Le cavalier de la nuit
(Première partie)
Autrefois, au Port de Guipry, la foire de la Mi-carême jouissait d'une grande renommée.
De tout le pays environnant on y venait pour acheter ou vendre chevaux, bœufs et petits cochons.
C'était une bonne journée pour le commerce local, et aussi une journée de détente et de rencontre pour les gens désireux d'oublier un moment la grisaille de l'hiver.
On dit que les jeunes filles en âge de se marier y accompagnaient leurs parents avec le secret espoir de faire la connaissance de l'élu de leur cœur.
Cette année-là, pendant que son père et sa mère discutaient affaires avec un marchand au café de la halle, une jolie fille, assise sur le coin d'une hotte, assurait la garde des petits cochons qu'ils avaient amenés à la foire.
Elle avait fière allure avec son chignon relevé derrière la tête.
Au passage les hommes lui adressaient un regard admiratif. Presque dédaigneuse, la jeune fille n'avait d'yeux que pour un beau cavalier qui venait vers elle mais s'attardait à parler avec les gens de sa connaissance et n'en finissait pas d'arriver.
Leurs regards se croisèrent.
Le cavalier, en même temps que son bonjour, lui adressa son sourire. Elle y répondit en rougissant. Il continua ensuite son chemin, se retournant plus d'une fois pour admirer la jeune fille.
Leurs regards se croisèrent de nouveau.
Le cavalier revint sur ses pas, descendit de cheval, s'assit sur la hotte à côté de la belle, et tous deux parlèrent jusqu'au retour des parents de la jeune fille.
Le jeune homme les salua et prit congé, puis, enfourchant lestement sa monture, s'en alla en direction du Bourg de Guipry.
- « Tu connais ce jeune homme ? » demanda la mère.
- « Non ! » répondit la jeune fille en haussant les épaules. «Nous n'avons parlé que peu de temps. Je sais seulement qu'il habite le haut de Guipry et qu'il veut m’épouser ».
- « Tu n'y penses pas, ma fille ! » reprit la mère. « Tu n'as que seize ans. Il n'est pas question de mariage ».
En même temps elle souleva le couvercle de la hotte et ajouta :
- « Les petits cochons sont pour ainsi dire vendus. Le marchand vient les voir et, je pense, va en prendre livraison. Ensuite nous rentrons à la maison. »
FIN DE LA PREMIERE PARTIE