Le marché du diable
Il y avait naguère, non loin du bourg de Guipry, un moulin à vent.
Perché sur une colline couverte d'ajoncs et de genêts quasi impénétrables, on aurait dit de loin le donjon d'un château fort qui aurait survécu aux ravages du temps.
Le meunier, qui y travaillait, marchait courbé sous le poids des ans.
Lithographie de Dériré Lucas
Son épouse l'aidait dans sa tâche.
Lithographie de Dériré Lucas
Mais, malgré le mal qu'ils se donnaient tous les deux, les affaires n'étaient guère brillantes.
Le moulin était éloigné des villages environnants et le chemin de terre qui y conduisait était souvent impraticable à la mauvaise saison.
Et aussi les loups rôdaient dans les parages.
Le meunier s'en allait avec sa charrette et son cheval démarcher les clients. Il ramenait l'orge, le seigle et le sarrasin qu'on lui confiait à moudre.
Les jours suivants il retournait livrer ses farines et sons.
Un soir, il regagnait son moulin après une dure journée.
Comme d'habitude, les paysans ne l'avaient pas payé de son travail, mais ils avaient promis de le faire.
Leur générosité ne s'était manifestée que dans une abondance de bolées qu'il n'avait pas su refuser.
Assis à l'avant de sa charrette, il somnolait, laissant au cheval le soin de la conduire à la maison.
La brave bête connaissait l'itinéraire à suivre. Elle évitait toutes les ornières... ou presque, car soudain l'une, plus profonde que les autres, arrêta net l'attelage et renversa à moitié la charrette.
Le meunier se retrouva par terre, mais sans mal. Il en fut quitte pour la peur.
Il tenta de sortir de ce mauvais pas, mais rien n'y fit.
Il appela à son aide tous les dieux du ciel et de la terre, par centaines et par milliers.
Mais sans doute oublia-t-il de les désigner par leur nom, car aucun ne répondit à son appel.
A DEMAIN POUR LA FIN