Le lièvre de Coatnizen
Tous les châteaux en ruines ont leur lièvre enchanté
Rien que dans le pays de Lannion, il y a le lièvre du château de Tonquédec
celui du château de Coätfrec,
celui du château-manoir de Coatnizan,
et d'autres que j'oublie…
Ces lièvres sont les âmes d'anciens seigneurs qui font pénitence sous cette forme, parce qu'ils faisaient
trembler tout le monde de leur vivant, ils ont été condamnés à devenir les plus peureux des animaux après leur mort.
Ils ne sont délivrés que lorsqu'ils ont essuyés de la part des chasseurs, qui tirent sur eux sans savoir qui ils sont, autant de coups de fusils qu'ils en ont tirés ou fait tirer eux même sur les pauvres gens qui étaient autrefois sous leur dépendance.
Le plomb les traverse de part en part sans les tuer et sans qu'il se répande une goutte de sang. Mais ils souffrent autant, le même mal que s'ils mouraient à chaque fois.
C'est ainsi que Jérôme L'hostis, de Pluzunet, chassant un jour sur les terres de Coatnizan,
vit un lièvre de taille extraordinaire
se lever devant ses pas et chercher refuge dans le colombier.
- « Ma foi », se dit-il tout content, « c'est comme si je l'avais dans ma gibecière ».
Une chose pourtant l'étonna: son chien qui, comme lui, avait vu la bête, ne paraissait nullement désireux de partir à sa poursuite.
Il dut entrer seul dans le colombier ... Le lièvre était là, acculé ...!!!
Et Jérôme L'hostis d'épauler et de presser sur la gâchette. Poum !..
La fumée s'étant dissipée, il s'avança pour mettre la main sur le gibier, sans autre crainte que celle de l'avoir massacré pour l'avoir tiré de si près.
Mais sa stupéfaction fut grande de constater que l'animal était vivant et qu'il le regardait sans bouger, avec des yeux comme ceux d'un homme.
- « Maladroit que je suis ! » s'écria Jérôme Lhostis, persuadé qu'il avait visé à coté, lui qui passait, à juste titre, pour le plus habile tireur du pays.
Et il allait épauler une deuxième fois.
Mais le lièvre sortit du colombier et lui dit :
- « Tu as tort de te fâcher contre toi-même, car tu ne m'a pas manqué. »
Jérôme ressentit une telle épouvante que son fusil lui tomba des mains. L'animal
reprit d'un ton triste :
- « Tire cependant. Tu abrègeras d'autant plus mon purgatoire que j'ai encore sept cent vingt-sept coups de fusil à recevoir avant d'être délivré. »
Jérôme Lhostis ramassa, en effet, son fusil, mais ce fut, vous le concevez, pour détaler au plus vite.
Cette fois c'était le lièvre qui avait fait fuir le chasseur.