Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Dans la série des contes

de basse-Bretagne

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

    Yann ha Yannig

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

   Deuxième partie  

Yann Kerbrinic et Yannig Kerboule’ch, mari et femme, faisaient le plus beau couple du monde, selon un vieux dicton (Jann ha Jannet, braoa daou den a vale).

****

A midi, la veuve arriva de la messe, accompagnée de Yann Kerboule’h.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

— « Le diner est-il prêt ? » demanda-t-elle aussitôt.

— « Oui, tout est prêt », répondit Yannig.

— « Vous avez mis tout ce qu’il fallait (Péadra) dans la marmite. »

— « J’ai mis Péadra dans la marmite. »

— « Voyons si votre soupe est bonne. »

Et chacun des trois prit son écuelle et la vida lestement : la soupe fut trouvée excellente.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

La vieille s’occupa alors de retirer elle-même la viande de la marmite.

— « Jésus ! » s’écria-t-elle, en trouvant le chien dans la marmite, « qu’est-ce que cela ? »

— « Eh bien ! Ma mère, c’est Péadra, que vous m’aviez bien recommandé de mettre dans la marmite. »

— « Péadra ? Mon pauvre petit chien ? »

— « Certainement; ne me l’aviez-vous pas dit ?... »

— « Comment, malheureuse, sotte, imbécile, tête éventée !... Je t’ai dit de mettre dans la marmite tout ce qui était nécessaire pour faire de bon bouillon, c’est-à-dire du sel, du poivre, des choux, des carottes, des navets et du lard, et tu y mets le chien !... »

— « Dam ! Ma mère, est-ce que je savais cela, moi ?... »

— « Allons ! Allons !... Tu ne seras jamais bonne à rien, vois-tu ! »

Yann regardait les deux femmes, et ne disait rien.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Un autre que lui eût été suffisamment édifié sur l’intelligence de la fille, par ce qui venait de se passer ; mais, il était amoureux de Yannig, et l’amour est aveugle, dit-on.

Le repas terminé, ce qui ne fut pas bien long, la vieille envoya sa fille puiser de l’eau fraîche, à la fontaine.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Yannig partit avec la cruche. Elle l’avait remplie d’eau fraîche et claire et s’apprêtait à la poser sur sa tête, pour s’en retourner à la maison, lorsqu’elle fut tout à coup arrêtée par cette pensée :

— « Si je me marie, et je me marierai, et que j’aie des enfants, et j’en aurai, comment ferai-je pour leur trouver des noms, car je vois que tous les noms sont déjà pris par les autres ? »

Et elle passa en revue les noms de baptême, et n’en trouva aucun qui ne fût porté par quelqu’un de la paroisse : Yvon, Jean, François, Pierre, Marc, Jacques, Stéphan, Arthur, Alain, Goulven, Glaoud, Kaourentin, Guillaume, Hervé, Tudual, Grallon, Marie, Anne, Yvonne, Soïzic, Monic, Marc'harit, Marianna, Yannig, Berc’hed, Katel, Glaouda, Tina, Izabel, Hénora, Franccza, Genoefa, etc., tous étaient pris. Et la voilà bien peinée.

— « Jésus, mon Dieu ! S’écria-t-elle, mes enfants resteront donc sans noms, et, par conséquent, ne seront pas baptisés !... »

Et elle se mit à pleurer dru, et s’oublia près de la fontaine, assise sur une pierre et la tête sur ses genoux.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Cependant, la mère, inquiète de voir que sa fille ne revenait pas, se mit à sa recherche :

— « Yannig ! Yannig ! Que fais-tu donc là si longtemps, Reviens, vite ? Voilà plus d’une heure que tu es là. »

— « Ah ! Vous ne savez pas, mère », s’écria Yannig.

— « Quoi donc, ma fille ? »

— « Quel malheur, mon Dieu ! »

— « Quoi donc ? Que t’est-il arrivé ? »

— « Vous n’avez pas songé à une chose, mère ? »

— « Qu’est-ce que c’est donc ? Dis vite. »

— « C’est que si je me marie, et je le ferai, et que j’aie des enfants, et j’en aurai, il ne restera plus de noms à leur donner, puisque tous sont déjà pris par les autres. »

La bonne femme, qui n’était guère plus fine que sa fille, resta d’abord immobile, bouche béante, et ne trouva rien à répondre. Puis elles passèrent en revue tous les noms de baptême et constatèrent avec douleur qu’en effet tous étaient pris :

— « Comment faire, mon Dieu ! Et que c’est malheureux !... »

Et les voilà de pleurer toutes les deux, et de se désoler sur ce malheur irréparable.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Cependant, Yann, resté seul à la maison, et impatientant de voir que la mère ne revenait pas plus que la fille, se mit aussi à leur recherche, et, ayant appris le sujet de leurs larmes et de leur désolation, il se dit en lui-même, en haussant les épaules :

— « Décidément, la mère et la fille se valent ; elles sont bêtes comme deux sabots, et ce que j'ai de mieux à faire, c’est de les planter là, et de chercher fortune ailleurs ; car, certainement, je n’aurai pas de peine à trouver mieux. »

Et il partit, sans autre forme de compliments.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

 A quelque distance de là, comme il passait devant une ferme, il aperçut, sur une aire à battre, une jeune fille armée d’une fourche de fer à dents très espacées.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

 — « Voici », pensa-t-il, « une jolie fille qui ferait bien mon affaire; si je pouvais tenir ce gentil oiseau dans ma cage !... »

Et il entra dans l’aire.

— « Que faites-vous donc là de la sorte, la jolie fille aux cheveux blonds, avec votre fourche de fer ? »

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

— « Ma mère », répondit-elle, « m’a recommanda de monter sur le grenier ces pois qu’elle a exposés au soleil pour sécher. Depuis midi, je suis là avec ma fourche à essayer de les monter sur le grenier, comme j’ai vu faire pour le foin, et je n’ai pu encore en monter un seul, et pourtant le soleil est sur le point de se coucher. »

— « Ce n’est pas comme cela qu’il faut s’y prendre, mon petit cœur. Approchez ici votre panier, nous allons y mettre les pois avec nos mains, et ainsi nous aurons bien vite fait de le monter au grenier. »

— « Non, non », répondit la jeune fille, « ma mère m’a dit de les monter au grenier avec une fourche de fer, et ma mère n’est pas une sotte, savez-vous ? »

— « Eh bien ! Mon enfant, travaillez bien, alors avec votre fourche, car je crains bien que le soleil ne se couche avant que vos pois soient sur le grenier ; en attendant, mes compliments à votre mère et adieu. »

Et Yann s’en alla en se disant :

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

 — « Ce ne sera pas celle-ci qui me fera regretter Yannig : elle est bien gentille, pourtant. »

Un peu plus loin, il arriva près d'un village, où il vit beaucoup de monde assemblé autour d’une maison.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Il y en avait aussi sur le toit et jusque sur la cheminée, et ces derniers paraissaient tirer sur une corde et la laisser descendre alternativement dans la cheminée, comme font des ramoneurs.

Yann s’approcha d’une jeune fille grande, et bien découplée, aux cheveux noirs, aux yeux bleu océan, comme il en aurait désiré pour être sa moitié de ménage, et lui adressant la parole :

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

— « Dites-moi, je vous prie, mon petit cœur, ce que font ces gens ? M’est avis qu’ils ramonent a cheminée. »

La jeune fille, détournant la tête, le regarda par-dessus son épaule, d’un air de dédain, et lui lit :

— « Vous êtes encore un malin, vous ! De quel pays venez-vous donc, pour parler de la sorte ? Comment ne voyez-vous pas, imbécile que vous êtes, qu’on est à panser le cheval de mon père ? »

— « A panser le cheval de votre père ? Je vous avoue que je ne comprends pas bien comment... »

— « Eh bien ! Mon pauvre homme », répondit une petite vieille, qui se trouvait à côté de la jeune fille (c’était sa mère),

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

« notre cheval timonier est tombé, il y a quelques jours, dans la rivière et a été entraîné par le courant sous la roue du moulin, où il a reçu plusieurs blessures graves. Le rebouteux, un homme renommé dans tout le pays, pour sa science, a ordonné de frotter ses plaies avec de la suie de cheminée, et c’est ce que l’on fait en ce moment, comme vous le voyez. N’entendez-vous pas les plaintes de la pauvre bête ? » 

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Et, en effet, ces gens, se tenant partie sur la pierre du foyer, dans l’intérieur de la maison, en partie sur le sommet de la cheminée, faisaient monter et descendre alternativement le cheval, au moyen de cordes, pour mettre ses plaies en contact avec la suie.

— « Mais, ma brave femme », répondit Yann émerveillé de tant de simplicité et de sottise, « ne pensez-vous pas qu’il eût été plus commode et moins dangereux pour la bête de prendre un peu de suie dans la cheminée, au moyen d’une échelle et d’en frotter ses plaies, dans l’écurie. »

— « N’écoutez pas cet imbécile, mère », dit la jeune fille, d’un ton arrogant, « c’est moi qui a conseillé de faire ainsi, et je soutiens qu’il n’y avait rien de mieux à faire. »

Yann préféra se taire et s’en alla, en maugréant.

Yann ha Yannig ... !!! (2ème partie)

Fin de la deuxième partie
 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Z
@Cendrine Joyau : Il ne faut pas oublier que nous sommes au pays de Bécassine..!!!! Bises
Répondre
C
Un conte sacrément malicieux et des jeunes filles aux neurones bien développés... <br /> Mais on en sourit!<br /> Excellente journée, gros bisous<br /> Cendrine<br />
Répondre
Z
@catcent : C'est vrai que ces jeunes filles sont de vraies gourdes. Bises et bonne soirée
Répondre
Z
@Antoine Maxou : Merci mon Toinou. Bises et bonne soirée
Répondre
C
Hummm, à voir le coté feminin, il serait mieux de s'exiler ailleur :-)<br /> Bisous ZAZA bonne soirée et à demain Bye
Répondre