La princesse du Palais enchanté (suite 4)
Et Efflam fut introduit de nouveau devant le roi, qui lui ordonna, sous peine de la mort,
de lui amener la Princesse du Palais-Enchanté.
La nuit venue, Efflam se rendit encore au vieux puits du jardin, souffla dans son sifflet d’argent et le vieillard à la barbe blanche remonta aussitôt et lui demanda :
— Qu’y a-t-il pour votre service, mon ami ?
— Le roi m’a ordonné, sous peine de la mort, de lui amener la Princesse du
Palais-Enchanté.
— Eh bien ! allez trouver le roi et dites-lui qu’il faut qu’il vous donne d’abord un beau
carrosse, pour mettre la Princesse, puis les douze plus beaux chevaux de ses écuries pour les atteler au carrosse. Vous lui demanderez encore de l’or et de l’argent à discrétion, et de plus douze
mulets, dont quatre chargés de viande de mouton, quatre chargés de lard, et les quatre autres chargés de blé ; car vous aurez besoin de tout cela.
Efflam remercia le vieillard et alla trouver le roi, qui lui fit donner tout ce qu’il lui
fallait.
ll se mit alors en route, et il marcha et marcha, tant et si bien qu’il arriva dans le royaume des Lions.
Des lions affamés, la gueule béante, accoururent à lui, de tous côtés, prêts à le dévorer.
Il s’empressa de leur distribuer la charge des quatre mulets qui portaient de la viande de mouton.
Ils dévorèrent la viande et les quatre mulets avec.
Alors, un lion, le plus grand et le plus beau de tous, s’avança vers Efflam et lui parla ainsi :
— Nous allions tous mourir de faim, et tu nous as sauvé la vie. Mais, je te revaudrai cela.
— Merci bien, sire, répondit Efflam, et il se remit en route avec les huit mulets qui lui restaient.
Il arriva alors dans le royaume des Ronfles (Ronfle est le nom breton qui signifie Ogre) et ces monstres accoururent aussi à lui pour le dévorer.
Mais, il se hâta de leur distribuer le lard dont étaient chargés quatre de ses mulets, et ils dévorèrent le lard, puis, les quatre mulets qui le portaient.
Après quoi, le roi des Ronfles dit aussi à Efflam :
— Je suis le roi des Ronfles, si jamais tu as besoin de moi ou des miens, souffle dans cette trompe (et il lui présenta une trompe), et en quelque lieu que tu te trouves, nous arriverons aussitôt.
Efflam prit la trompe, remercia le roi des Ronfles et se remit en route avec les quatre mulets qui lui restaient.
Il arriva alors dans le royaume des Fourmis, et se vit en un instant environné de fourmis grandes comme des chats, au point de ne pouvoir avancer.
Il se hâta de vider ses sacs de blé, pour ne pas être dévoré par elles, car elles aussi paraissaient affamées, et quand elles eurent mangé le blé, ce qui fut bientôt fait, avec les quatre mulets qui le portaient, la reine des Fourmis s’avança vers lui et lui parla de la sorte :
— Nous te devons la vie, car nous allions toutes mourir de faim, tant est grande la famine qui règne chez nous. Mais, je te revaudrai ce service. Prends ce petit sifflet d’ivoire, et, quand tu auras besoin de moi et des miens, souffle dedans, et nous arriverons aussitôt, en quelque lieu que tu sois.
Efflam prit le sifflet, remercia la reine des Fourmis et se remit en route, seul à présent, puisque ses douze mulets avaient été dévorés par les lions, les ogres et les fourmis.
Il arriva, peu après, devant le Palais-Enchanté.
C’était un palais magnifique au delà de tout ce qu’on peut dire.
Il frappa à la porte. On lui ouvrit et il dit au portier :
— Je voudrais parler à votre maîtresse.
Le portier le conduisit devant une jeune fille d’une grande beauté.
Il en fut tellement ébloui, qu’il resta la bouche ouverte à la regarder, sans rien dire.
Enfin, quand il put parler, il lui fit connaître le sujet de sa visite.
— Je vous suivrai, répondit la princesse, mais, seulement quand vous aurez accompli
quelques travaux par lesquels je veux vous éprouver. Ainsi, il vous faudra d’abord passer une nuit avec mon lion, dans sa cage, avec une tourte de pain pour lui donner à
manger.
— J’essaierai, princesse, répondit Efflam, fort peu rassuré, mais n’en faisant rien
paraître.
La nuit venue, on lui donna une tourte de pain et on l’enferma dans la cage du lion.
— Donne-moi de ton pain, lui dit le lion.
Et avec son couteau il coupa un morceau de la tourte et le jeta au lion, qui l’avala d’une bouchée et dit :
— Donne-moi encore de ton pain.
Efflam lui jeta un second morceau, puis, un troisième, un quatrième, jusqu’à ce qu’il ne lui en restât plus.
— A présent, il va me dévorer, pour sûr, pensait-il.
Mais, il se souvint en ce moment que le roi des Lions lui avait promis de venir à son secours, et lui avait donné une trompette pour l’appeler.
Il se hâta de souffler dans sa trompette et le roi des Lions accourut aussitôt, comme un ouragan, et mit en pièces le lion de la princesse.
Le lendemain matin, Efflam sortit sain et sauf de la cage et se présenta devant la princesse, étonnée de le voir encore en vie, et lui dit :
— J’ai passé la nuit avec votre lion, dans sa cage, et me voici
Viendrez-vous à présent avec moi, princesse ?
— Oui, répondit-elle, quand vous aurez passé une autre nuit avec mon second Ronfle, dans son antre.
A DEMAIN POUR LA FIN