Dans la série des contes
de basse-Bretagne
LES CINQ FRÈRES
MÉTAMORPHOSÉS EN MOUTONS
ET LEUR SŒUR ! ...
Première partie
IL y avait une fois cinq frères et leur sœur, restés orphelins.
Ils étaient riches, du reste, et habitaient un vieux château, au milieu d’un bois.
La sœur, nommée Lévénès, qui était l’aînée des six enfants, prit la direction de la maison, quand le vieux seigneur mourut, et ses frères la consultaient et lui obéissaient en tout, comme à leur mère.
Ils allaient souvent chasser, dans un bois qui abondait en gibier de toute sorte.
Un jour, en poursuivant une biche, ils se trouvèrent près d’une hutte construite avec des branchages entremêlés de mottes de terre.
C’était la première fois qu’ils la voyaient.
Curieux de savoir qui pouvait habiter là-dedans, ils y entrèrent, sous prétexte de demander de l’eau, pour se désaltérer.
Ils ne virent qu’une vieille femme, aux allures de sorcière, et dont la langue faisait neuf fois le tour de son corps.
Effrayés à cet aspect, ils voulurent s’enfuir, quand la vieille leur dit :
— « Que désirez-vous, mes enfants ?... Avancez, et n’ayez pas peur, comme cela ; j’aime beaucoup les enfants, surtout quand ils sont gentils et sages, comme vous. »
— « Nous voudrions un peu d’eau, s’il vous plaît, grand’mère », répondit l’aîné, qui se nommait Goulven.
— « Certainement, mes enfants, je vais vous donner de l’eau toute fraîche et claire, que j’ai été puiser, ce matin, à ma fontaine. Mais, avancez donc, et ne craignez rien, mes pauvres chéris. »
Et la vieille leur donna de l’eau, dans une écuelle de bois.
Et, pendant qu’ils buvaient, elle les caressait, et prenait dans ses mains les boucles de leurs cheveux blonds et frisés, et, quand ils voulurent partir, elle leur dit :
— « A présent, mes enfants, il faudra aussi me payer le petit service que je vous ai rendu. »
— « Nous n’avons pas d’argent sur nous, grand’mère », répondirent les enfants, « mais, nous en demanderons à notre sœur, et vous l’apporterons demain. »
— « Oh ! Ce n’est pas de l’argent que je veux, mes amis ; mais, il faut qu’un de vous, l’aîné, par exemple, car les autres sont encore bien jeunes, me prenne pour femme. »
Et, s’adressant à Goulven :
— « Veux-tu, Goulven, me prendre pour femme ? »
Le pauvre garçon ne sut que répondre, d’abord, tant cette demande lui parut étrange.
— « Réponds donc, veux-tu que je sois ta petite femme ? » lui demanda encore l’horrible vieille, en l’embrassant.
— « Je ne sais pas... » dit Goulven, interdit... « Je demanderai à ma sœur... »
— « Eh bien ! Demain matin, j’irai moi-même au château, pour avoir la réponse. »
Fin de la première partie