Réalité, rêve ou cauchemar ?
Certains et certaines se demandent si je n'ai pas perdu le fil de cette nouvelle écrite il y a quelques années. Eh bien non, pas du tout ! L'histoire n'est pas banale et complètement surréaliste. Le nombre de personnages clef se multiplient et pourtant, quand vous arriverez au dernier chapitre, vous allez dire comme notre ami le commissaire Bourrel, "Bon dieu, mais c'est bien sûr ....!"
- Dénouement -
- « Je ne peux pas imaginer que je ne le verrai jamais autrement qu’en rêve. »
- « Qui sait, tu m’as dit qu’il adore la France, peut-être qu’un jour tu te retrouveras par hasard dans son rêve. »
- « Vous voulez dire... comme aujourd’hui. »
Il resta une seconde sans répondre, cette seconde me parut une éternité.
- « Je savais bien que j’avais affaire à quelqu’un d’intelligent. »
Cela faisait un moment que nous n’étions plus dans la chambre de John.
Nous n’étions plus nul part d’ailleurs, nous flottions dans l’espace, debout entre deux mondes.
Notre conversation ne me gênait plus. J’avais fini par accepter. Je dirais même mieux, je me sentais bien, j’en éprouvais même de la sympathie pour ce monsieur Caroff.
- « Je suis perdue Loïc, peut-être que je deviens folle. »
- « Ne te laisse pas aller ZAZA, désormais tu connais toute la vérité sur le monde de la nuit.
Sert t’en à ton avantage. »
- « Je ne comprends pas, Loïc. »
- « Sert toi de tes rêves pour parvenir à tes fins. Fais agir les autres dans la direction qui t’intéresse. »
- « Pour pouvoir vivre avec lui, je dois faire en sorte qu’il rêve de moi toutes les nuits. »
- « C’est la seule solution. »
- « Et si j’y parviens, je suis condamnée avec vivre non pas avec l’homme que j’aime, mais avec son image.
Ma vie ne sera que le reflet d’un rêve dans le miroir. »
- « Il faut te rendre à l’évidence, vous n’êtes pas du même monde ZAZA, jamais vous ne serez réunis. Même si vous le désirez très fort l’un et l’autre, c’est matériellement impossible, ma-té-riel-le-ment im-pos-si-ble... » …
... Je me suis réveillée très calmement, j’avais fini par accepter l’histoire de Loïc.
Après tout, en y réfléchissant bien l’idée n’était pas si absurde que cela, elle avait le mérite d’expliquer bien des choses en tout cas.
J’avais envie de le crier sur les toits, de donner la clef à tout le monde, d’ouvrir toutes les portes, mais je finis par me raviser, j’avais déjà assez de mal à me convaincre moi même que je n’étais pas folle pour oser espérer convaincre le plus sympa des psychiatres.
Le radioréveil indiquait 11h28, cela faisait une éternité que je n’avais pas autant dormi, il était trop tard pour un bol de café, je me suis rabattue sur un bourbon. Je ne savais plus quoi penser.
Qu’a dit Loïc :
Se servir de mes rêves pour modifier la réalité.
Il en a de bonnes lui, je voudrais bien le voir à ma place ! Si c’est si facile pourquoi qu’il ne le fait pas pour lui, il ne me fera pas croire que ça l’arrange de rester allongé toute la journée.
J’avais beau chercher, je ne trouvais aucune solution qui ne me convienne. Et puis après tout, même si je parviens à faire en sorte que John rêve de moi, comment pourrais-je imaginer qu’il puisse rêver de moi indéfiniment.
J’étais lasse de mes réflexions, tout cela ne menait à rien, tout ce que j’avais réussi à faire, c’était d’attraper une bonne migraine.
Il faut dire que la bouteille de Jack Daniel’s
avait largement contribué à mon état. Et comme, de bien entendu, la boite d’aspirine était vide dans l’armoire de la salle de bain...
Le pharmacien du coin de la rue
s’appelait François.
C’était un de mes meilleurs amis, je l’avais connu du temps de la Faculté. Il faisait Biologie et moi mon Droit. Certes cela n’a rien à voir, mais pour les sorties, on avait l’habitude de fréquenter les mêmes endroits. Cela créé des liens !
Je dus patienter un instant derrière une dame d’une cinquantaine d’année qui avait dû tomber dans une marmite de fond de teint.
Elle racontait sa vie à François qui s’efforçait d’écouter poliment.
Son grand souci c’est qu’elle avait du mal à dormir, cela ne m’étonne pas, avec la tête qu’elle a, elle doit avoir du mal à faire des rencontres même dans l’autre monde.
François
lui proposa un produit miracle :
-« Vous verrez madame Du Dourduff, je vous assure que vous serez ravie. »
-« Ro...hyp...nol » reprit-elle péniblement. Madame Du Dourduff faisait partie de ces gens à l’allure très British qui parlent aussi bien qu’ils s’habillent ou se coiffent.
- « Vous êtes certain que cela me fera dormir, mon cher François. »
-« Garantie madame Du Dourduff, deux gouttes dans 20 centilitres d’eau juste avant de vous coucher, et en un quart d’heure vous dormez aussi profondément qu’un loir. »
- « 20 gouttes dans 2 centilitres d’eau m’avez-vous dit ? »
- « Non, le contraire, je vais vous l’écrire et faites bien attention c’est un produit qui peut être très dangereux, surtout si vous prenez de l'alcool. Une forte dose et hop dans le coma, une dose encore plus forte et hop dans la boite. Si vous n’êtes pas certaine de vous en souvenir, je ne vous le donne pas. »
- « Je ferai bien, attention, c’est promis, je demanderai à ma fille de me le préparer. »
- « Ken ar wechall, madame Du Dourduf, portez-vous bien. »
- « Au revoir, mon bon François. »
Ce fut mon tour.
- « Salut vieux, je sais pas comment tu fais pour être si patient avec ces gens-là. »
-« Tu sais, elle n’est pas bien méchante, elle a surtout besoin de compagnie, mets-toi à sa place. »
-« Ah non merci ! J’ai déjà bien assez de mal à être à la mienne. »
- « Eh bien ma pauvre, ça n’a pas l’air d’aller bien fort toi. »
- « M’en parle pas, gueule de bois et migraine sont mes meilleures amies du moment. Et encore je ne te parle pas des nuits cauchemardesques que je passe, enfin, quand j’arrive à dormir. »
- « C’est bon, j’ai compris, alors nous disions une boite d’Aspirine, une boite d’Alka Seltzer et du Rohypnol en gouttes. Finalement, pour quelqu’un qui critique les autres, je constate qu’il te faut les mêmes remèdes. »
- « Du Rohypnol, le truc pour dormir, il ne faut pas une ordonnance pour ces choses-là ? »
- « Pour toi, non, mais déconne pas, respecte bien la posologie, c’est pas quelque chose qu’on prend à la légère. »
J’ai posé la poche contenant les médicaments sur la table de la cuisine, je n’en ai sorti que le flacon de gouttes de rohypnol !
Vous m’avez sans doute déjà compris, l’idée m’est venue à la pharmacie en écoutant la vieille dame.
Vous voyez, j’aime trop John
pour me passer de lui, ne serait-ce qu’un instant.
La solution était entre mes mains, elle tenait dans ce petit flacon, une vingtaine de gouttes dans un verre de bourbon et c’est le coma assuré, le sommeil à tout jamais, le monde de John pour la vie.
J’ai bien lu la notice, le produit met une petite demi-heure pour agir, j’ai pris le verre sale que j'avais laissé traîner sur la table, j’ai versé une bonne rasade de Jack Daniel's, puis j’ai compté jusqu'à 20.
J’ai posé le verre sur la table et j’ai été chercher ma vieille machine à écrire.
J’ai rédigé un document et je l’ai glissé dans une enveloppe que j’ai cachetée. Je me suis mise à taper une lettre à l’attention de mon notaire. Je lui demande de conserver ce document et de ne l’ouvrir que si un jour la science est en mesure de me réveiller, de me sortir du coma.
Si vous avez lu ces lignes, c’est que les scientifiques sont des gens très compétents, ce dont je n’ai jamais douté.
Alors je vous en prie empêchez-les de me réveiller,
si je suis dans cet état ce n’est pas par accident, c’est parce que je l’ai voulu, c’est la chose que j’ai le plus désirée au monde.
Je vous en supplie, ne me réveillez pas, ne me séparez pas de John, laissez moi rêver.
Autrement, vous ne feriez que mon malheur.
Dites-vous que je suis heureuse avec l’homme que j’aime et laissez-moi vivre ma vraie vie.
Et si vous avez déjà aimé, je sais que vous me comprendrez et que vous respecterez mon seul et unique souhait : laissez-moi vivre mon rêve pour toujours !