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Récit des grèves (fin)

 

Récit des grèves (fin)


 

Fantômes bretons – 1879 Ernest de la Barre

 

La perte du Saint-Gildas m’avait réduite à la misère ; je n’avais et je n’ai pour vivre qu’un modique secours de la Caisse de la Marine.

 

Mizan, au contraire,

   

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acheta quelques terres autour de sa maison.

 

Il était relativement riche et l’on prétendait (dois-je le répéter ?) qu’il avait dû trouver un trésor..., dans la cabine du Saint-Gildas.

 

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Du vivant de ce misérable, je n’en sus, je n’en voulus jamais savoir davantage.

 

Il devenait sauvage, sombre, maladif.

 

Sa maison était fermée à tout le monde, fermée à moi-même.

 

On disait que, la nuit, des cris, des gémissements lugubres s’en échappaient bien souvent.

 

J’avais la mort dans l’âme en songeant à Julie, et je ne reprenais courage qu’aux caresses de ma petite fille, si délicate, si faible, que j’osais à peine la presser sur mon sein.

 

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Tout à coup j’appris que Mizan venait de mourir.

 

Sa mort, je l’avoue, ne me causa ni surprise, ni chagrin.

 

Je sentais d’instinct qu’il était l’auteur de ma ruine, et ce ne fut pas sans peine que je retournai à sa demeure, pour assister sa veuve infortunée.

 

Oh ! pourquoi Dieu me permit-il de franchir ce seuil de désolation !

 

J’aurais versé, toute ma vie, des larmes moins amères, et le souvenir des derniers moments de mon mari eût été moins déchirant pour mon cœur !


Je me rendis seule, un soir, à la maison de Julie. Dieu ! dans quel état je la retrouvai ! Elle était assise sur sa couche. La vieille femme, dont j’ai parlé, Catherine, filait dans un coin obscur.

 

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La malade, pâle et amaigrie, murmurait, joignait les mains, priait et gémissait tour à tour.

 

Elle ne me reconnut pas, sans doute, car, s’adressant à des ombres invisibles, et au milieu des discours les plus incohérents, elle disait :

 

"Claude, Claude, rends-lui son argent !"

 

Puis elle ajoutait en se débattant :

 

"A moi, Claude, sauve ton capitaine !

A moi, je vais périr !..."


La vieille femme vint auprès du lit pour arranger les couvertures et supplia Julie de garder le silence.

 

Elle est tout à fait folle à présent, je le crains, me dit Catherine; mais cela ne peut durer longtemps, dans l’état où elle se trouve.

 

Ces accès ont commencé presque subitement, la veille de la mort de son mari.

 

Il était au plus mal ; alors j’ai entendu l’homme appeler doucement, par son nom, la pauvre créature, qui grelottait auprès du foyer.

 

Cela m’a bien étonnée, car il ne pouvait guère la souffrir depuis son retour.

 

Elle a eu de la peine à se rendre auprès de lui, et Claude s’est mis à parler tout bas...

 

Tout d’un coup, Jésus ! Julie a poussé un grand cri et elle est tombée à la renverse. Je l’ai portée dans son lit, de l’autre côté ; et, depuis, elle divague à faire trembler.


Ah ! quelles angoisses je ressentais à de tels récits !

 

Les plaintes de Julie-Marie me navraient ; ses paroles étranges et revenant toujours à la même idée me faisaient frémir, tant je redoutais d’en saisir le sens mystérieux.


Une autre fois, comme sa gardienne venait de sortir, Julie, sans me reconnaître, s’écria en me voyant approcher :

 

Je sais tout ! Claude me l’a révélé avant de mourir. Je vais te le confier, Catherine; tu ne nous trahiras pas.

 

Et puis, je compte lui rendre son argent... Le Saint-Gildas, tu sais bien ? s’est perdu le jour du vendredi saint.

 

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Claude et Jean se sont jetés à la mer pour se sauver, mais le capitaine...


À ces mots, j’essayai d’interrompre cette confidence qui ne me promettait que d’affreuses révélations.

 

Ce fut en vain ; ma malheureuse amie me tenait le bras fortement serré et je ne pus ni m’éloigner, ni la réduire au silence.

 

Elle continua ainsi :

 

Le capitaine avait attaché autour de ses reins une ceinture pleine d’or et d’argent, dont le poids le fatiguait beaucoup. Alors, se sentant couler à fond, il dit à Claude : À moi ! je vais périr ; tiens, prends ma ceinture... sauve ton capitaine !...

 

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Oh ! Claude a été bien coupable !... Ensuite... Je ne me souviens plus... Je souffre encore davantage... Rends-lui son argent,

 

Catherine... Laisse-moi en repos.

 

Ainsi ont été dissipés les doutes que je conservais encore ; j’ai tout appris, du moins je l’espère, et Dieu veuille que Mizan, s’il était en état de sauver son patron, ne lui ait pas refusé son aide, au dernier moment !

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Oh ! non, non ! son crime est assez grand, sans y ajouter. Seigneur, faites-lui miséricorde !...


Un mois plus tard, à peine, la pauvre Julie est trépassée entre mes bras.

 

À son dernier soupir, on eût dit que sa piété lui rendait quelque raison, car elle répétait attentivement les prières du prêtre qui l’assistait ; pourtant, elle délirait de temps à autre et murmurait tout bas à mon oreille :

 

"Rends-lui son argent; Claude, rends-lui son argent !"


Notre argent, que m’importe ! Il est passé dans les mains de leurs héritiers.

 

Ah ! qu’ils le gardent, ce fatal argent, puisqu’il ne saurait me rendre mon mari !...


La veuve du capitaine a cessé de parler pour essuyer ses larmes.

 

Puis, voyant revenir l’innocente Janic, les mains pleines de coquillages,

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et presque joyeuse malgré son air de mélancolie, elle est allée au-devant de la petite fille et s’est éloignée rapidement du côté des ruines du vieux château.

 

chateau-suscinio-ancien


Coat-ar-Roch, le 8 août 1870.

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M
je viens prendre de tes nouvelles, j'espère que tout va bien....passe un doux mardi
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P
Alors, ce poignet ? Bon, faut revenir, maintenant ! Bises ma Zaza.
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S
TU ES OU MON AMIE ???????   A TRES VITE J'ESPERE   BIZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ
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G
?????????????
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G
bonjour ZAZA.. hé oui!! fin.. quelqu'un un jour m'a dit.. "tu sais l'ami tout à une fin".. je ne le croyais pas...mais maintenant je sais qu'il disait vrai... au revoir..amicalement
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