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    Un prix scolaire décerné à mon papa


    pour son certificat d’étude.


    Tellement lu et manipulé par des mains enfantines

    flamberge-au-vent 0932

     

     

     

    Chapitre II

     

     

    Dans lequel il est prouvé que

    M. le baron Hervier Lechat Poulain de la Poulinière

    Apportait une remarquable obstination à l’exécution de ses projets

     

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    Vous pouvez vous vanter d’avoir une chance toute particulière, monsieur le marquis, dit le chirurgien en se relevant après un examen approfondi des blessures de René.


    -   Vraiment !

    -   Vous avez été touché une fois au bras, une fois à l’épaule, une fois au front, deux fois à la poitrine et je vous assure que si vous consentez à rester tranquille, vous pourrez monter à cheval après-demain. C’est un bonheur inouï.

    -   Entends-tu Jonas, le chirurgien dit que je pourrai monter à cheval après-demain, pour la bataille !

    -   Tout cela est bel et bon, Monsieur René, mais si continuez comme vous avez commencé, vous n’arriverez pas entier au milieu de la campagne, je vous en réponds.

    -   Allons, ne me gronde pas, mon bon Jonas.

    -   Et vous, monsieur le marquis, ne parlez pas tant, car vous allez augmenter votre fièvre.

    -   Je vais être bien sage. Seulement donne-moi, des nouvelles, beaucoup de nouvelles. Le roi est-il- arrivé, les ennemis sont-ils signalés, comment va le maréchal de Saxe ?

    -   Eh. Voilà bien des questions !

    -   Réponds vite !

    -   Je vous dirai d’abord que le roi et le dauphin sont arrivés depuis hier. J’ai eu l’honneur de vois sa Majesté tout près de moi et j’ai pu constater qu’elle était encore bien pâle et mal remise de sa terrible maladie.

    -   Ah ! voilà une maladie que je bénirais si j’étais le roi, puisque grâce à elle qu’on lui a donné ce beau surnom de Bien-Aimé. Maintenant dis-moi où est l’ennemi ?

    -   Des paysans racontent qu’ils ont vu des coureurs hollandais aux environs de Ath et de Lessine mais je crois que la peur leur fait voir bien des choses. S’il fallait ajouter foi à leurs dires, nous aurions demain au plus tard l’armée anglaise sur le dos.

    -   Voilà qui ne ferait pas mon affaire !

    -   Quant à la santé du maréchal, elle n’est pas bonne, la goutte le fait souffrir horriblement et il ne peut pas marcher. On le traîne dans une sorte de petite voiture en osier qu’on a construite pour lui.

    -   C’est un bon général, n’est-ce pas Jonas ?

    -   C’est un grand homme de guerre, monsieur le marquis, et bon, affable avec le soldat. Aussi tout le monde l’aime.

    -   Il battra le duc de Camberland ?

    -   Je l’espère…

    -   J’en suis sûr. Ah ! quelle joie j’aurai Jonas, à charger tous ces Anglais que je déteste. Et la ville ne parle pas de se rendre ?

    -   Si l’armée ennemie n’était pas si proche, on donnerait l’assaut demain.


    Cette conversation avait lieu dans la chambre de René pour qui on avait trouvé une petite maison abandonnée dans les environs de Trounay et dans laquelle on avait installé un lit comme on avait pu.


    La porte s’ouvrit


    Vallarmis parut.


    Il alla droit a lit et embrassa son ami.


    -   Tu sais, Jean, quel bonheur, le médecin a dit qu’après-demain, je pourrais monter à cheval.

    -   Nous chargerons côte à côte. Ah ! nous donnerons de bons coups d’épée, va.

    -   Je t’ai déjà vu à l’œuvre, hier au soir. A ce propos dit moi donc comment tu es survenu si à propos. Car, entre nous, tu m’a sauvé la vie.

    -   Allons donc !

    -   Ne proteste pas, j’allais tomber quand tu es arrivé. Mais enfin, pour le moment, aie l’obligeance de répondre à ma question.

    -   La réponse est bien simple. Après le dîner avec mes officiers, j'allai s te chercher à la tente. On me dit que tu venais de partir à cheval, après avoir lu un billet q’un homme de mauvaise mine t’avais remis. Je m’étonnai que tu fusses parti sans me prévenir…

    -   Les misérables avaient écrit dans ce billet que, si je voulais avoir des nouvelles de Morena, il fallait que je ne fisse part de ma démarche à qui que ce soit.

    -   Ah le piège était bien tendu. Je poursuis. Ennuyé de ne pas te voir et ne sachant que faire, je fis aussi seller un cheval et je m’éloignai dans la direction que tu avais prise et que m’indiqua Félicien. Je franchis Authoing et j’allais rétrograder, trouvant la pluie peu agréable et l’obscurité monotone, quand j’aperçus dans le lointain une petite lumière qui brillait faiblement. Je me dirigeai de ce côté, et j’entendis un si beau bruit de bataille, que j’attachai mon cheval et me disposai à entrer afin de savoir qui on égorgeait à l’intérieur. C’est à ce moment que je t’entendis crier : Kertaillan ! J’enfonçai la porte. Tu sais le reste.

    -   Ah ! mon bon Jean, tu m’es apparu comme un ange du ciel !

    -   Tu dis des sottises, mon pauvre René.

    -   Non, non, je t’assure…


    Les deux jeunes gens s’embrassèrent de nouveau.


    -   Tout cela vous prouve, dit alors Larseneur, que votre oncle n’a pas désarmé et que, plus que jamais, il vous faut être sur vos gardes. Le baron n’aura de repos que lorsque vous n’existerez plus. Il faut donc exercer la plus active surveillance et vous méfier de tout. De l’homme qui passe, de la feuille qui bouge, du chien qui aboie, de l’eau qui coule, de tout, vous dis-je !


    A ce moment Félicien, après avoir gratté à la porte, l’entr’ouvit et dit qu’il y avait une vieille bohémienne qui demandait à monter.

     

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    Elle disait savoir des secrets des recettes merveilleuses qui mettraient immédiatement sur pied le jeune seigneur dont elle avait entendu raconter l’accident.


    -   Mets-la dehors ! commandant Larseneur.


    Félicien allait s’esquiver.


    Le marquis le retint d’un signe.


    -   Laisse monter cette bonne femme, Jonas, dit-il, elle me distraira quelques minutes.


    Larseneur haussa les épaules.


    Félicien disparut et ré apparut bientôt, précédent une femme fort âgée qui présentait tous les signes de la race de bohème.


    Elle était vêtue de méchants haillons, à son cou dansait un gros collier de perles fausses.


    Elle salua tout le monde avec obséquiosité, puis ses yeux se portèrent sur René et s’y fixèrent avec une insistance singulière.


    - Voulez-vous guérir immédiatement, mon beau jeune seigneur ? demanda-telle d’une voix cassée.

    -   Certes, vieille sorcière, je ne demande pas mieux, dit Kertaillan avec un sourire.

    -   Donnez-moi votre main d’abord ?

    -   Voilà.

    -   Non, la gauche.

    -   Diable, c’est que je suis fort blessé de ce côté.

    -   J’ai la main légère, d’ailleurs, je vous toucherai à peine.

    -   Comment, tu crois à toutes ces sornettes ? interrompit Vallarmis.


    La vieille se redressa et lança un regard courroucé au duc.


    Puis elle dit :


    -   Ce que vous traitez de sornettes n’est autre chose que la seule, la vraie science.


    Elle se pencha sur René et se mit à étudier en silence toutes les lignes et toutes les formes de la main du jeune homme.


    -   Ok, voilà qui est étrange ! s’écria-t-elle tout à coup.

    -   Eh bien, quoi ?

    -   J’ai déjà vu ces lignes d’origine absolument pareilles, mais c’est bien lointain et ma pauvre mémoire disparaît.


    Elle se remit de ce moment de trouble, puis débita son oracle d’une voix solennelle :


    -   Vous serez heureux dans votre entreprises et dans vos affections. Vous aimerez beaucoup, vous serez beaucoup aimé, vous n’aimerez qu’une fois.


    René se sentit rougir.


    La vieille continua :


    -   Quelqu’un de votre sang vous veut un mal de mort, mais vous triompherez de toutes ses embûches.


    René, Vallarmis et Jonas ne purent réprimer un tressaillement.


    -   Vous avez échappé tout dernièrement à un grand danger, mais un autre encore plus grand vous menace…


    En disant ces derniers mots, la vieille eut un singulier ricanement, puis resta un moment silencieuse.


    -   Je n’ai plus rien à dire, dit-elle enfin. Maintenant il faut vous guérir. Donnez-moi une coupe et de l’eau ?


    Tout en maugréant et sur un regard suppliant de René, Jonas apporta un gobelet d’argent et une carafe.

     

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    Alors la vieille tira de sa poche un petit flacon et une petite boîte.

     

    Elle prit dans la boîte une pincée de poudre blanchâtre qu’elle laissa tomber dans le gobelet, puis avec des précautions infinies, elle ajouta à cette mixture quelques gouttes du liquide incolore contenu dans son flacon.

     

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    Cette opération terminée, elle marmotta quelques paroles sur le breuvage et le tendit à René qui avança la main pour le prendre.


    -   Ah ! monsieur René, dit Jonas en s’avançant, est-il possible, vous allez avaler les drogues de cette vieille folle !

    -   J’ai si peur de manquer la bataille, Jonas !

    -   Eh ! vous ne la manquerez pas, enragé que vous êtes. Mais par grâce, ne buvez pas cette potion. Cela ne peut que nuire à l’effet des remèdes ordonnés par le chirurgien, et puis vous dit encore que ce n’est pas quelque poison ?


    A DEMAIN POUR LA SUITE


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