Un prix scolaire décerné à mon papa
pour son certificat d'étude.
Tellement lu et manipulé par des mains enfantines
Première partie
Cantaloube dit la Colombe
Chapitre premier
Dans lequel le lecteur fait connaissance
Avec quelques hommes d’épée pauvres
Mais malhonnêtes
Il y a cent cinquante ans, Paris était totalement privé de becs de gaz, de bitume et de pavés en bois, ce qui rendait la circulation fort difficile, surtout le soir, et encore plus la nuit, quand la lune se refusait à sortir de son château de nuages.
Pourtant, on se hasardait encore malgré tout sur le pavé du roi, une fois le couvre-feu, sonné, seulement il fallait avoir soin de se munir d’une lanterne et d’une épée, pour éviter de se rompre le cou, ou d’avoir la gorge coupée, accidents qui interrompent souvent et pour longtemps les plus belles carrières.
Or, le 4 février 1732, à 9 heure 36 minutes du soir, par une pluie battante, deux hommes enveloppés de grands manteaux et de grands chapeaux ruisselants d’eau du ciel, bottés, et armés jusqu’aux dents semblaient rechercher à l’aide d’une petite lanterne une maison, rue de l’Arbre.
La rue de l’Arbre, l’une des plus belles de l’époque, pouvait mesurer cinq ou six mètres de largeur.
Bordée de bonnes et vieilles maisons, datant d’au moins Louis le Onzième, ce gracieux souverains qui avait fait de la pendaison une institution d’Etat.
On remarquait dans cette rue à la mode, une grande quantité d’hôtelleries, d’auberges, de tripots, toutes maisons recommandables, à s’en rapporter aux magnifiques enseignes qui flamboyaient sur les plaques de tôle.
Le Chien qui pleure, souriait au Roi Midas, son voisin d’en face, tandis que Le Sultan de Numidie semblait narguer Le Tambourin d’argent qui lui-même faisait la nique au Grand Saint Georges.
Nos deux hommes s’en allaient donc tranquillement, éclairant des furtifs rayons de leur lanterne chacune des portes qu’ils rencontraient. Ils s’arrêtaient devant elles un instant, puis après un court examen, repartaient, stoïques, sous les torrents que vomissaient les implacables gouttières.
Il n’y avait plus qu’une maison à explorer et nos deux seigneurs aux manteaux auraient terminé leur tâche. La lanterne fut promenée le long de la porte. Un double cri de joie retentit.
- As- tu vu ?
- J’ai vu.
- Tu as vu les grelots ?
- Oui.
- Tu as vu la marmotte ?
- Oui
- Tapons alors, Pepe.
- Tapons, monsou le baron.
Et ils tapèrent. Ils soulevèrent un ravissant marteau en fer forgé qui ferait aujourd’hui la joie d’un antiquaire. Cela représentait un bonnet de fou, criblé de grelots, et s’accrochant à une marmotte terminée par une grimaçante et malicieuse petite figure.
Les hommes aux manteaux et à la lanterne tapèrent longuement.
Enfin des pas traînèrent dans l’allée et une voix féminine éraillée cria à travers la porte :
- Passez votre chemin, soudards, tire-laines, malandrins !
- Pardon, madame, répliqua avec affabilité celui de nos deux personnages
qu’on avait appelé « mousou le baron », pardon, nous sommes attendus.
- Votre nom alors ?
- Monsieur des Haudriettes.
- C’est bon, mais vous n’êtes pas seul !
- Je n’ai avec moi que mon fidèle valet Pepe Pippo.
- Maintenant il faut me donner le mot de passe.
- Le petit oiseau ne chantera plus.
- Pourquoi est-il allé seul au bois ?
- Pour voir sa bonne amie, la lune.
- Allons, c’est bien vous; attendez un instant, je vais ouvrir.
A DEMAIN POUR LA SUITE