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Le Chat Noir - Fin

Dans la série des contes de basse-Bretagne

Le Chat Noir - Fin

        LE CHAT NOIR

Le Chat Noir - Fin

         Fin

Selaouit holl, mar hoc’h eus c’hoant,
Setu aman eur gaozic koant,
Ha na eus en-hi netra gaou,
Mès, marteze, eur gir pe daou.

Écoutez, si vous voulez,
Voici un joli petit conte,
Dans lequel il n’y a pas de mensonge,
Si ce n’est, peut-être, un mot ou deux.

Quelques jours après, le Chat dit à sa mère :

Le Chat Noir - Fin

 — "Il faut vous marier", ma mère.
— "Comment, me marier ? Qui voudrait de moi, mon fils ?"
— "Je vous trouverai un mari, ma mère; vous épouserez le seigneur Rio, à qui j’ai sauvé la vie. Laissez-moi faire, et ayez confiance en moi."

Le lendemain, le Chat se rendit chez le seigneur Rio, et lui dit, sans autres compliments :

Le Chat Noir - Fin

— "Bonjour, seigneur Rio; il vous faut épouser ma mère."
— "Epouser votre mère, mon ami, une Chatte !..."
— "Oui, il vous faut l’épouser."
— "Je reconnais que je vous dois la vie; pourtant, quelque obligation que je vous en aie, si, pour prix de ce service, il me faut prendre pour femme une chatte..."
— "Croyez-moi, seigneur Rio, ma mère vous vaut tous les jours; épousez-la, et vous ne le regretterez pas, je vous l’assure."
— "Quand je l’aurai vue, peut-être... Enfin, nous verrons..."
— "Je vous l’amènerai, demain."

Et le Chat partit, là-dessus, laissant Rio dans un grand embarras. 

Il craignait de lui déplaire et de se montrer ingrat, et, d’un autre côté, il ne pouvait se faire à l’idée de prendre pour femme une chatte.

Le Chat, avant de quitter la ville, se glissa de la gouttière dans la chambre d’une riche marquise, et y déroba des robes de soie et de velours, avec des parures de toute sorte et des diamants, et, mettant le tout dans son bissac.

Le Chat Noir - Fin

Il retourna ensuite dans son île.

Cette fois, il s’y fit conduire par un batelier, afin de ramener sa mère, le lendemain.

Yvonne, malgré ses infortunes, n’avait rien perdu de sa beauté. 

Elle revêtit les belles robes et les riches parures que le Chat lui avait apportées, et jamais œil humain n’avait vu une princesse plus belle, plus gracieuse et plus distinguée.

Le Chat Noir - Fin

Le Chat la conduisit alors chez le seigneur Rio, comme il l’avait promis, et il la lui présenta, en disant :

— "Seigneur Rio, voici ma mère, que je vous présente :

Consentez-vous à la prendre pour épouse ?"

Le seigneur Rio fut tellement ébloui par la beauté, les grâces et aussi la toilette d’Yvonne, qu’il ne put d’abord répondre, la voix lui manquant. Mais, il se remit bientôt, et dit :

— "Oui, de très bon cœur, je consens à prendre votre mère pour mon épouse, et je m’en trouverai le plus heureux des hommes."

Les fiançailles eurent lieu, le jour même, et l’on fixa les noces à huit jours de là, afin d’avoir le temps nécessaire pour faire les préparatifs et les invitations. 

Il y eut, à cette occasion, des jeux et des festins magnifiques, et tous les habitants delà ville et des environs y prirent part, les pauvres comme les riches !

Yvonne et Rio étaient vraiment heureux !   

Le Chat Noir - Fin

Le Chat noir suivait partout la nouvelle mariée, et, comme personne n’était dans le secret, à l’exception de Rio et d’Yvonne, cela paraissait assez singulier à tout le monde.

Quand les solennités, les jeux et les festins furent terminés, le Chat dit à sa mère :

— "Je ne connais encore ni mon grand-père, ni ma grand-mère, ni ma sœur Louise, et j’ai hâte de les voir; il faudra aller, tous les trois, leur faire notre visite de noces."

Le lendemain matin donc ils montèrent tous les trois dans un beau carrosse, et ils partirent.

Le Chat Noir - Fin

Le père d’Yvonne, sa marâtre et sa fille Louise vivaient encore et habitaient ensemble.  

Son père les reçut avec une joie et un bonheur bien sincères.

Le Chat Noir - Fin Sa marâtre et Louise, qui était toujours à marier, feignaient aussi d’être enchantées de les revoir; mais, en réalité, elles en crevaient de dépit et de jalousie. 

Quoi qu’il en soit, on prépara un grand festin, en signe de réjouissance, et l’on invita beaucoup de monde. 

La vieille sorcière du bois ne fut pas oubliée.   

Le Chat Noir - Fin

Mais, pendant le repas, ayant reconnu le Chat noir, qui rôdait autour de la table, elle pâlit tout à coup, prétexta une indisposition et sortit de la salle du banquet. 

Le Chat noir sauta alors sur la table, la queue roide et les yeux flamboyants.

Le Chat Noir - Fin

— "Dehors, vilaine bête !" lui cria la marâtre.
— "Holà !" répondit le Chat; "que celle qui parle ainsi vienne donc me faire sortir, pour voir !"

La vieille se tint coi. Tous les convives étaient étonnés et effrayés, excepté le seigneur Rio et sa femme.

— "Il manque une personne ici", reprit alors le chat.
— "Qui donc ?" demanda la marâtre.
— "Votre amie la sorcière, qui a simulé une indisposition et qui est sortie. Qu’on coure après elle et qu’on la ramène, sur-le-champ."

Les valets coururent après la vieille, et ils l’eurent bientôt atteinte et ramenée dans la salle du banquet, malgré sa résistance, ses supplications et ses menaces.

— "Silence, vieille couleuvre, tison d’enfer !" lui cria le Chat.

Et elle trembla de tous ses membres.
Le Chat reprit :

Le Chat Noir - Fin

 — "Le jour de la justice est venu pour vous: à présent, il vous faudra lutter contre moi, et vous savez ce qui vous attend, si vous perdez."
— "Je lutterai, quand vous voudrez", répondit la sorcière, en feignant quelque assurance, "et je ne vous crains ni par eau, ni par vent, ni par feu !"
— "C’est ce que nous verrons bien."
— "Quand vous voudrez."
— "Eh bien ! descendons dans la cour. Tous ceux qui sont ici présents assisteront à la lutte, du haut des balcons et des fenêtres du château, et jugeront de quel côté sera la victoire."

Et le Chat noir et la vieille sorcière descendirent dans la cour, et tout le monde se mit aux fenêtres.
— "Par où commencerons-nous ?" demanda la sorcière, quand ils furent dans la cour, en présence l’un de l’autre.
— "Par où vous voudrez", répondit le Chat.
— "Eh bien ! commençons par l’eau."

Et les voilà de vomir de l’eau l’un contre l’autre, à qui mieux mieux.

Le Chat Noir - Fin

Mais, pour une barrique d’eau que vomissait la sorcière, le Chat en vomissait trois. Si bien qu’elle fut bientôt réduite à demander grâce et à s’avouer vaincue, à ce jeu.

— "Allons par vent, à présent", dit-elle.

Le Chat Noir - Fin

Et les voilà de souffler l’un sur l’autre, avec furie.
Mais, le vent que produisait la sorcière était peu de chose auprès de celui du Chat, qui lançait la vieille comme une paille, à droite, à gauche, contre les murailles, si bien qu’elle cria encore, sans tarder

 — "Grâce ! grâce !"

La voilà donc vaincue, deux fois.

— "Au tour du feu, à présent !" dit le Chat noir.

Le Chat Noir - Fin

Et ils se mirent alors à vomir du feu l’un contre l’autre, comme deux dragons furieux, ou deux diables de l’enfer. Mais, pour une barrique de feu que vomissait la sorcière, le Chat noir en vomissait trois, si bien qu’elle fut complètement réduite en cendres.

— "C’est bien !" dit alors le Chat, "tu n’as que ce que tu as mérité !" 

Et il se rendit dans la salle du banquet.

Le Chat Noir - Fin

Les spectateurs quittèrent les balcons et les fenêtres, et l’y suivirent.

— "En voilà une de payée", dit-il; "mais, il en reste une autre, et je ne veux pas l’oublier."

Et s’adressant à la marâtre, qui pâlissait et tremblait de tous ses membres, car elle sentait que son heure était aussi venue :
— "Il faut que je vous récompense aussi, à votre tour. Madame."

— "De quoi, s’il vous plaît, seigneur Chat ?"
— "De tout le bien que vous avez fait à ma mère."
— "A votre mère ?"
— "Oui, à ma mère, ici présente (et il lui désigna Yvonne).

Ne vous souvenez-vous donc plus de votre ragoût de lièvre ?"

La méchante aurait voulu être, en ce moment, à cent pieds sous terre. 

Le Chat Noir - Fin

Le Chat la couvrit alors de feu, qu’il vomit contre elle, comme dans son combat contre la sorcière, et la réduisit aussi en cendres, en un instant.

Le Chat Noir - Fin

Puis, s’avançant vers Louise, qui, croyant son heure venue, était aussi dans des transes mortelles : 

Le Chat Noir - Fin

— "Quant à vous, ma fille", lui dit-il, "je ne vous ferai pas de mal; vous étiez trop jeune pour comprendre ce qu’on vous faisait faire, et c’est votre mère, seule, qui était la coupable."
Enfin, il dit au seigneur Rio :
— "A présent, seigneur Rio, mettez-moi sur le dos, sur la table, et, avec votre épée, ouvrez-moi le ventre."
— "Je ne ferai pas cela", répondit le seigneur Rio.
— "Faites-le, puisque je vous le dis, et ne craignez rien."

Et le seigneur Rio prit le Chat noir, l’étendit sur le dos sur la table, et, avec son épée, il lui ouvrit le ventre.

Il en sortit aussitôt un beau prince, qui parla de la sorte :
— "Je suis le plus grand magicien qui ait jamais existé sur la terre !"

Le Chat Noir - Fin

On se remit alors à boire, à chanter et à danser, et les festins, les jeux et les réjouissances durèrent pendant huit jours entiers.

Conté par Pierre Le Roux, fournier au bourg de Plouaret. Décembre 1869.

 

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Z
@peintrefiguratif : Merci ma Raymonde d'avoir été jusqu'au bout. Bises et bon samedi. 
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P
j'allais oublier que je n'avais pas lu la fin de ton conte  voilà qui est fait<br /> bisous et bon weekend
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Z
@ fanfanchetblanc : Merci beaucoup ma belle. Bises
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Z
@Papyserge : Et bon Serge... le chat Prince cherche toujours sa princesse. Bises
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Z
@Quichottine : Si cela ne se terminait pas bien, ce ne serait plus un conte ma Quichottine. Bises et bon jeudi
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