Baz’ a zo brema pell-amzer,
D’ar c’houlz m’ho defoa dennt ar ier
Il y a de cela bien longtemps
Quand les poules avaient des dents
Elle continua, malgré tout, sa poursuite. Elle entra dans un grand bois.
Peu après, en suivant un sentier, sous les arbres, elle vit deux énormes lions, assis sur leur derrière, un de chaque coté du sentier.
Elle en fut tout effrayée,
— « Hélas ! » se disait-elle, « je perdrai la vie, ici, car je serai sûrement dévorée par
cs deux lions ! Mais, n’importe! A la garde de Dieu ! »
Et elle poursuivit sa route.
Quand elle arriva près des lions, elle fut bien étonnée de les voir se coucher à ses pieds et lui lécher les mains. Si bien qu’elle se mit à les caresser, en leur passant la main sur la tête et sur le dos. Puis, elle continua sa route.
Plus loin, elle vit un lièvre assis sur son derrière, sur le bord du sentier, et quand elle passa auprès
de lui, le lièvre lui dit :
— « Montez sur mon dos, et je vous conduirai hors du bois. »
Elle s’assit sur le dos du lièvre, et, en peu de temps, il l’eut mise hors du bois.
—« Maintenant », lui dit le lièvre, « avant de partir, vous êtes près du château où se
trouve celui que vous cherchez. »
— « Merci, bonne bête du bon Dieu », lui dit la jeune femme.
En effet, elle se trouva bientôt dans une grande avenue de vieux chênes, et non loin de là, elle vit des
lavandières lavant du linge sur un étang.
Elle s’approcha d’elles et entendit une d’elles qui disait :
— « Ah, ça ! voici une chemise qui doit être ensorcelée ! Depuis deux ans j’essaie, à chaque
buée, d’enlever trois taches de sang qui sont dessus, et, j’ai beau faire, je n’en puis venir à bout ! »
La voyageuse, entendant ces paroles, s’approcha de la lavandière qui parlait ainsi, et lui dit
:
— « Confiez-moi un instant cette chemise, je vous prie ; je pense que je réussirai à enlever les
trois taches de sang. »
On lui donna la chemise, elle cracha sur les trois taches de sang, la trempa dans l’eau, frotta un peu
et aussitôt les trois taches disparurent.
— « Mille mercis », lui dit la lavandière. Notre maître est sur le point de se marier, et il
sera heureux de voir les trois taches de sang parties, car c’est sa plus belle chemise. »
— « Je voudrais bien trouver de l’occupation dans la maison de votre
maître. »
— « La gardeuse de moutons est partie, ces jours derniers, et elle n’est pas encore remplacée.
Venez avec moi et je vous recommanderai. »
Elle fut reçue comme gardeuse de moutons.
Tous les jours, elle conduisait son troupeau dans un grand bois, qui entourait le château, et souvent elle voyait son mari qui venait s’y promener avec la jeune princesse qui devait être sa femme.
Son cœur battait plus fort, quand elle le voyait ; mais, elle n’osait pas parler.
Elle avait toujours ses trois boules d’or, et souvent, pour se désennuyer, elle s’amusait à jouer aux
boules.
Un jour, la jeune princesse remarqua ses boules d’or, et elle dit à sa suivante :
— « Voyez ! voyez ! les belles boules d’or qu’a cette fille ! Allez lui demander de m’en vendre
une. »
La suivante alla trouver la bergère et lui dit :
— « Les belles boules d’or que vous avez là, bergère ! Voudriez-vous en vendre une à la princesse,
ma maîtresse ? »
— « Je ne vendrai pas mes boules ; je n’ai pas d’autre passe-temps, dans ma
solitude. »
— « Bah ! vous êtes déraisonnable. Voyez comme vos habits sont en mauvais état. Vendez une de vos
boules à ma maîtresse et elle vous paiera bien, et vous pourrez vous habiller proprement. »
— « Je ne demande ni or ni argent. »
— « Que désirez-vous donne ? »
— « Dormir une nuit avec votre maître ! »
— « Comment ! mauvaise fille, osez-vous bien parler ainsi ? »
— « Je ne céderai une de mes boules d’or pour rien autre chose au monde. »
La suivante retourna auprès de sa maîtresse.
— « Eh bien ! qu’a répondu la bergère ? »
— « Ce qu’elle a répondu? Je n’ose pas vous le dire. »
—« Dites-moi, vite. »
—« Elle a dit, la mauvaise fille, qu’elle ne céderait une de ses boules que pour dormir une nuit
avec votre mari. »
— « Voyez donc ! Mais, n’importe, il faut que j’aie une de ses boules, coûte que coûte. Je mettrai
un narcotique dans le vin de mon mari, pendant le souper, et il ne saura rien. Allez lui dire que j’accepte la condition, et apportez-moi une boule d’or. »
En se levant de table, le soir, le seigneur fut pris d’un besoin si impérieux de dormir, qu’il lui
fallut aller se mettre au lit aussitôt.
Peu après, on introduisit la bergère dans sa chambre.
Mais, elle avait beau l’appeler des noms les plus tendres, l’embrasser, le secouer fortement, rien ne pouvait le réveiller.
A DEMAIN POUR LA FIN