La princesse du Palais enchanté (suite 2)
— Eh bien ! mon garçon, qu’as-tu vu là-dedans ? lui démarra le roi, aussitôt après sa sortie du
puits.
— C’est si beau, voyez-vous, sire, si beau, que je ne pourrais jamais vous en donner une idée, par des paroles ; il faut y aller
voir vous-même.
Le roi
goûta peu le conseil et fit la moue ; le faux filleul parut moins satisfait encore.
Quelques
jours après, en se promenant dans le jardin, le roi s’arrêta à contempler le soleil, qui se couchait, et dit :
— Je voudrais bien savoir pourquoi le Soleil se montre à nous sous trois couleurs différentes, chaque jour : rose, le matin,
blanc, à midi, et rouge, le soir ?
Et le faux filleul s’empressa de lui répondre :
— Envoyez le jeune jardinier vers le Soleil, parrain, pour le lui demander.
— Tu as raison, mon filleul, je vais l’envoyer, pour voir.
Et le
vieux roi fit venir Efflam et lui dit :
— Il te faut, mon garçon, aller trouver le Soleil, chez lui, dans son palais, pour lui demander pourquoi il se montre à nous
sous trois couleurs différentes, chaque jour, et tu me rapporteras sa réponse.
— Et comment voulez-vous, sire ?…
— Il faut que tu y ailles, et tout de suite, interrompit le roi, ou il n’y a que la mort pour
toi.
Le soir, après le coucher du Soleil, Efflam se rendit secrètement au puits du jardin, se pencha dessus, souffla dans son sifflet d’argent et le vieillard à barbe blanche monta aussitôt jusqu’à lui et lui demanda :
— Qu’y a-t-il pour votre service, mon enfant ?
— Le roi m’a ordonné, sous peine de la mort, répondit Efflam, d’aller trouver le Soleil, dans son palais, et de lui demander
pourquoi il se montre à nous, chaque jour, sous trois couleurs différentes.
— Eh bien ! mon enfant, dites au roi de vous donner, pour faire ce voyage, d’abord un carrosse attelé de trois beaux chevaux,
puis, de l’or et de l’argent à discrétion. Vous vous mettrez alors en route, en vous dirigeant toujours vers le Levant, et ne craignez rien et ayez confiance en moi, et vous sortirez encore à
votre honneur de cette épreuve.
Le
vieillard redescendit au fond de son puits, et Efflam alla trouver le roi, qui lui donna un beau carrosse, de beaux chevaux, de l’or et de l’argent à discrétion, et il partit alors pour se rendre
au palais du Soleil.
Il
allait, il allait, se dirigeant toujours vers le Levant, tant et si bien qu’il arriva à une plaine immense, où il aperçut quelqu’un qui courait, courait en poussant des cris
épouvantables.
— Où vas-tu, mon garçon ? lui demanda le coureur.
— Je vais trouver le Soleil, dans son palais, pour lui demander pourquoi il est rose, le matin, blanc, à midi, et rouge, le
soir.
— Eh bien ! demande-lui aussi pourquoi il me retient ici, depuis deux cents ans, à courir dans cette plaine immense, sans
m’accorder un moment de repos.
— Je le lui demanderai, répondit Efflam.
— Prends bien garde de ne pas le faire, ou je ne te laisserai pas passer
— Je le ferai, assurément.
— Passe, alors.
Et le
coureur continua sa course et Efflam passa.
Plus
loin, aux deux côtés d’un chemin étroit et profond, par où il lui fallait passer, il vit deux vieux chênes qui se choquaient si rudement et se battaient avec tant de fureur, qu’il en jaillissait
à tout moment des éclats.
Comment
passer par là, sans être broyé entre les deux arbres ?
— Où vas-tu, mon garçon ? lui demandèrent les arbres.
Efflam
fut bien étonné d’entendre des arbres lui parler, comme des hommes.
— Comment ! dans ce pays-ci, les arbres parlent donc ? leur dit-il.
— Oui, mais, dis-nous vite où tu vas.
— Je vais trouver le Soleil, en son palais, pour lui demander pourquoi il est rose, le matin, blanc, à midi, et rouge, le
soir.
— Eh bien ! demande-lui aussi pourquoi il nous retient ici, depuis trois cents ans, à nous battre de la sorte, sans un moment de
repos ?
— Je le lui demanderai volontiers.
— Alors, nous ne te ferons pas de mal et tu peux passer.
Et Efflam
passa sans mal, et les deux arbres se remirent à se battre, de plus belle.
Un peu
plus loin, il se trouva au bord d’un bras de mer, et il aperçut là un homme tout nu qui se jetait dans l’eau, du haut d’un rocher, puis, il en sortait pour s’y jeter de nouveau, et cela sans
discontinuer.
— Où vas-tu ainsi, mon garçon ? demanda cet homme à Efflam, dès qu’il le vit.
— Je vais trouver le Soleil, dans son palais, pour lui demander pourquoi il est rose, le matin, blanc, à midi, et rouge, le
soir.
— Eh bien ! demande-lui aussi pourquoi il me retient ici, depuis cinq cents ans, à faire le métier que tu as vu, et je te ferai
passer l’eau.
— Je le lui demanderai volontiers.
— Monte sur mon dos, alors, et je vais te faire passer l’eau.
Et Efflam
monta sur son dos et fut déposé, sain et sauf, sur le rivage opposé.
Il
continua sa route et arriva bientôt devant le palais du Soleil.
C’était
le soir, de sorte qu’il n’en fut pas aveuglé, mais ébloui seulement.
Il entra dans la cuisine du château, dont il trouva la porte ouverte, et vit une vieille femme, aux dents longues comme le bras, qui préparait de la bouillie d’avoine, dans un énorme bassin. C’était la mère du Soleil.
— Bonjour, grand’mère, lui dit-il.
La
vieille tourna la tête et resta tout ébahie, à la vue du jeune homme.
— N’est-ce pas ici que demeure le Soleil ? lui demanda Efflam.
— Si vraiment, répondit-elle.
— Je voudrais bien lui parler, si c’est possible, grand’mère.
— Qu’as-tu donc à lui dire ?
A DEMAIN POUR LA SUITE