Selaouit, mar hoc’h eur c’hoant,
Setu aman eur gaozic koant,
Ha na euz en-hi netra gaou,
Mès, marteze, eur gir pe daou.
***
Ecoutez, si vous voulez,
Voici, un joli petit conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonge,
Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.
Il était une fois un homme qui n'avait au cœur d'autre passion que celle de la
richesse.
Aussi l'avait-on surnommé Jean l'Or.
Il était laboureur de son métier et travaillait jour et nuit à seule fin d'avoir, dans un temps à venir, son armoire pleine de napoléons en or.
Mais il avait beau peiner et suer, ce temps-là ne venait pas
vite.
La Basse-Bretagne, comme vous savez, nourrit son monde mais ne l'enrichit
pas.
Jean l'Or se résolut à quitter une si pauvre terre.
Il avait entendu parler de contrées merveilleuses où il suffisait, disait-on, de gratter le sol avec les ongles pour mettre à nu de véritables rochers d'or.
Seulement, ces contrés-là étaient situées de l'autre côté du pays du bon Dieu, dans le
domaine du diable.
Jean l'Or avait été baptisé, comme vous et moi il se souciait assez peu de tomber
entre les griffes de Satan.
Mais sa passion pour l'argent le tenait si fort qu'il se mit tout de même en
route.
- « Aussi bien », se disait-il, « il n'est pas prouvé que les rochers d'or soient la
propriété du diable. Les gens qui l'ont prétendu voulaient sans doute décourager ces benêts d'y aller voir afin de garder le magot pour eux seuls. Quand le bon Dieu a partagé le monde entre Satan
et lui il n'a certes pas été assez sot pour faire la part si belle à son mortel ennemi. »
Vous voyez que Jean l'Or jugeait Dieu à son aune.
Il
concluait :
- « Allons en tout cas faire un tour de ce côté. Je verrai du moins de quoi il retourne.
S'il y a danger, il sera toujours temps de rebrousser chemin. »
Et le voilà de faire lieue sur lieue tant et si bien qu'il arriva à la ligne qui sépare le
domaine de Dieu de celui du diable.
Il
s'agenouilla, en deçà de la ligne, et se mit à gratter la terre.
Mais, il ne réussit qu'à s'ensanglanter les ongles contre une pierre aussi dure et d'aussi
peu de valeur que celle qui faisait le fond de son champ, en Basse-Bretagne.
- « Ma foi », maugréa-t-il, « il ne sera pas dit que j'aurai tant cheminé pour rien. Il
faut que je sache si vraiment le diable est plus riche que le bon Dieu. Je regarderai et je ne toucherai pas. »
Il franchit la ligne, s'agenouilla encore et recommença à gratter.
A DEMAIN POUR LA SUITE