Il lui dit comment son père l’avait chassé de sa maison, parce qu’il avait
employé tout l’argent qu’il avait eu de sa cargaison à racheter un homme mort qui avait été jeté en pâture aux chiens et à lui faire rendre les derniers devoirs, à délivrer une belle princesse
d’un serpent auquel on la conduisait, laquelle princesse il avait épousée et lui avait donné un fils.
Un frère de sa mère lui avait confié un navire pour aller commercer dans les pays lointains, du côté du Levant, et il avait mis sur l’avant de ce navire le buste de sa femme, le sien .propre et
celui de leur enfant, sculptés en bois et fort ressemblants.
Le roi prétendait reconnaître, dans le buste de sa femme, celui de sa fille, qu’il croyait avoir péri, victime du serpent, et, comme il ne la retrouva pas sur le navire, puisqu’il est vrai
qu’elle n’y était pas, étant restée à la maison avec son enfant, il l’avait fait jeter en prison, et son navire avait été pillé par le peuple, puis incendié.
— « Ainsi donc, » répondit le geôlier, « vous avez sauvé du serpent la fille du roi, et elle est, à présent, votre femme? »
— « Je l’ai achetée du capitaine d’un navire qui la conduisait à un serpent, dans une île, et, selon ce qu’elle dit, elle serait fille d’un roi, mais je ne sais de quel roi. »
Le geôlier courut faire part au roi de ce qu’il venait d’entendre.
Le roi donna l’ordre d’amener, sur-le-champ, le prisonnier en sa présence, et, quand il eut entendu son histoire, il s’écria :
— « C’est sûrement ma fille ! Où est-elle ? »
— « Elle est restée à la maison, dans mon pays, avec son enfant, » répondit Iouenn.
—« Il faut me l’aller chercher, vite, pour que je la voie encore, avant de mourir ! »
Et l’on donna un nouveau navire à Iouenn, pour aller chercher la princesse et la ramener à son père.

Les deux premiers ministres du roi reçurent aussi l’ordre de l’accompagner, dans la crainte qu’il ne revînt pas.
Ils arrivèrent sans encombre dans le pays de Iouenn, et s’en retournèrent aussitôt, ramenant la princesse et son enfant.
Un des deux ministres du roi aimait la princesse, depuis longtemps, et, pendant la traversée, il recherchait sa société et voyait son mari d’un mauvais œil. Si bien que la princesse craignit
qu’il ne méditât quelque trahison contre Iouenn, et pria celui-ci de rester avec elle, dans sa chambre, et d’aller moins souvent sur le pont du navire.
Mais Iouenn aimait à être sur le pont et même à aider lui-même les matelots, dans leurs manœuvres, et sa femme ne pouvait le retenir auprès d’elle.


Voyant cela, elle lui mit sa chaîne d’or au cou.
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