New-Orléans en Louisiane
FIN
Harold buta dans le fauteuil resté inoccupé derrière les deux étudiantes. Il s’en fallu de peu qu’il ne s’étale de tout son long. Quel gâchis, deux si jolies jeunes filles. Cette réflexion eut le don de mettre fin à notre entretien. Les gamines sortaient en riant en se tenant la main.
De retour au bureau après une bonne pizza, nous passâmes l’après-midi à plancher sur le dossier le retournant dans tous les sens.
Nous examinions les photos punaisées sur le mur. La vie de Marilyn De Soto demeurait un mystère, pour nous, pour ses parents, pour son fiancé, pour ses amies. Et je savais que tant que nous n’aurions pas compris la personnalité de la jeune fille, l’identité de son meurtrier demeurerait inconnue.
Ce n’était pourtant pas les mobiles et les assassins potentiels qui manquaient.
Tous s’embrouillait dans ma tête, j’étais fatiguée de toutes ces réflexions. J’avais besoin de me détendre, de me changer les idées.
Je ne souhaitais qu'une chose, dormir et récupérer, la nuit portant toujours conseil ... ! Je laissai tomber lourdement le dossier sur le bureau.
- « Bon j’en ai ma claque. Je n’y vois plus rien. Je suis KO... »
- « Besoin d’un petit remontant ? » me demanda Harold.
- « Ah ben ça, avant d'aller me coucher, c’est la meilleure phrase parmi toutes celles que tu auras prononcées aujourd’hui. »
Quand Dolly nous vit rejoindre notre table fétiche, elle comprit de suite que notre journée était finie et qu’elle pouvait amener deux verres et nos deux bouteilles personnelles : Une de Glenfiddich de douze ans d’âge et une de Jack Daniel's.
Mais le bar de chez Dolly n’était pas vraiment l’endroit idéal pour fuir le boulot.
Il pouvait surgir à chaque coup de téléphone où à chaque fois que quelqu’un ouvrait la porte. Et là en l’occurrence celui qui venait de franchir la porte c’était notre capitaine préféré.
- « Bordel de bordel, quatre heures chez la curaille. Je suis lessivé moi. »
Inutile de préciser qui venait de parler. Tout le monde aura reconnu le langage châtié de notre capitaine bien aimé. Il poursuivit dans le même registre.
- « Sacré bon dieu de curetons et de nones en chaleur. Ces gens là ne peuvent pas admettre que les accidents de la route existent. Non, pour eux, dès que c’est quelqu’un de leur confrérie qui est concerné, c’est assurément un acte prémédité. Ils se croient au-dessus tout ces gens-là. Putain, bon dieu, ils peuvent pas comprendre qu’on en a rien à foutre de leurs conneries de petit jésus. Dolly !!! sers-moi un double Readbreast, s’il te plaît. »
Harold le regarda d’un œil si noir que comparer à lui le fond d’une mine aurait éclairé le soleil de Floride. Le boss s’aperçut bien vite de sa bévue.
- « Euh ... non, excuse-moi Dolly, sert moi plutôt ?... un Glenfiddich …… comme Harold. »
Dolly n’avait pas pris en compte la première commande. Elle savait qu'Harold n’aurait pas pu rester à table avec un type qui buvait du whiskey irlandais.
Et ce, même si le type en question avait été le président des Etats-Unis assis sur les genoux de la reine d’Angleterre.
- « Content de voir que vous aimez le scotch, capitaine. Ces cochons d’Irlandais ne savent faire que de la pisse d’âne. D’ailleurs s’ils l’appellent whiskey et non pas whisky comme tout le monde c’est bien qu’il ne considère pas cela comme du vrai whisky. »
-« Au fait Harold, il faut que quelqu’un retourne au couvent des Ursulines demain pour faire signer la plainte par la mère supérieure. Moi, je ne saurais y retourner sans m’énerver. Alors tu seras gentil d’y passer pour moi vers 8h00. Ceci dit, quoi de neuf dans l’affaire De Soto ? »
Harold commença à lui faire le topo de la journée. J’étais cuit. Je pris congé d’eux. Je dormis comme un loir ! Mais vers les 9 heures du matin, coup de fil d'Harold.
- « Ramène ta fraise au motel rapidos p'tiote. J'ai du nouveau on se retrouve là-bas à 9 heures 30. »
Nous fîmes irruption dans la réception du Motel où se trouvait déjà la belle Sonya. A ma grande surprise, Il s'adressa ainsi à la gérante du motel.
-« Mademoiselle Sonya Carson veuillez me suivre, je vous prie. Je vous arrête pour le double meurtre de Marylin De Soto et de Sœur Jeanne-Thérèse d’Avilla. » dit Harold d’un ton froid et glacial.
Sur le pas de la porte, un collègue en uniforme lui passa les menottes tandis qu’un autre lui lisait ses droits.
Elle les suivi sans opposer la moindre résistance. Je ne savais trop quoi penser et dire.
- « Mais ??? » prononçais-je incrédule.
- « Viens ! On va prendre un café et je vais tout t’expliquer. »
Même si le café du bar du coin de la rue n’avait pas été plus fort qu’un turc, je n’aurais pu perdre une miette du récit d'Harold.
- « C’est ce matin que j’ai tout compris. Je suis allé au couvent pour faire signer la plainte par la mère supérieure. Sur place je me suis rendu compte que le couvent jouxtait une école privée dirigée par les sœurs. Elles en assuraient aussi l’internat.
En discutant avec la mère supérieure, elle me dit au hasard de la conversation que c’était le deuxième décès criminel d’une proche dans la même semaine. Va savoir pourquoi, je lui ai demandé machinalement si elle faisait allusion au décès de Marylin De Soto. Elle me répondit que Marylin avait été pendant longtemps pensionnaire dans leur établissement et que le plus étonnant c’est qu’elle était très liée avec sœur d’Avilla qui était surveillante d’internat et avait été autrefois la confidente de la jeune fille. »
- « Mais quel rapport avec Sonya ? »
- « J’y viens, j’y viens. Si tu me coupes sans arrêt je n’y arriverai pas. Où en étais-je ? Ah oui. La mère supérieure me confia que sœur d’Avilla l’avait à plusieurs fois entretenue des problèmes de Marylin. Cette dernière était tombée éperdument amoureuse d’une de ses copines de classe, une autre interne. Compte tenu des humeurs du père de Marylin, les sœurs avaient tenu à cacher aux De Soto, les écarts de conduite de leur fille contre la promesse de celle-ci de rompre cette liaison. Ce que Marylin fit. Les religieuses avaient même fini par renvoyer la jeune fille avec laquelle Marylin fricotait pour soi-disant protéger cette dernière.
La mère supérieure me montra une photo de classe. J’y vis feu Sœur Jeanne-Thérèse, Marylin, Virginie et Paméla. Encore persuadé qu’il s’agissait soit de Virginie, soit de Paméla dont nous connaissons déjà les goûts particuliers, je lui ai demandé de me montrer qu’elle était la jeune fille en question. Je fus surpris quand son doigt pointa sur la photo au coté opposé des trois jeunes filles.
Mais je fus encore plus surpris de reconnaître Sonya Carson derrière le doigt de la none. »
- « Sonya connaissait Marylin et alors, cela ne prouve rien. »
-« Laisse moi finir. Début mai dernier, Maryline vient conduire Virginie et Paméla à ce petit Motel. Par le plus grand des hasards, elle tombe sur Sonya. Et leur idylle redémarre. Les deux jeunes filles se voient tous les mardis et tous les vendredis. Simplement parce que ces jours sont habituellement les jours de repos de Sonya, j’ai vérifié. Mis à part que mardi dernier Sonya remplaçait son employée dont le fils était malade. Ce même soir Marylin annonce à Sonya son intention de rompre et son intention de se marier avec Franck Gospel, cette dernière ne peut supporter l’idée de perdre Marylin une deuxième fois et la tue par amour. Mais cela se passe dans son Motel, elle ne peut se faire à l’idée que le corps de Marylin reste ainsi toute la nuit dans la chambre. Elle nous téléphone en déguisant sa voix et feint l’écœurement en voyant le corps de Marylin. »
- « Mais pourquoi a-t-elle volée les vêtements de Marylin, cela n’a pas de sens ? »
-« C’est un jeu d'internes Emily, un jeu d'internes ! On se prête ses vêtements. Depuis l’internat Sonya et Marylin ont pris l’habitude de s’échanger leurs vêtements. Seulement l’autre soir Marylin est venue avec des vêtements appartenant à Sonya. Celle-ci les a tout de suite reconnus et les a fait disparaître de peur qu’ils ne permettent de remonter jusqu'à elle. C’est toujours pour éviter que l’on ne remonte jusqu'à elle que Sonya à écrasé sœur Jeanne-Thérèse avec son 4x4. Elle voulait éliminer la confidente de Marylin. En voulant trop bien faire elle a commis l’erreur fatale. »
- « Je n’y crois pas, je n’y crois pas ! »
- « Sonya possède bien un 4x4 identique à celui qui a renversé la religieuse. Nous l’avons retrouvé sur le parking de l’hôtel ce matin. Il y a un choc à l’avant. Des collègues sont entrain de le passer au peigne fin. Ils ne manqueront pas de trouver des traces de sang ou de cheveux sur la carrosserie qui établiront la preuve de la culpabilité de Sonya. D’ailleurs cette dernière n’a pas eu l’air surprise de son arrestation. Elle aurait pu passer entre les mailles du filet, mais le hasard en a voulu autrement. Si le capitaine ne m’avait pas demandé de passer voir la mère supérieure et si notre conversation s’était déroulé différemment nous n’aurions sans doute jamais établi le lien entre les deux affaires. »
Je devais me rendre à l’évidence Sonya était bien coupable. Elle allait sans doute passer le restant de ses jours en prison !
Quant à moi, je me jurais d'être moins crédule, car personnellement, je lui aurais donné le bon dieu sans confession !