L'Homme aux deux chiens (suite 4)
Le lendemain, il passa la journée à se promener dans le château et dans les jardins, et, le soir venu, après qu’il eut bien soupé, la même main le conduisit à la même chambre.
Il se coucha, mais ne dormit pas, comme la veille.
A minuit, les trois diables arrivèrent encore, et se mirent à jouer aux cartes.
— « Je sens encore l’odeur de chrétien ici ! » dit le diable boiteux.
— « C’est depuis hier soir », répondirent les autres.
— « Non, non ! je vous dis qu’il doit y avoir encore un chrétien ici ! »
Et il alla droit au lit, et y retrouva Jean.
— « Comment, c’est encore le même ! celui que nous avons mangé hier soir ! Comment cela peut-il être ? »
Et ils se mirent à se le jeter de l’un à l’autre, comme une balle. Enfin, un d’eux le lança si violemment contre la muraille, qu’il y resta collé comme une pomme cuite !
Le chant d’un coq se fit entendre en ce moment, et ils s’en allèrent précipitamment.
Aussitôt la princesse entra encore dans la chambre, et cette fois elle était visible jusqu’à la ceinture. Elle se mit encore à frotter le corps de Jean avec son onguent, et l’eut bientôt rappelé à la vie.
— « Vous n’avez plus qu’une nuit à souffrir », lui dit-elle alors, « mais elle sera terrible. Ayez toujours bon courage, et tous vos maux et les nôtres aussi, seront bientôt terminés, et nous serons mariés l’un à l’autre, et ce château, avec tout ce qui s’y trouve, nous appartiendra. »
Puis elle disparut.
Le jour suivant se passa comme la veille, et, la nuit venue, Jean se rendit pour la troisième fois à la chambre d’épreuve.
Les trois diables vinrent comme les deux nuits précédentes, l’écartelèrent cette fois, le hachèrent menu comme chair à pâtée, puis le firent cuire et l’avalèrent jusqu’au dernier morceau, même les os.
Au chant du coq, ils partirent encore en disant :
— « Ce doit être fait de lui pour le coup, et quand il serait sorcier ! S’il revient encore, nous n’avons plus aucun pouvoir sur lui. Mais comment pourrait-il revenir ? »
Dès qu’ils furent partis, la princesse parut encore. Et cette fois, elle était complète, des pieds à la tête.
Elle se mit à chercher partout dans la chambre quelque morceau de Jean, si minime fût-il.
Elle finit par découvrir l’ongle de son petit orteil.
Et la voilà de le frotter avec son onguent ! Elle frotta tant et tant qu’elle le rappela à la vie, pour la troisième fois.
— « Victoire ! » cria-t -elle alors . Nous sommes sauvés ! Les diables n’ont plus aucun pouvoir sur nous, tout ce qui est ici vous appartient, Ô prince courageux, jusqu’à moi-même ! »
Et en même temps on vit surgir de tous les côtés une foule de personnages de toute condition, qui venaient remercier leur libérateur, puis, s’en allaient dans toutes les directions, pour retourner dans leur pays.
Quant à Jean et à la princesse, ils se marièrent et restèrent dans le château, qui leur appartenait à présent.
Mais puisque les voilà tranquilles et heureux, revenons à la reine, sœur de Jean, et voyons si elle aussi est heureuse.
A DEMAIN POUR LA SUITE