Baz’ a zo brema pell-amzer,
D’ar c’houlz m’ho defoa dennt ar ier.
Il y a de cela bien longtemps,
Quand les poules avaient des dents
Iouenn monta sur le dos de l’homme mort, qui se jeta avec lui à la mer, nagea comme un poisson et le conduisit, pour le
lever du soleil, à la porte du palais de son beau-père, puis il s’en alla, en disant :
— « Au revoir, dans un an et un jour ».
Quand le portier du palais ouvrit sa porte, le matin, il fut effrayé en voyant auprès un animal comme il n’en avait jamais vu, et il s’enfuit en courant et en criant au
secours.
Les valets accoururent à ses
cris.
Ils prirent Iouenn pour un sauvage, et, comme il ne paraissait pas méchant, ils s’approchèrent de lui et lui jetèrent des morceaux de pain, comme à un chien.
Il y avait trois ans qu’il n’avait mangé de pain, et il sautait dessus et les mangeait avec avidité.
Les servantes et les femmes de chambre du palais étaient aussi accourues pour voir l’homme sauvage.
La femme de chambre de la princesse était là aussi, et elle reconnut à son cou la chaîne d’or de sa maîtresse et courut lui dire :
— « Maîtresse, si vous saviez ?… »
— « Quoi donc ? » demanda la princesse.
— « Votre mari, Iouenn Kerménou… »
— « J’ai fait défense expresse, vous le savez, de prononcer ce nom devant moi, avant que je ne sois mariée. »
— « Mais, maîtresse… il est là, dans la cour du palais !… »
— « Cela n’est pas possible, ma fille, car voici déjà trois ans qu’il est mort, comme tout le monde le sait. »
— « Je vous assure, maîtresse, qu’il est là; je l’ai bien reconnu, à votre chaîne d’or, qu’il a encore au cou. »
A ces mots, la princesse se hâta de descendre dans la cour, et dès qu’elle aperçut le prétendu sauvage, bien qu’il ressemblât plus à un animal qu’à un homme, elle reconnut son mari, et lui sauta
au cou pour l’embrasser.
Puis, elle l’emmena avec elle dans sa chambre et lui donna des vêtements pour s’habiller.
Les valets et les servantes étaient tout étonnés de ce qu’ils voyaient, car nul autre que la femme de chambre de la princesse ne savait que c’était là son premier mari.
Ceci se passait le matin du jour où elle devait être remariée, au premier ministre de son père.
Dans ce temps-là, à ce qu’il paraît, la coutume existait, aux grandes noces, que le repas avait lieu avant d’aller à l’église. On avait invité beaucoup de monde, de tous les coins du royaume, et
aussi des royaumes voisins.
A DEMAIN POUR LA SUITE