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Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Celle que l’on dénomme la mort

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Fin

- « Nous étions tous très fatigués, tendus, sur les nerfs face à cette épreuve difficile. » Dis-je. « Nous avons peut-être cru entendre l’enfant parler alors qu’il n’a fait que produire un son proche du mot maman. Notre esprit aura inventé le reste. » 

Mais j’ai déjà vu ce phénomène dans un lointain pays d’orient. 

Je ne croyais pas un mot de ce que je disais, mais je savais que pour le bien de l’enfant il fallait que je dissipe immédiatement les doutes qui pouvaient s’insinuer dans les esprits de ses gens de pauvres conditions.

Ils auraient très bien pu tuer l’enfant sur le champ s’ils l’avaient cru possédé par le malin.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Je parvins ainsi à dissuader les mauvaises langues de s’agiter.

On enterra la mère de l’enfant deux jours plus tard.

J’avais décidé de prolonger un peu mon séjour à Crozon.

La pointe de Pen Hir - Henri Le Goff

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

J’étais curieuse de voir si la grande faucheuse allait revenir voir l’enfant. Je n’allais pas attendre longtemps. Le vieux Galouarn était au plus mal.

A peine quinze jours plus tard, il était dit qu’il ne passerait pas la nuit. Alors que beaucoup de villageois veillaient sur lui, moi, je veillais l’enfant que sa tante avait prénommé Fanch, le prénom de son défunt père. Je ne suis pas sûre d’ailleurs que la mort apprécie énormément ce nom de baptême.

La faucheuse vint au cœur de la nuit pour prendre Galouarn

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

et comme je l’avais prévu elle passa avant pour voir l’enfant.

Elle ne fut guère surprise de me voir dans la chambre. En tout cas elle n’y laissa rien paraître. Elle s’approcha dans un bruit d’effleurement de soie du kevell (berceau) de l’enfant.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Elle se pencha sur lui et le prit dans ses bras. Elle le berça affectueusement, tendrement, comme toutes les mères le font avec leur enfant.

Ce dernier souriait. Il semblait heureux. Elle le reposa dans son berceau, se pencha sur lui une dernière fois et disparut en direction de la chaumière de Galouarn.

Je n’avais pu m’empêcher de jeter un œil au berceau. Sur le linge blanc de l’enfant il y avait une goutte noire, comme une tâche d’encre, …une larme de mort.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Je compris alors que la mort aussi pouvait aimer, que la mort aussi avait un cœur.

Comme tous les hommes Fanch grandit et vieillit.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Et à chaque fois que quelqu’un venait à disparaître dans le village où dans les fermes environnantes, la mort venait lui rendre visite.

A part moi personne ne l’a jamais su, car même si certaines femmes racontaient à qui voulait l’entendre qu’il aurait prononcé le mot maman à la naissance, ce fut-là, la seule fois qu’un humain puisse entendre le moindre son sortant de sa bouche.

Fanch était muet. Il ne prononça plus jamais un mot jusqu’à la grande épidémie de peste qui eut raison de son existence.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Ce jour-là, la mort vint au village pour lui comme pour tant d’autres. Mais avant de partir, Fanch, plus vert que blanc, allongé sur son lit, me fit un signe de la main.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Je me suis approché de lui. Il me dit dans l’oreille : 

- « Ma mère va venir. Je ne veux pas qu’elle soit triste de me voir ainsi. Bizarrement, il n’y a qu’a toi, l’être qu’elle méprise le plus au monde, que je puisse parler. Je voudrais te demander quelque chose ! Peux-tu me laver pour que je sois beau pour la recevoir ? » 

Je dois vous l’avouer, une larme coula sur ma joue. J’ai fait la toilette de Fanch une heure durant et je l’ai veillé durant les trois heures qui suivirent. Puis, il me fit signe une seconde fois.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

J’ai approché mon oreille de sa bouche pour la deuxième fois de la journée sous le regard incrédule de l’assistance présente. Qu’avais-je donc à vouloir écouter un muet à l’instant de sa mort ?

- « Je la sens ! Elle arrive ! Pour te remercier de m’avoir fait beau je vais te confier un secret. Ma mère m’a dit qu’elle n’a pas osé te prendre à l’instant de ma venue au monde car c’est toi qui a coupé le cordon. Par contre, elle m’a confié qu’elle cherchera à t’attraper quand viendra ma fin. Soit sur tes gardes ! Et tiens-toi près à user de ta flûte

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

si tu ne veux pas tomber entre ses mains ! » 

La grande faucheuse survint à peine avait-il fini sa phrase.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Comme par enchantement, toutes les autres personnes présentes autour de nous s’endormirent en même temps.

J’entendis alors une voix sombre et caverneuse me dire : 

- « Encore là, ZAZA la conteuse. Tu étais déjà là le jour où mon fils est venu au monde et tu es encore là le jour où je viens le chercher. »

- « Ainsi la grande faucheuse a si peu de pitié qu’elle vient même prendre son enfant. » Lui répondis-je sèchement.

- « Que veux-tu ! Je me fais vieille ! Et puis ! Avec cette épidémie qui sévit, j’ai trop de travail. J’ai besoin d’aide pour quérir les âmes. Sa charrette attend déjà dehors. »

- « Tu veux te servir de Fanch pour quérir les âmes des défunts ! C’est ignoble ! » Lui avais-je crié comme si je parlais au premier venu.

- « Fanch ! Quel triste nom ! Je préfère celui que je lui ai donné ! » Me reprit-elle.

- « Et comment l’as-tu appelé ? »

- « Ankou ! »

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

A ce moment sa main me frôla de si près que j’ai porté ma flûte à mes lèvres et j’ai joué, joué, joué et joué encore en m’envolant vers les nuages blancs… 

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Voilà messieurs et mesdames, vous savez maintenant que l’Ankou n’est pas le valet de la mort comme le prétendent certains !

Vous et vous seuls, vous savez maintenant que l’Ankou n’est autre que le propre fils de la mort.

Et si je sais que cette nuit-là Fanch m’a fait une faveur en me révélant les intentions de sa mère en mon encontre, croyez-bien qu’à chaque fois que j’ai croisé sa route depuis je fais comme vous bonnes gens, je me cache, terrifiée par le crissement des roues de sa charrette.

Celle que l’on dénomme la mort - Fin

Quant à la mort ?

Si la preuve est maintenant faite qu’elle a un cœur, j’ai bien peur que celui-ci soit si petit qu’il ne puisse pas y avoir à l'intérieur plus de place pour aimer une autre personne ... et cette personne, ce n’était autre que l’Ankou.

ZAZA, la conteuse ...

 

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M
C'est vraiment un conte superbe, ta plume m'a enchantée, emportée à fleur de rêve, dans la sombre féerie des légendes bretonnes, un immense bravo amplement mérité Zaza la conteuse!<br /> Je t'envoie de gros bisous bien affectueux, bon dimanche<br /> Cendrine<br />
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J
eh bien bravo Zaza, quel beau conte, qui vous tient en haleine jusqu'à la fin ! prend bien garde d'avoir toujours ta flute à la portée de la main !! bon weekend et de grosses bises
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F
La mort aussi a un coeur ? Qui sait? Je préfère ne pas le savoir pour le moment ! Bises
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P
me voilà revenu pour lire la fin de ton conte <br /> je ne suis pas trop pressée de le rencontrer<br /> bisous
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L
bonsoir c'est assez dure cette histoire drôle de conte qui change de certaines féeries que l on raconte aux enfants bonne nuit bise
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