Les Aventures de Monsieur Tam-Kik
D’après Ernest du Laurens de la Barre
Cinquième partie
Allons voir un peu, avant de finir, ce que devint notre Tam-Kik, avec sa mouche.
Lassé de vagabonder, le camarade demanda une place de valet dans une bonne ferme du voisinage.
Le fermier de Kerlostik, avant de le gager, regarda un peu de travers les pauvres jambes et le triste équipage du garçon. Mais celui-ci, piqué et enhardi par sa mouche, ayant dit qu’il ferait à lui seul plus d’ouvrage que trois fainéants de Bannalek, le maître consentit à le prendre à l’essai, avec trois écus par an, de la soupe de pain de seigle tous les jours, de la bouillie de mil et des crêpes une fois par semaine.
C’était une belle condition, assurément.
Aussi, Tam n’eut garde de refuser. Le voilà donc valet de charrue.
Le troisième jour, le maître ayant été à la foire la veille, par un temps brûlant, en avait rapporté sa bourse vide et un bon coup de soleil par-dessus le marché.
Tam-Kik proposa à la vieille moitié de ménage d’aller au champ tout seul avec les bœufs et la charrue. La vieille accepta, faute de mieux, espérant au surplus trouver tout de suite une bonne raison pour fourrer à la porte ce failli gras, qui mangeait autant que deux.
Mais sur le coup de midi, quand elle alla au champ porter au valet sa soupe de pain noir, dont elle avait eu soin, la digne créature, de ne remplir l’écuelle qu’à moitié, quand elle vit la grande pièce toute labourée, elle resta stupéfaite.
Tam-Kik avala sa soupe sans rien dire, et, avant le soir, il laboura un second champ, avec l’aide de sa mouche qui aiguillonnait les chevaux et leur donnait un cœur infatigable.
Dame, on ne trouvait plus à la ferme les jambes de Tam-Kik aussi maigres, et la ménagère permettait à l’aînée de la maison de lui porter son dîner au champ.
On le régalait joliment, allez, et la fille ne s’en revenait pas sans regarder par-dessus la haie. Finalement, ça continua si bien, si bien pour Tam-Kik, que la pen-hérez baissa les yeux devant lui, et le laissa prendre son petit doigt et attacher une épinglette à sa piécette en revenant du pardon.
LEUZE HIRSCHFELD Emmy - Couple breton
Voilà donc la fin de mon histoire.
On fit une belle noce, à laquelle je ne fus pas invité, parce que mon père n’était pas encore né. Tam-Kik devint Tam-Pinvidik (le riche).
Maharit sa femme fut la meilleure ménagère de la paroisse, ils eurent beaucoup de petits garçons et de petites filles, et puis en route, les amis !…
J’avais oublié de vous dire que l’avant-veille de ses noces, monsieur Tam-Kik, tout habillé de neuf, était parti pour Lothéa, afin de chercher le bonhomme Job, et le ramener à Kerlostik.
Mais voilà qu’en passant sur la lisière d’un petit bois, il vit un rassemblement de monde autour d’un homme étendu sur l’herbe; il s’approcha pour regarder et reconnut Jalm-Thurio que des voleurs avaient tué, pour voler son or apparemment.
Vous voyez qu’une bourse trop lourde nuit à celui qui la porte, vu qu’il ne peut se sauver aisément des larrons, surtout quand au poids de la bourse se joint le poids d’une mauvaise conscience. Voilà pour lui.
Tam-Kik s’éloigna bien vite en faisant le signe de la croix et continua son chemin.
Hélas ! A Lothéa, plus de bonhomme: parti pour le paradis
Le bon fils pleura tout le long du chemin en revenant, et je puis jurer qu’il n’entra dans aucun cabaret, ce qui n’est pourtant pas défendu, je pense, aux gens qui ont le gousset garni et qui savent boire sans se soûler.
A la fin des fins, je vous dirai que la mouche s’était envolée le jour des fiançailles. Que lui restait-il à faire ?
N’avait-elle pas achevé le bonheur de Tam, en lui procurant une belle condition, et une bonne femme, ce qui est diablement rare ... !!!
Voilà pour Tam-Kik.
Il y en a aussi qui disent que la mouche était un ange du paradis donné à Tam-Kik par le vieux mendiant, lequel était un grand Saint venu sur la terre pour éprouver ceux qu’il rencontrerait.
D’autres ajoutent même que tous les hommes de cœur ont une mouche pareille dans la poitrine.
Moi je vous laisse penser ce que vous voudrez, et je m’en vas.