Kement-ma holl oa d’ann amer
Ma staote war ho c’hlud ar ier.
Tout ceci se passait du temps
Où, sur leur perchoir,
pissaient les poules.
Vieux breton - Paul DELORMOZ
Lorsque mourut Lõn Ann Torfado, ainsi appelé parce que sa vie durant il n'avait fait que
mettre en pratique les préceptes d'Ollier Hamon le mauvais clerc, sa femme convia en vain le voisinage à venir faire près de son cadavre la veillée mortuaire.
- « Je ne tiens cependant pas », se dit-elle, « à veiller seule ce mécréant. J'aurais trop
peur que, mort, il ne me jouât quelque farce plus vilaine encore que toutes celles qu'il m'a jouées de son vivant. »
Ceci se passait un samedi soir.
Quoique l'heure fût quelque peu avancée, la femme de Lõn Ann Torfado se rendit au
bourg.
Elle pensait :
- « Je trouverai bien à l'auberge trois ou quatre mauvais sujets, de l'espèce de Lõn, qui
ne demanderont pas mieux de l' assister dans sa nuit dernière. Il suffira que je leur promette, pour les allécher, cidre et vin ardent à discrétion.
Ce qu'elle prévoyait arriva.
Dans l'auberge actuellement tenue par les Lageat, et qui est à l'entrée du bourg, une
troupe de buveurs menait grand tapage, en jouant aux cartes.
Place Saint François Qimper - Christian LE GALL
La femme de Lõn franchit le seuil et dit :
- « Y a-t-il parmi les chrétiens qui sont ici quatre hommes charitables capables de me
rendre un service ? »
- « Oui », répondit un des buveurs, « pourvu qu'il ne s'agisse pas d'aller coucher avec
vous, car vous avez passé l'âge. »
- « Il s'agit de veiller mon mari qui vient d'expirer. Je promets cidre et vin-ardent à
discrétion. »
- « Aussi bien, garçons », fit, en s'adressant à ses camarades, l'homme qui avait déjà
parlé, « l'aubergiste nous a menacés de nous jeter dehors, au coup de neuf heures. Suivons cette femme. Nous continuerons notre partie chez elle et la boisson ne nous coûtera rien.
»
- « Allons », s'écrièrent les autres.
La femme de Lõn retourna au logis, escortée de quatre gaillards à demi soûls et qui, tout
le long du chemin, braillèrent à tue-tête.
Chaumière bretonne - Thérese BALLESTER
- « Nous voici arrivés », dit-elle en poussant la porte. « Je vous prierai d'être un
peu moins bruyants, par respect pour le mort. »
Il était là, le mort, allongé sur la table de la cuisine.
On avait jeté sur lui la nappe au pain, le seul linge à peu près convenable qu' il y eu
dans la maison.
Le visage toutefois était découvert.
- « Hé ! » Mais, s'écria un des veilleurs improvisés, « C’est Lõn Ann Torfado !
»
- « Oui », répondit la veuve. « Il a trépassé dans l'après-midi.
»
Elle alla à une armoire, en tira bolées et bouteilles, disposa le tout sur le bank-tosel
et dit aux hommes :
- « Vous boirez à votre soif. Moi, je vais me coucher. »
- « Oui, oui, vous pouvez laisser Lõn à notre garde. Nous l'empêcherons bien de
s'échapper. »
La femme partie, les hommes s'installèrent à une petite table placée près du mort, sur
laquelle brûlait une chandelle et où un rameau de buis trempait dans une assiette d'eau bénite.
A demain pour la fin