Kement-man oa d’ann amzer
Ma ho devoa dennt ar ier.
Ceci se passait du temps
Où les poules avaient des dents.
Le cheval frappa du pied le rocher de dessus, qui bascula aussitôt et laissa voir l’entrée d’un souterrain, et il entendit une voix qui en sortit, et dit :
— « Descends de ton cheval, et entre. »
Il obéit à la voix, descendit de cheval et entra dans le souterrain.
Il fut d’abord suffoqué par une odeur insupportable, une odeur de reptiles venimeux de toute sorte.
Le souterrain était, de plus, fort obscur, et il ne pouvait avancer qu’à tâtons.
Au bout de quelques moments, il entendit derrière lui un vacarme épouvantable, comme si une légion de démons s’avançait sur lui.
Il faudra, sans doute, mourir ici, pensa-t-il. Il continua, pourtant, d’avancer de son mieux.
Il vit enfin poindre devant lui une petite lumière, et cela lui donna du courage.
Le vacarme allait toujours croissant, derrière lui, et approchant.
Mais, la lumière aussi grandissait, à mesure qu’il s’avançait vers elle.
Enfin, il sortit sain et sauf du souterrain…
Il se trouva alors dans un carrefour, et il fut encore embarrassé.
Quel chemin prendre ?
Il suivit celui qui faisait face au souterrain, et continua d’aller tout droit devant lui.
Il y avait beaucoup de barrières sur ce chemin, hautes et difficiles à franchir.
Ne pouvant les ouvrir, il grimpait sur les poteaux, et passait par-dessus.
La route allait, à présent, en descendant, et, à l’extrémité, tout lui paraissait être de cristal.
Il voyait un château de cristal, un ciel de cristal, un soleil de cristal, enfin tout ce qu’il voyait était de cristal.
— « C’est dans un château de cristal qu’on m’a dit que ma sœur demeure, et j’approche, sans doute, du terme de mon voyage et de mes peines, car voilà bien un château de cristal, » se dit-il avec joie.
Le voilà près du château.
Il était si beau, si resplendissant de lumière, que ses yeux en étaient éblouis.
Il entra dans la cour.
Comme tout était beau et brillant, par-là ! Il voit un grand nombre de portes sur le château. Mais, elles sont toutes fermées.
Il parvient à se glisser dans une cave, par un soupirail, puis, de là, il monte et se trouve dans une grande salle, magnifique et resplendissante de lumière.
Six portes donnent sur cette salle, et elles s’ouvrent d’elles-mêmes, dès qu’il les touche.
De cette première salle, il passe dans une seconde, plus belle encore.
Trois autres portes sont à la suite les unes des autres, donnant sur trois autres salles, toutes plus belles les unes que les autres.
Dans la dernière salle, il voit sa sœur endormie sur un beau lit.
Il reste quelque temps à la regarder, immobile d’admiration, tant il la trouve belle.
Mais, elle ne s’éveillait pas...... Le soir vint.
Alors, il entend comme le bruit des pas de quelqu’un qui vient et fait résonner des grelots, à chaque pas.
Puis, il voit entrer un beau jeune homme, qui va droit au lit sur lequel était couchée Yvonne, et lui donne trois soufflets retentissants.
Pourtant, elle ne s’éveille ni ne bouge. Alors, le beau jeune homme se couche aussi sur le lit, à côté d’elle.
Voilà Yvon bien embarrassé, ne sachant s’il doit s’en aller ou rester.
Il se décide à rester, car il lui paraît que cet homme traite sa sœur d’une singulière façon.
Le jeune mari s’endort aussi à côté de sa femme.
Ce qui étonne encore Yvon, c’est qu’il n’entend pas le moindre bruit dans le château, et qu’il paraît qu’on n’y mange pas.
Lui-même, qui était arrivé avec un grand appétit, n’en a plus du tout, à présent.
La nuit se passe dans le plus profond silence.
Au point du jour, le mari d’Yvonne s’éveille et donne encore à sa femme trois soufflets retentissants.
Mais, elle ne paraît pas s’en apercevoir, et ne s’éveille toujours pas.
Puis il part aussitôt.
Tout cela étonnait fort Yvon, toujours silencieux, dans son coin.
Il craignait que sa sœur ne fût morte.
Il se décida enfin, pour s’en assurer, à lui donner un baiser.
Elle s’éveilla alors, ouvrit les yeux et s’écria, en voyant son frère près d’elle :
— « Oh ! Que j’ai de joie de te revoir, mon frère chéri ! »
Et ils s’embrassèrent tendrement.
Alors Yvon demanda à Yvonne :
— « Et ton mari, où est-il, sœur chérie ? »
— « Il est parti en voyage, frère chéri. »
— « Est-ce qu’il y a longtemps qu’il n’a pas été à la maison ? »
— « Non, vraiment, il n’y a pas longtemps, frère chéri ; il vient de partir, il n’y a qu’un moment. »
— « Comment, est-ce que tu ne serais pas heureuse avec lui, ma pauvre sœur ? »
— « Je suis très heureuse avec lui, frère chéri. »
— « Je l’ai pourtant vu te donner trois bons soufflets, hier soir, en arrivant, et trois autres, ce matin, avant de partir. »
— « Que dis-tu là, frère chéri ? Des soufflets !… C’est des baisers qu’il me donne, le soir et le matin. »
— « De singuliers baisers, ma foi ! Mais, puisque tu ne t’en plains pas, après tout… Comment, mais on ne mange donc jamais ici ? »
— « Depuis que je suis ici, mon frère chéri, je n’ai jamais éprouvé ni faim, ni soif, ni froid, ni chaud, ni aucun besoin, ni aucune contrariété. Est-ce que tu as faim, toi ? »
—« Non, vraiment, et c’est ce qui m’étonne. Est-ce qu’il n’y a que toi et ton mari dans ce beau château ? »
— « Oh ! Si. Nous sommes nombreux ici, mon frère chéri. Quand je suis arrivée, j’ai vu tous ceux qui y sont. Mais, depuis, je ne les ai jamais revus, parce que je leur avais parlé, quoiqu’on
me l’eût défendu. »
Ils passèrent la journée ensemble, à se promener par le château et à causer de leurs parents, de leur pays et d’autres choses.
Le soir, le mari d’Yvonne arriva, à son heure ordinaire.
Il reconnut son beau-frère, et témoigna de la joie de le revoir.
— « Vous êtes donc venu nous voir, beau-frère ? » Lui dit-il.
— « Oui, beau-frère, et ce n’est pas sans beaucoup de mal. »
— « Je le crois, car tout le monde ne peut pas venir jusqu’ici. Mais, vous retournerez à la maison plus facilement : je vous ferai passer les mauvais chemins. »
Yvon resta quelques jours avec sa sœur. Son beau-frère partait, tous les matins, sans dire où il allait, et était absent durant tout le jour.
Yvon, intrigué par cette conduite, demanda, un jour, à sa sœur :
— « Où donc va ton mari ainsi, tous les matins ? Quel métier a-t-il aussi ? »
— « Je ne sais pas, mon frère chéri; il ne m’en a jamais rien dit. Il est vrai que je ne le lui ai pas demandé aussi. »
— « Eh bien ! Moi, j’ai envie de lui demander de me permettre de l’accompagner, car je suis curieux de savoir où il va ainsi, tous les jours. »
— « Oui, demande-le-lui, mon frère chéri. »
A DEMAIN POUR LA FIN