Le crabe et la crevette
Un jour, voyez-vous, l'amour sous un rocher
Vint surprendre un crabe, béat d'admiration
Pour une crevette qui semblait l'ignorer,
Coquette et transparente au milieu des lançons.
La réponse attendue à sa déclaration
Plongea le crabe épris dans un état affligeant !
Je t'aimerai et nous nous marierons,
Quand tu marcheras droit, je t'en fais le serment.
Tant il est amoureux fou, le crabe réfléchit
Au moyen de séduire à coup sûr cette bougresse.
La beauté de sa plastique hante toutes ses nuits.
L'amour qu'il lui porte le rend fou de détresse.
Un soir de bas d'eau, il approche sans bruit,
Marchant droit devant lui. La crevette étonnée
Le suit en reculant et voilà qu'elle lui sourit,
Ses antennes émues, tendues, bouleversées.
Mais la coquine admet que c'est un bon début,
Et demande un délai jusqu'au mois de mai,
Pour s'y habituer, pour être convaincue
De s'assurer que seront durables ces essais.
Et ce qui arriva est bien triste à raconter !
Le crabe fut pris de douloureuses migraines
Et de maux d'estomacs qu'il ne put supporter.
En cause, l'alcool absorbé depuis plusieurs semaines.
Usé de marcher droit, ivre mort sur le sable,
Un jour il s'écroula, terrassé et décomposé.
Il ne put déclamer un adieu inoubliable.
Fin de cet Amour alcoolisé !
S'il avait eu la sagesse et le raisonnement,
De Chilon de Sparte*, il aurait mis en avant
Que le décapode, pour rester bien vivant,
Fait des pas de côté, tout naturellement !
* « Connais-toi toi-même. »
ZAZA - 14 mars 2014