Selaouit, mar hoc’h eur c’hoant,
Setu aman eur gaozic koant,
Ha na euz en-hi netra gaou,
Mès, marteze, eur gir pe daou.
***
Ecoutez, si vous voulez,
Voici, un joli petit conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonge,
Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.
Ici, la terre était molle comme du sable.
A peine y eut-il plongé les mains qu'il en retira un caillou de la grosseur d'un œuf, un caillou en or pur, en bel or blond tout flambant neuf.
Puis, ce fut un second caillou de la grosseur d'un galet de
cordonnier.
Puis un troisième aussi large qu'une meule de moulin.
Celui-ci, Jean l'Or n'essaya même pas de le soulever; encore moins ceux qu'il mit ensuite
à découvert et qui formaient comme un dallage d'or.
- « Que c'est donc beau ! » s'écria-t-il, à mesure qu'il déblayait toutes ces merveilles.
« Et comme je serais riche, si je pouvais seulement emporter le dixième de ce que je vois ! »
Il se souvint qu'il s'était juré de ne toucher à rien.
- « Bah ! » se dit-il, vaincu par la cupidité, je vais mettre celui-ci dans ma poche et
cet autre sous mon aisselle. Cela ne tirera pas à conséquence. Le diable ne s'en apercevra point. »
Il mit dans sa poche le caillou qui était de la grosseur d'un œuf et sous son aisselle
celui qui était de la grosseur d'un galet de cordonnier.
Déjà il déguerpissait au plus vite, comme bien vous pensez, lorsque Pôlic se dressa devant
lui.
Il faut vous dire que Satan faisait justement ce jour-là, sa tournée sur terres. Il avait vu
venir Jean l'Or et avait guetté ses moindres gestes, embusqué derrière un buisson.
- « Hé ! hé ! Camarade », ricana-t-il, « On ne s'en va pas ainsi sans souhaiter le bonsoir
aux gens qu'on vient de voler. »
Jean l'Or aurait bien voulu être ailleurs. Mais il ne pouvait plus songer à
fuir.
Satan lui avait appliqué la main sur l'épaule et cette main était terriblement brûlante et
lourde, comme si elle eût été de fer rougi.
Jean l'Or cria, se débattit, supplia. Mais le diable a la poigne solide et le cœur
cuirassé.
- « Pas tant de façons ! Il faut me suivre. »
Satan siffla son cheval qui passait à quelque distance de là, l'enfourcha, jeta Jean l'Or
en travers sur la croupe, comme un simple sac de charbon, et hue ! dia!
Jean l'Or demandait d'une voix dolente :
- « Qu'allez-vous faire de moi, Monsieur le diable ? »
Et le diable répondit :
- « Ta chair sera rôtie pour le dîner de mes gens et tes os calcinés serviront de pâture à
mes chevaux. »
Le pauvre Jean l'Or n'en menait pas large.
On arriva en enfer.
Dès le seuil, un démon se précipita au-devant de Satan et lui dit
:
- « Maître, le valet d'écurie a été dévoré par les bêtes. »
- « Malédiction ! » s'écria le diable, d'un ton si effrayant que les damnés qui se
trouvaient non loin de là, dans une mare de poix bouillante, se mirent à faire des bons de carpe, en poussant des hurlements de détresse.
Mais la colère du diable tomba brusquement.
Il venait d'apercevoir Jean l'Or qui s'était laissé glisser à terre et qui gémissait,
accroupi, la tête dans les mains.
- « Lève-toi, grand nigaud », lui dit-il, « Et approche ! »
Jean l'Or obéit en rechignant.
- « Ecoute », continua Satan, « Les choses tournent bien pour toi. Jusqu'à nouvel ordre,
ta chair ne sera pas rôtie et tes os ne seront pas calcinés. Mais tu penses bien que je ne vais pas te garder ici à rien faire. Voici qu'elle sera ta besogne. J'ai trois chevaux dans mon écurie,
y compris celui que je montais tout à l'heure. Tu en auras le soin. Tous les matins, tu les étrilleras, tu les laveras, tu les brosseras et tu leurs donneras des os calcinés en guise de fourrage.
Tâche seulement que le travail soit bien fait; sinon, tu sais ce qui t'attend. »
Jean l'Or n'était pas précisément flatté de devenir le valet d'écurie du
diable.
Mais il n'avait pas le choix et mieux valait encore soigner les chevaux que de leur être
jeté en pâture.
Tout alla bien pendant une quinzaine de jours.
Jean l'Or ne ménageait pas sa peine et s'efforçait de contenter son terrible
maître.
Mais, le soir venu, lorsqu'il était étendu dans son lit, à l'un des angles de l'écurie, il
restait longtemps, avant de s'endormir, à déplorer son sort et à regretter sa Basse-Bretagne.
Comme il se repentait maintenant de sa maudite cupidité !
Une nuit qu'il se tournait et se retournait ainsi sur sa couchette de paille, il sentit
une haleine chaude sur sa figure; c'était un des chevaux qui s'était détaché et qui tendait son mufle vers Jean l'Or.
- « Que me veut cette bête de malheur ? » pensa-t-il, car c'était justement la monture sur
laquelle il avait été transporté en ce lieu de damnation.
Il allait lui donner du fouet quand la bête lui parla en ces termes
:
- « Ne fait pas de bruit afin de ne pas réveiller les autres chevaux. C'est dans ton
intérêt que je viens te trouver. Dis-moi, Jean l'Or, est-ce que tu te plais en ce pays ? »
- « Foi de Dieu, non ! »
- « En ce cas, nous sommes tous deux du même avis. Comme toi, je voudrais retourner en
terre bénite, car, comme toi, je suis chrétienne. »
- « Mais comment nous en aller d'ici ? »
- « C'est mon affaire. Je te préviendrai quand le moment sera venu. En attendant,
donne-moi chaque jour double ration, non plus d'os calcinés, mais de foin et d'avoine. Il faut que je prenne des forces car le voyage sera long. »
A DEMAIN POUR LA FIN