Le secret de Koren
FIN
Il n’était plus le même : heureux, malicieux, taquin, il me faisait plaisir à voir.
C’est de sa bouche que je tiens la fin de cette drôle d’histoire.
Korgamel, l’Harper-noz de Kervézen,
lui avait rendu visite et il l’avait convaincu de partir voir ensemble la reine des korrigans.
Ils allèrent donc au menhir de Kerscaven où la reine avait pris l’habitude d’apparaître tous les soirs de pleine lune.
- « Bonsoir Korgamel, bonsoir Koren, que me vaut l’honneur de votre venue ? »
- « Bonsoir notre reine », lui répondit Korgamel, « Koren est dans l’embarras car un humain lui a joué un vilain tour. »
La reine entra dans une vive colère.
- « Que me chantes-tu là ! Un humain se permet de maltraiter un korrigan ! Raconte-moi cela Koren ! »
Et Koren
raconta toute l’histoire à sa reine en prenant soin de n’oublier aucun détail.
Une fois qu’il eut fini, elle prit un long temps de réflexion et lui répondit ceci.
- « Que tu as été bien stupide et imprudent de faire ce pari Koren. Ta vantardise t’a joué un vilain tour et tu as été bien puni en retour. Je ne peux reprocher à cet homme ce qu’il t’a fait car tu l’as bien cherché. Toutefois, j’estime que la plaisanterie a assez duré. Tu vas rentrer à Kerbézec, finir l’histoire que tu es en train d’écrire et attendre. »
- « Attendre ? Attendre quoi ? »
- « Que l’innocence s’en vienne te donner un coup de pouce ! »
Koren n’avait pas compris le sens de cette phrase, mais peu importe, la reine avait promis de s’occuper de lui. Il s’en retourna, rassuré.
Il fallut huit bonnes semaines à Koren pour terminer son dernier livre.
Karouant passait de plus en plus souvent et se faisait de plus en plus présent.
Son éditeur devait sans doute lui réclamer un nouvel ouvrage.
C’était au petit matin d’une belle journée d’été, l’aube se levait et les rayons du soleil donnaient une lueur particulière à l’intérieur de la maisonnée. Karouant avait prévenu mon ami qu’il serait là pour midi et qu’il n’excuserait aucun retard.
Koren avait écrit le mot fin suivi de son traditionnel « oren » et se mit à attendre comme lui avait dit sa reine. Seulement rien ne se passait.
Le soleil montait vivement dans le ciel et se rapprochait de son zénith.
Soudain, le farfadet entendit frapper à la fenêtre. Il l’ouvrit et un petit oiseau de toutes les couleurs passa devant lui.
Ce dernier virevolta dans la pièce, se posa sur l’épaule de Koren, puis d’un geste brusque s’élança vers la table et renversa l’encrier pour faire un beau pâté.
Il s’éleva, se posa sa patte dans l’encre, et d’un geste précis et revint la poser délicatement, sur la dernière feuille du livre de Koren.
- « Va-t’en ! Allez oust » Lui cria mon ami en faisant des gestes brusques désordonnés.
L’oiseau, pas effrayé pour un sou par les gesticulations de Koren, ressortit comme il était venu.
Le korrigan se saisit de la feuille pour constater l’étendue des dégâts.
Quelle ne fut pas sa surprise quand il constata que la patte de l’oiseau avait reproduit sur la feuille un dessin qu’il ne connaissait pas juste devant « oren ».
Koren sourit pour la première fois depuis biens des années. Cela ne pouvait être une coïncidence. Il comprit à la seconde que l’oiseau était envoyé par sa reine et que ce dessin était la lettre inconnue qu'il ne connaissait pas.
Au même moment Karouant rentra dans le Penty.
- « Alors Koren as-tu enfin fini cette nouvelle histoire, mon éditeur s’impatiente ! »
- « Oui Karouant, je l’ai finie. »
- « Donne alors ! »
- « Que nenni Karouant, car je l’ai terminée ! »
- « Je le sais tu me l’as déjà dit ! Donne-moi ça ! »
- « Très bien ! Constate par toi-même ! L’histoire est terminée… comme nous l’avions convenu lors de notre pari, il y a dix ans ! »
Karouant se saisit du dernier feuillet que le farfadet tenait dans sa main.
- « Mais comment est-ce possible ? Tu ne connais pas la lettre K ! »
- « Maintenant je la connais ! »
- « C’est impossible ! Comment as-tu fait ?»
- « J’ai été trouvé ma reine et elle m’a aidé ! »
Karouant ne savait trop que répondre, se moquer d’un korrigan c’était déjà risqué, voire dangereux, mais ne point craindre leur reine serait de folie pure et simple.
- « C’est bien, je te libère de ton serment ! Tu peux t’en aller ! » Hurla-t-il sans une colère noire.
Mais Koren, stoïque, resta immobile.
- « Allez ! Va-t’en ! Tu es libre maintenant ! Allez file ! »
- « Avant de disparaitre, je veux récupérer cette histoire. Comme elle est signée de mon nom, tu conviendras qu’elle m’appartient, n’est-ce pas ! »
- « Grmmmmlllll !!! » Grommela Karouant de voir ce trentième livre lui échapper. « Qu’attends-tu encore ? Retourne chez dans ton peuple ! Je ne veux plus te voir, ni dans mon penty, ni à Kerbézec ! »
- « N’oublierais-tu pas quelque chose ? » Le questionna Koren.
- « Oublier ? Quoi encore ? » Répondit l’homme très énervé.
- « Notre pari ! Le jour où je terminerai une histoire tu devras me donner ce que je veux ! »
- « Demande moi quelque chose et dégage ! Je t’ai assez vu ! » Cria l’humain.
- « Très bien ! Alors tu vas transformer tout l’argent que tu as gagné avec mes livres en pierres précieuses
et me remettre ce trésor avant la prochaine pleine lune. »
- « Quoi ! Tout mon argent ! Mais de quoi vais-je vivre ? »
- « Je resterai beau joueur ! Je ne te demande que ce que tu as gagné sur mon dos jusqu’à aujourd’hui. Tu pourras continuer à vivre avec ce que te rapporterons les ventes à venir pour les livres que j'ai écrit. »
A la lune suivante, Koren se rendit au menhir de Kerscaven
et donna à sa reine son immense trésor pour la remercier de l’avoir aidé à se délivrer de l'emprise de Karouant.
Voilà, maintenant vous connaissez toute l’histoire, maintenant, vous savez pourquoi les korrigans sont si riches.
Vous savez surtout que ce dernier n’est point une légende puisqu'il a été gagné grâce à la plume de Koren.
Vous savez aussi que les korrigans ne peuvent signer de leur nom puisqu'il de connaissent que 25 lettres de l'alphabet.
Mais tout cela vous allez me promettre de le chasser de votre mémoire. Une bonne nuit de sommeil vous permettra de tout oublier.
Vous vous rendez compte, si la reine des korrigans venait à apprendre que je vous ai révélé leur secret, je suis certaine de mon affaire !
Vous me jurer de garder le secret pour vous et de ne point le répéter.
Je suis certaine que vous ne souhaitez pas qu’il arrive malheur à ZAZA, la conteuse....