Le pouvoir religieux
Le Minihy formait alors une unité administrative et religieuse. A côté de l’Évêque qui exerçait la juridiction spirituelle, il y eut pendant longtemps, le seigneur du pays, le Comte du Léon qui en avait la juridiction temporelle.
Ce Comte du Léon avait un droit féodal assez singulier, celui de motte. Ses vassaux, appelés serfs de motte, ne pouvaient quitter la terre du seigneur ; s’ils le faisaient celui-ci ou ses officiers pouvaient les saisir, leur mettre la corde au cou, les ramener à leur motte ou leur infliger une peine corporelle ou pécuniaire.
Mais au 12 éme Siècle, le Comte de Léon avait du à la suite de ses folles dépenses céder ses magnifiques domaines au Duc de Bretagne ; son titre passa aux évêques qui, à partir de cette époque, reçurent le titre d’ " Évêque - Comte ".
Le Minihy devint donc une sorte de principauté ecclésiastique gouvernée par son évêque. Cette organisation devait durer jusqu’à la révolution. A Saint-Pol, se trouvait l’église paroissiale : la cathédrale, et à Roscoff et Santec il n’y avait qu’une église tréviale ( La trêve en Bretagne est une subdivision ecclésiastique du lieu ).
Cathedrale
de
Roscoff à la fin du Moyen Age, était un trou de flibustiers, un vrai nid à corsaires, et ses maisons de granit à lucarnes saillantes et à cave sur rue ont abrité bien souvent des marchandises de contrebande.
Ville de Roscoff
Cave roscovite
Au 13 siècle, elle était le centre de la vie de toute la contrée. La fête annuelle de Saint-Pol Aurélien était le rendez-vous de tout le clergé et de toute la noblesse.
Au début de la Renaissance, elle devint la capitale intellectuelle du Léon, un centre de corporations florissantes, une pépinière d’artistes, de maître des œuvres. Elle rayonna dans la province et attirait " clercs et escholiers ".
Tandis que Santec allait demeurer un " plou " (poul - trou) sans grande importance ( 90 feux vers 1774 ).
Eglise de Santec
Roscoff ne cessait de prospérer. Si bien que le groupement roscovite au cours de plusieurs siècles de luttes intestines essaya de se détacher de Saint-Pol. Ces deux villes, en effet, tendaient de plus en plus à avoir des intérêts opposés.
Tandis que Saint-Pol après le déclin de son port, Pempoul, se tournait plutôt vers la culture, Roscoff se lançait vers le commerce. L’une devenait de plus en plus terrienne ; l’autre de plus en plus maritime.
L’éclatement du Minihy en trois communes distinctes
Aussi lorsque l’Assemblée Nationale par le Décret du 14 décembre 1789 décréta que toute ville, bourg, paroisse avait le droit d’avoir une municipalité, Roscoff qui avait fait déjà plusieurs tentatives infructueuses ( notamment en 1785 ) pour secouer le joug de Saint-Pol profita de ce décret pour conquérir son autonomie..
Au lieu d’attendre le 8 février date des élections à Saint-Pol, les électeurs de Roscoff déclarèrent, le 31 janvier se constituer en municipalité et ils élirent Maire et Conseillers.
Ce fût un grand émoi à Saint-Pol qui protesta énergiquement ne voulant pas voir se créer si près d’elle une communauté jeune et ambitieuse qui porterait ombrage à son prestige ancestral. Par égoïsme, Saint-Pol voulait être seule à dominer le Minihy.
Roscoff chercha un appuis en haut lieu et le 8 février 1789 écrivait au Président le l'Assemblée Nationale pour montrer l(importance du port et de la ville de Roscoff et la mauvaise administration de Saint Pol qui avait la charge des droits fiscaux et d'octrois ruineux.
Rapidement l’Assemblée Nationale donna une réponse favorable à Roscoff.
En vertu du Décret du 14 décembre 1789,
Roscoff qui est dit-on, une ville de 1.500 habitants a le droit de former une municipalité particulière. Saint-Pol n’insista pas plus longtemps sur sa prétention.
Roscoff devenait donc une ville administrée par une municipalité et pourvue d’un budget. Son territoire à l’Ouest englobait une partie de Santec et s’étendait au Sud à mi-route de Saint-Pol. De même que Roscoff avait mené une lutte acharnée pour se détacher de Saint-Pol, de même Santec essaya de se séparer de Roscoff.
Sous la révolution, les habitants de Santec s’appuyant sur le Décret du 14 décembre 1789 se réunissaient eux aussi, en assemblée pour former une municipalité.
Comme pour Roscoff, Saint-Pol s’opposa vigoureusement, mais en vain. Cette première commune de Santec devait être très éphémère et une partie de son territoire fût attribuée à Roscoff, l’autre à Saint-Pol.
Mais Santecois et Roscovites avaient des intérêts trop distincts pour former une communauté unie.
Le 31 mai 1835, les habitants de Santec redemandèrent l’érection de leur section en commune. Ils prétextaient l’éloignement du Chef-lieu, les pertes de temps que cela entraînait, les difficultés des communications, les préjudices portés à leurs intérêts par les deux communes qui se partageaient leur territoire.
Saint-Pol fût favorable, mais Roscoff préféra maintenir l’union qui était avantageuse pour elle. En effet comme vous le verrez plus loin, la question primordiale dans cette région est celle du goémon qui à cette époque servait d’engrais et de combustible. Or, Santec avait un grand développement de côtes et le goémon y était abondant… Le 14 mai 1910, Santec demandait à nouveau son indépendance. Après bien des pourparlers sur le principe de la séparation puis sur la fixation des limites, Roscoff se résigna à accepter
Il est intéressant d’étudier les limites de Roscoff et Santec. A cause de la question du goémon, il a fallu partager équitablement la côte.
C’est pourquoi, la presqu’île de Perarhidy qui ne présente du point de vue économique aucun intérêt ( elle ne possède que l’hôpital - sanatorium ) fût coupée en deux ; la partie Est fût conservée par Roscoff, l’Ouest fût donnée à Santec. Le sanatorium se trouve même à cheval sur la frontière. Cette limite, en certains points longe la côte Ouest et n’accorde à la nouvelle commune qu’une mince bande de terrain. L’unité administrative du Minihy était détruite.
Il comprend désormais trois communes distinctes.
La communauté des intérêts allait créer entre elles un lien plus fort, parce que plus naturel, plus logique. Sous l’influence de Roscoff, la région s’est spécialisée dans la culture des primeurs. Les deux villes du Minihy ont pourtant gardé leur cachet spécial.
Roscoff, depuis son affranchissement, est devenue la capitale maritime de la région, le port exportateur de l’arrière pays producteur de légumes.
Saint-Pol, au contraire est resté la métropole religieuse, la ville sainte, « Kastel Santel ».
Le Kreisker à Saint-Pol, le plus haut clocher de Bretagne
La perle du Léon que Vauban venant en Bretagne en 1671, déclarait être « l’ouvrage le plus hardi qu’il eût jamais vu », l’ont fait appeler la ville des clochers.
Tandis que l’une représente l’ancienne cité épiscopale qui vivrait facilement sur ses souvenirs, l’autre représente un groupe de commerçant et entreprenant.
Sur ses armes Roscoff n’a-t-elle pas en effet un vaisseau ? Et n’a-t-elle pris comme devise
« Ha rei, ha skei atao »? « Cogne dur, cogne fort, cogne toujours ».
Si l’unité administrative a fait quelques fois de ces villes deux rivales, l’unité économique en fait deux associées. Roscoff se spécialisant dans les exportations de légumes, et Saint-Pol dans les expéditions.
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