesait.
Anne fit soudain son apparition. Grande, brune, élancée,
Anne fait partie de ces femmes qui s’épanouissent à la trentaine. Je ne dirais pas qu’elle est d’une beauté incomparable cependant elle possède cette classe qui donne à certaines femmes un charme infini.
Quand elle rentrait dans la pièce mon regard restait longtemps accroché aux traits fins et délicats de son visage.
Je ne me lasse pas de contempler les belles choses, et Anne, dans sa trentaine si épanouie en faisait partie.
Ce n’est qu’en baissant légèrement les yeux que j’aperçus un paquet rouge enrubanné de blanc, plus long que large,
qu’elle portait dans ses bras. Je m’étais levée et avais fait le tour de mon bureau pour lui souhaiter le bonjour.
- « Il ne fallait pas ! C’est trop gentil » Lui lançai-je en la remerciant et en la délestant de son précieux colis. « Que fête-t-on ? Ce n’est pas mon anniversaire ! »
Anne n’avait pas répondu à mon humour maladroit mais sa curiosité l’avait poussé à ne pas s’en aller.
- « Des roses ! » Dis-je en ouvrant le colis.
- « Des roses… rouges ! » Reprit Anne comme si cela avait de l’importance.
- « Qui peut bien m’envoyer des roses ? »
- « C’est un cadeau destiné à une femme, sans aucun doute ! » Me dit ma collaboratrice.
- « Anne, c’est de votre part ? »
- « Non, désolée, ce n’est ni pour moi, ni de moi ! Peut-être il y a-t-il une carte ! » Rajouta-t-elle avec l’assurance de cette logique féminine que je connais si bien.
- « Une carte ? Non ! Je ne vois pas ! Ah si ! Tiens ! Là ! » Lui répondis-je en plongeant ma main au fond du colis.
- « Pour vous ZAZA, ces quelques fleurs afin de vous faire penser à bien prendre soin de mon précieux collier » Lisais-je incrédule. « Mais ? Mais ? Quand ce colis a-t-il donc été apporté ? »
- « C’est Doudou qui me l’a donné quand je suis arrivée. Il m’a dit qu’un porteur l’avait déposé vers les 7h00 du matin. » Me répondit Anne.
- « 7h00 ??? Non ! Tu dois faire erreur ! Ce n’est pas possible ! »
« En tout cas, quand je suis arrivée à 7h30 il était déjà là ! » Rajouta-t-elle en quittant la pièce comme si je l’avais vexée en mettant en doute sa parole.
Un sourire grandit au coin de mon visage. Comment un colis déposé à 7h00 à mon bureau pouvait-il contenir une carte parlant d’un collier que je n’allais découvrir que par hasard plus d’une heure plus tard.
Il y avait là un mystère qui m’intéressait au plus haut point.
Je mis ma main dans la poche de mon tailleur et ressortis l’objet que j’observai en le tenant précieusement.
Au second plan, je vis Anne qui me regardait en souriant à travers la vitre de la porte de mon bureau. Malgré le sourire, je discernai comme une pointe de jalousie dans ce regard. Décidément, ce collier commençait à me plaire…
Fin de la deuxième partie