La princesse de l’étoile brillante (Deuxième épisode)
Selaouit, mar hoc’h eus c’hoant,
Hag e clevfot eur gaozic coant,
Ha na eus en-hi netra gaou,
Met, marteze, eur gir pe daou.
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Ecoutez, si vous voulez,
Et vous entendrez un joli conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonges,
Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.
Vers minuit, il entendit un grand bruit, dans la cheminée, et, bien qu’il ne fût pas peureux, il se cacha sous un vieux lit, et de là, il vit onze diables descendre par la cheminée. Ils furent étonnés de trouver du feu allumé au foyer.
- « Que veut dire ceci ? » se demandèrent-ils.
- « Où est resté le Diable Boiteux ? »
- « Il est toujours en retard, dit un autre diable, qui paraissait être le chef de la bande. »
- « Le voilà qui arrive, » dit un troisième.
Et le Diable Boiteux arriva, par le même chemin que les autres, c’est-à-dire par la cheminée, et demanda:
- « Qu’y a-t-il de nouveau par ici, camarades ? »
- « Rien », lui répondit-on.
- « Rien ?… Eh bien, moi, je prétends que le meunier du moulin de Pont-Léguer est ici, quelque part, et qu’il est venu pour essayer de nous enlever la princesse : cherchons-le. »
Et on chercha partout.
Le Diable Boiteux regarda sous le lit et, voyant le meunier, qui s’y blottissait, il s’écria:
- « Le voici, sous le lit ! »
Et il le prit par un pied et le tira à lui.
- « Ah ! Meunier, gentil meunier », dit-il en ricanant, « tu veux nous enlever la princesse ? Tu aimes les jolies filles, paraît-il ?
Nous allons d’abord jouer à un jeu, mon ami, qui ne sera sans doute pas de ton goût, mais, qui te guérira de la tentation de vouloir enlever des princesses. »
Et ils se le jetèrent et rejetèrent, comme une balle, d’un bout à l’autre de la salle. Pourtant, le pauvre meunier ne disait mot. Ce que voyant, ils le jetèrent par la fenêtre dans la cour, et, comme il ne se plaignait ni ne bougeait, ils le crurent mort.
Le coq chanta, en ce moment, annonçant le jour, et ils s’en allèrent aussitôt, comme ils étaient venus, c’est-à-dire par la cheminée.
La princesse vint alors, tenant à la main un petit pot d’onguent, et elle en frotta le meunier, qui se releva et se retrouva aussi bien portant et aussi dispos que devant.
- « Vous avez bien souffert, mon ami », lui dit la princesse.
- « Oui, j’ai bien souffert, princesse », répondit-il.
- « Vous avez encore deux nuits semblables à passer, pour me délivrer de ces méchants diables. »
- « Il ne fait pas beau délivrer des princesses, d’après ce que je vois, mais, j’irai pourtant jusqu’au bout. »
La nuit venue, il se rendit, pour la seconde fois, au vieux manoir et se cacha sous un tas de fagots, au bas de la salle.
A minuit, les douze diables descendirent, comme la veille, par la cheminée.
- « Je sens odeur de chrétien ! » dit le Diable Boiteux.
Et ils cherchent et découvrent encore le meunier, parmi les fagots.
- « Ah ! C’est encore toi, meunier ! Comment n’es-tu pas mort, après le jeu d’hier soir ? Mais, sois tranquille, nous allons en finir avec toi, cette fois, et ce ne sera pas long. »
Et ils le jetèrent dans une grande chaudière remplie d’huile, qu’ils firent ensuite bouillir sur le feu.
Le coq chanta, pour annoncer le jour, et les diables partirent encore.
La princesse vint aussitôt et retira le meunier de la chaudière. Il était cuit et ses chairs tombaient en lambeaux. Et pourtant, elle le ressuscita encore, avec son onguent.
La troisième nuit, les diables furent encore étonnés de retrouver le meunier en vie:
- « C’est la dernière nuit, et si nous n’en finissons pas avec lui, cette fois, nous perdrons tout. Il doit être protégé par quelque magicien. Que faire ? »
Chacun donne son avis, et le Diable Boiteux dit :
- « Il faut faire un bon feu, rôtir le meunier à la broche, puis le manger. »
- « C’est cela », dirent les autres, « rôtissons-le, puis nous le mangerons. »
Mais, leur délibération et leurs préparatifs avaient duré trop longtemps, et, au moment où ils allaient embrocher le meunier, pour le mettre au feu, le coq chanta, et il leur fallut partir sur-le-champ, et ils abattirent le pignon de la maison, en s’en allant, avec un vacarme épouvantable.
FIN DU DEUXIEME EPISODE